Les gendarmes français, allemands et suisses de la compagnie fluviale ont participé, le 16 mars 2023 à la gravière de Holtzheim (Bas-Rhin), à un entraînement de lutte contre le trafic de drogue. 30 plongeurs ont enquêté durant près de cinq heures sur le naufrage d'un bateau contenant du cannabis.
La compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande, accompagnée de leurs collègues suisses, ont organisé, le jeudi 16 mars à la gravière de Holtzheim (Bas-Rhin), un vaste exercice nautique et subaquatique.
Au programme, le naufrage d'un bateau appartenant à un groupe de trafiquants de drogues, avec à son bord près de 30 kg de cannabis. Cette opération d'ampleur inédite a pour objectif de faciliter la coopération des trois pays lors d'évènements indésirables survenant sur le Rhin.
À 9h, le commandant de la compagnie de gendarmerie fluviale, Pierre-Michel Arcade, réunit ses équipes, dont sept enquêteurs subaquatiques allemands, huit Suisses et onze Français, pour annoncer l'opération à mener. "Pablo Escobalt, à la tête d'un cartel de drogue, a envoyé quatre de ses trafiquants sur la gravière à bord d'un voilier", annonce-t-il. La compagnie est assistée de trois embarcations, un hélicoptère, un drone.
Au total, 30 plongeurs se relaient toute la matinée afin de retrouver l'épave du voilier, les malfaiteurs ainsi que les cargaisons de stupéfiants à bord. L'eau translucide de la gravière du Fort leur facilite la tâche, malgré une température glaciale de 7°C.
Ce biotype préservé est utilisé depuis une dizaine d'années par différents clubs de plongée pour effectuer leurs entraînements. "C'est même devenue une base fédérale en 2014. C'est un endroit propice à ce genre d'exercice, car il est fermé au public et un grand parking permet aux gendarmes d'y entreposer leur matériel", affirme Michel Lambinet, directeur bénévole du lieu, qui est devenu le deuxième site de plongée le plus fréquenté de France.
L'Eurométropole de Strasbourg n'a pas été choisie au hasard pour effectuer cet exercice inédit en France. L'enjeu principal est la maîtrise fluviale du Rhin. Les équipes de gendarmeries frontalières ont pour objectif de coopérer entre elles. "Cette compagnie fluviale franco-allemande est toute récente et unique, elle émane d'une convention signée en juillet 2022", précise Jeanne Chevalier, préfète du Bas-Rhin. Les équipes franco-allemandes sont aujourd'hui basées à Kehl, en Allemagne.
Un voilier et cinq trafiquants de drogue à retrouver
Vers 10h, l'équipe actionne son sonar de détection subaquatique qui permet de localiser et baliser l'emplacement de l'épave du voilier. "Il émet des ultrasons, réceptionne les échos qui sont transformés puis affichés sous forme d'images avec leurs coordonnées GPS", explique l'un des gendarmes français. Les autorités procèdent ensuite à une photogrammétrie permettant de déterminer la forme, les dimensions et la situation d'un objet.
L'épave est balisée, deux plongeurs allemands enfilent leurs combinaisons et montent à bord de leur embarcation. Objectif : vérifier que le voilier est bien à l'endroit indiqué. Au milieu de l'eau, un plongeur sort sa main droite en faisant le signe "Ok" pour confirmer la présence de l'engin. Entre temps, deux des quatre trafiquants sont arrêtés par des policiers en civile autour de la gravière. L'hélicoptère lui amène deux plongeurs par les airs, pour s'entraîner à l'éventualité d'un plan d'eau inaccessible par la terre.
Le drone est lui en observation à plusieurs mètres au-dessus de l'eau afin de retrouver les potentiels ballots de cannabis qui flotteraient. Les gendarmes français succèdent aux Allemands quelques dizaines de minutes plus tard. "Il est important de se relayer. Tout est plus compliqué sous l'eau, de plus chaque nationalité n'a pas les mêmes techniques, ni les mêmes équipements de plongée", précise Pierre-Michel Arcade.
Des méthodes d'enquêtes différentes
Au fur et à mesure de l'entraînement, les enquêteurs subaquatiques retrouvent des armes et les corps sans vie des deux autres trafiquants, qui sont en réalité des mannequins destinés à l'exercice. Les gendarmes français relèvent les empreintes des suspects directement sous l'eau, une méthode délicate qui est pratiquée par très peu de pays. "La mission est aussi d'aider les autorités judiciaires. L'intérêt est de sécuriser les preuves. Certains éléments utiles disparaissent lorsque l'on sort une personne ou un objet de l'eau", indique Frédéric Brunet, adjudant chef de la compagnie fluviale franco-allemande.
Les Allemands et les Suisses procèdent à ces relevés seulement lorsque le corps est hors de l'eau. Une méthode qui pourrait évoluer avec ces prochaines années grâce à la coopération des trois pays. "Le crime du petit Grégory en France a permis d'évoluer sur ce point, et d'établir les prémisses d'un relevé d'empreintes ou d'ADN directement sous l'eau", ajoute l'adjudant.
Au bout de quatre heures de ce test grandeur nature, la compagnie franco-allemande et leurs homologues suisses ont réussi à retrouver 15 kg de résine de cannabis, 12 kg d'herbe, les deux corps sans vie des trafiquants, deux armes, dont un revolver et un fusil ainsi qu'un téléphone.
Malgré un trafic de drogue fluvial rare, voire inexistant sur le Rhin, cette première opération permettra, selon le commandant de la compagnie, de se préparer à tous les types d'interventions. Pour l'heure, la majorité des enquêtes subaquatiques tournent autour de vol de voitures, de coffre-fort ou d'armes qui sont coulés dans le fleuve.