La gravière du fort à Holtzheim est connue dans le monde de la plongée, c’est le deuxième site le plus fréquenté en France. Pourtant la nature reste intacte et l’eau est limpide. Un inventaire de la biodiversité vient d'être réalisé, les résultats sont surprenants.
En 2009, le site est encore exploité pour extraire du gravier, quelques rares plongeurs connaissent l’endroit, ils savent que l’activité économique doit cesser. Les clubs de plongée de la région saisissent l’opportunité d’acquérir ce plan d’eau. « Au début, le paysage était minéral » se souvient Christophe Schilt, l’un des premiers plongeurs convaincus du potentiel de ce site. « On voyait essentiellement des cailloux et quelques arbres ». C’est le paysage habituel des gravières en exploitation. Les initiateurs du projet s’intéressent fortement au développement de la biodiversité sur ce lieu. Parmi eux, Serge Dumont est spécialiste des milieux aquatiques. Il est connu pour avoir réalisé le documentaire : 'Le Fleuve invisible, un trésor sous la plaine du Rhin' qui remporte un franc succès dans toute l’Europe.
Pour lui, cette gravière n’est pas qu’un lieu de plongée, c’est aussi un sujet d’étude. Il lui est possible de suivre précisément l’évolution de la faune et de la flore dans ce plan d’eau. L’objectif est de laisser s’implanter la nature et de réduire au maximum l’impact des plongées successives sur l’environnement. Des pontons et des mises à l’eau permettent d’éviter le piétinement des bordures, la végétation aquatique reste intacte. Les sanitaires et abris extérieurs sont tous équipés de toilettes sèches pour éviter tout rejet polluant.
Dix ans plus tard, le milieu est en pleine évolution
Peu de temps après l’acquisition du site par les plongeurs, un état des lieux écologique est réalisé.La végétation sur les berges évolue rapidement, dans l’eau il y a une bonne diversité de poissons mais la végétation tarde un peu à se développer. Le fond était remué en permanence par l’extraction de cailloux, les sédiments qui se déposaient ont freiné le developpement des plantes aquatiques. Serge Dumont identifie une espèce très rare en 2010, il s’agit du briosoaire lophopus crystallinus (à voir dans la vidéo), cette découverte encourage les efforts de suivi sur le biotope de la gravière.
Un deuxième inventaire des espèces est réalisé en mai 2021.
En 10 ans, le milieu a beaucoup évolué, la nature a repris ses droits, cet endroit semble sauvage malgré les 35.000 plongées enregistrées ces dernières années. Lors du deuxième état des lieux, les berges et le plan d’eau sont passés au peigne fin et les résultats sont surprenants.
Dans l’eau, on constate la présence de trois nouvelles plantes aquatiques : la rénoncule à feuilles capillaires, la grande naïade et la bryophyte calliergonella cuspidata, une mousse qui n’a jamais été identifiée en gravière à cette profondeur auparavant.
D’après Serge Dumont, son apparition serait liée à l’implantation d’un mollusque, la moule quagga dreissena bugensis, il s’agit d’une espèce invasive présente dans le plan d’eau depuis quelques années. Elle filtre l’eau en se nourrissant de plancton, elle occupe l’habitat d’autres espèces. Serge Dumont a observé dans le cadre de ses recherches que cette moule modifie le pH de l’eau en le rendant un peu plus acide. C’est certainement cela qui explique la présence de la bryophyte, cette mousse qui normalement vit dans des zones humides à faible profondeur dans des milieux plus acides comme les tourbières.
Ce nouvel inventaire de la biodiversité dans cette gravière permet de montrer une évolution permanente de cet écosystème.