INSOLITE. Persuadé qu'une météorite est tombée sa terrasse, il cherche à en apporter la preuve

François Seyller, un habitant de Gambsheim (Bas-Rhin), se démène pour prouver que ce qui est tombé sur sa terrasse le 28 août 2018 est bel et bien une météorite. Ses investigations durent depuis 5 ans et il n'en a encore aucune certitude.

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Il est du genre obstiné. Voilà 5 ans que François Seyller remue ciel et terre pour prouver que c’est bien une météorite qui est tombée sur sa terrasse le 28 août 2018.

Il frappe à toutes les portes pour essayer de mettre un nom sur ce petit morceau de 0,117 gramme. De l'Institut de Planétologie à Münster en Allemagne au laboratoire du CNRS de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, ses interlocuteurs peinent à lui prouver que "sa météorite" est bien d'origine extra-terrestre.

Passionné d'astronomie, l'Alsacien ne baisse pas les bras. Il poursuit sa quête, espérant pour pouvoir affirmer un jour que ce morceau de granite de 0,117 gramme est bel bien une météorite. Mieux : une météorite lunaire.

Tout a commencé par un gros bruit

Ce 28 août 20818 vers 16h30, François Seyller range ses outils de jardin sous sa terrasse quand soudain, il entend un gros bruit : "C'était comme le bruit d'un gros caillou qui tombe sur un pare-brise et qui roule à grande vitesse. J'étais juste en dessous du point d'impact. C'est vraiment un bruit fort". 

"J'ai immédiatement pensé à une météorite", raconte l'habitant de Gambsheim, "Je ne suis pas spécialiste. Juste ingénieur des Arts et Métiers".

Il commence son enquête : "J’ai examiné le dessus des lames en bois et j'ai vu un impact ayant fait un trou dans la lame en ipé (nldr : un bois exotique naturellement résistant aux intempéries et aux attaques fongiques) se trouvant à l’endroit même où j’ai entendu l’impact".

Il démonte les lames pour ramasser tous les petits cailloux qui s’y trouvent en se disant qu'au moins l’un d’eux devait appartenir à la météorite qui venait de tomber.

Une enquête au long cours

Bien décidé à prouver son intuition, François Seyller prend attache avec des musées spécialisés en météorites en leur envoyant le débris récupéré. Il fait chou blanc. Personne n'atteste être en présence d'une météorite.

On lui avance des explications qui ne le satisfont pas : "Certains y voyaient un résidu de l’industrie sidérurgique qui aurait pu être jeté sur ma terrasse par le voisin pour me faire une blague. D’autres y ont tout de même reconnu du granite mais l’ont classé d’origine terrestre".

Agacé mais persévérant, il poursuit ses investigations. Huit mois plus tard, il commence à explorer la cavité provoquée par l'impact dans la lame en ipé, pensant y trouver d'autres indices. En la désossant, il découvre des débris de bois carbonisés dans la cavité plus grande qu'attendue. .

Mieux encore, il trouve une dizaine d'autres impacts : "Il s'agissait d'impacts tous orientés vers le Sud-Est avec un angle de pénétration d’environ 55°". Il prend note et envoie son rapport et ce qui était pour lui une météorite à l’Institut de Planétologie à Münster en Allemagne.

François Seyller sent pour la première fois qu'il est pris au sérieux. L'institut décide d'en faire une "lame mince", autrement dit une tranche de trois microns d'épaisseur prise entre deux plaques de verre. Le chercheur allemand conclut à un granite terrestre mais stoppe ses investigations, faute de temps. Nouvelle déconvenue. L'Alsacien met son enquête en pause. 

Vers un dénouement heureux?

En décembre 2022, François Seyller identifie un planétologue à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, Mathieu Touboul, susceptible de l'aider. Son domaine de recherche : la formation des planètes. Il travaille notamment sur des roches lunaires ramenées par les missions Apollo de la NASA.

Dans le compte-rendu du chercheur, François Seyller pense comprendre que l'élément étudié en lame mince par l'Institut de Planétologie de Münster en Allemagne a bien subi un choc météoritique : " Ce choc n’a pu se produire que lorsqu’une grosse météorite a percuté le corps parent d’où est issu cet élément, ayant entrainé son éjection vers l’espace".

Il s'emballe : " Pour choquer un quartz, il faut une pression de 200 000 bars, soit l’équivalent d’une colonne d’eau de 2000 kilomètres de haut. Cette pression doit s’appliquer pendant un temps bref et sans élévation notable de température. Pour pouvoir rattacher la météorite à son corps parent, il faudrait pouvoir faire une analyse isotopique".

Mathieu Touboul, le chercheur lyonnais, temporise : "Il faudrait soit un spécialiste en minéralogie et pétrologie, soit faire des mesures isotopiques, meilleur outil pour détecter une origine extra-terrestre. Et encore, malgré cela, on ne peut pas garantir à 100% qu'il s'agisse d'une météorite lunaire".

Les analyses isotopiques en question sont impossibles en l'état, la quantité recueillie est trop faible. "On aurait à faire à un kilo de matière, on pourrait l'envisager mais là, avec 0,117gramme, c'est franchement difficile et trop coûteux".

La démarche de François Seyller ne l'étonne guère : "Nous sommes sollicités chaque année par, en moyenne, 5 ou 6 personnes. Certains sont plus ou moins fantaisistes. Monsieur Seyller s'est donné beaucoup de mal pour récupérer tout le matériel possible. Il faut dire que c'est très rare d'avoir à faire à une personne qui trouve réellement une météorite!"

Une histoire en partage

François Seyller sent malgré tout qu'il avance :  "J'ai un peu l'impression d'être Galilée, seul contre tous. Et je vous avoue que ma femme commençait à me trouver pénible, surtout lorsque je remettais en question tous les experts et les spécialistes. Elle me disait que j'étais buté!".

François Seyller fera une conférence sur cette enquête au long cours lors du week-end du 5 et 6 mai organisé par l'Association d'Astronomie Nemesis, dont il est secrétaire, au Château du Haut-Barr sur les hauteurs de Saverne.

On pense alors que l'affaire est terminée.  Que nenni! François Seyller entrevoit d'autres pistes de recherches :"La météorite a marqué les lieux de sa chute par de multiples empreintes. En étudiant celles-ci, on pourrait en déduire sa vitesse au moment de l’impact. On pourrait aussi calculer à quelle distance du sol elle s’est pour la dernière fois fragmentée en mesurant les différents angles de pénétration des débris dans le bois". Espérons que son épouse a encore quelques grammes de patience. Lui n'en manque pas manifestement.

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