Directeur du centre européen du résistant déporté, situé sur le site de l'ancien camp de concentration nazi du Struthof à Natzwiller (Bas-Rhin), Guillaume d'Andlau ne verra pas son contrat renouvelé. Les quatre derniers déportés français du camp encore vivants s'opposent à cette décision.
Guillaume d'Andlau ne sera pas renouvelé à la tête du centre européen du résistant déporté, situé sur le site de l'ancien camp de concentration du Struthof, lui qui occupe ce poste depuis 2019. Une décision qui fait réagir, étant donné les bons résultats du centre salués par les derniers déportés encore vivants et leurs descendants.
L'information lui a été transmise en juin au cours d'un entretien téléphonique avec Véronique Peaucelle-Delelis, la directrice générale de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) dont dépend le centre européen du résistant déporté. C'est ce même office, sous la tutelle du ministère de la Défense, qui avait nommé Guillaume d'Andlau en 2019.
"Je suis contractuel. J'ai été nommé pour un an et mon contrat a toujours été renouvelé", explique le directeur du centre. Sauf que le 30 septembre 2023, il quittera sa fonction. "La directrice générale a admis que mes résultats étaient excellents, mais qu'il fallait changer de profil."
Des évaluations élogieuses
Guillaume d'Andlau présente en effet un très bon bilan à la tête du centre, inauguré en 2005 et décrit comme "un lieu de formation, de réflexion et de rencontre" et comme "une introduction à la visite du camp [de concentration nazi du Struthof] situé à proximité". La fréquentation de 2023 est en bonne voie pour dépasser les 200.000 de 2019, l'année record.
Dans son bilan d'activité, l'Alsacien se targue d'avoir obtenu de très bonnes évaluations en 2021 et 2022. "Directeur de site très dynamique et très impliqué", "agent très compétent", "en pointe en ce qui concerne la recherche de financements extérieurs", peut-on y lire.
D'anciens déportés interpellent Emmanuel Macron
Alain Salomon, fils de déporté, a écrit début août une lettre au président de la République pour lui demander d'annuler cette décision, au nom des quatre derniers résistants déportés français survivant du Struthof.
"Monsieur d'Andlau a fourni un excellent travail pour faire connaître le Struthof depuis quatre ans. Quand on a appris la nouvelle, nous avons voulu nous mobiliser car nous trouvons cette décision incompréhensible. Un gros travail a été fait après des écoles en particulier", salue Alain Salomon. Le centre est ouvert 33 jours de plus par rapport à 2019 et propose jusqu'à 11 visites guidées par jour l'été, contre six auparavant.
Cette réaction des anciens déportés m'a beaucoup touché.
Guillaume d'Andlau
Jean Villeret, ancien déporté aujourd'hui âgé de 100 ans, a lui aussi écrit à Emmanuel Macron. Dans sa lettre, il se dit "très inquiet par le départ de Monsieur d'Andlau", d’autant plus que 2023 et 2024 représentent des années importantes pour le CERD. En 2024 doivent être célébrés les 80 ans de la libération du camp de concentration.
"Cette réaction des anciens déportés, à qui je n'ai rien demandé, m'a beaucoup touché. J'ai eu beaucoup de marques de soutien. Eux, ils n'ont peur de rien ! Au CERD, les équipes ont été surprises et s'inquiètent de la suite", confie le futur ex-directeur.
Accusé de harcèlement moral
"Quand je suis arrivé, l'ONaCVG m'a confié comme mission de réorganiser les équipes. Cela a impliqué la suppression du poste de directeur adjoint, qui s'est plaint de harcèlement moral de ma part. L'inspection du travail n'a finalement rien constaté de tel", se défend Guillaume d'Andlau.
On reproche également à ce dernier des relations compliquées avec le département mémoire de l'ONaCVG. "Il y a des difficultés de compréhension entre les réalités du territoire et la vision très centralisée de l'Office national depuis Paris", rétorque l'intéressé, qui ajoute avoir récolté plus d'1,5 million d'euros auprès de partenaires extérieurs pendant ses années à la tête du centre.
On préfère souvent le calme aux personnes qui font bouger les choses.
Guillaume d'Andlau
"Je m'attendais un petit peu à cette décision. On préfère souvent le calme aux personnes qui font bouger les choses et qui remettent quelques acquis en question. Mais le côté brutal, il n'est pas que de mon côté ! Alors qu'on vient d'allonger l'âge de départ à la retraite et que notre administration vante le travail des seniors, ça me fait doucement sourire", tacle l'homme de 61 ans.
"Le 1er octobre, j'irai chez Pôle emploi. Mais je suis bien conscient que j'ai des rides sur le front et que ça ne sera pas simple de retrouver un travail. En tout cas, je n'ai plus d'espoir de voir cette décision annulée. Par contre, je m'étonne que l'Office national ne me fasse aucune proposition pour la suite", s'interroge-t-il.
Contacté par France 3 Alsace, l'ONaCVG n'a pas encore répondu à nos sollicitations.