Depuis la fin du 19ème siècle, la famille Kayser a les mains dans la farine. Pour Matthieu, la 4ème génération, le métier de boulanger est aussi une passion. Il a reconstitué un ancien fournil pour honorer le travail de ses ancêtres.
Pendant des années, Matthieu Kayser a regardé son grand-père puis son père travailler dans la boulangerie familiale à Morsbronn-les-Bains (Bas-Rhin). Il en a hérité l’amour du pain et de son histoire. Aujourd’hui, il veut continuer à la transmettre. A partir d’une unique photographie, il a fait construire un four à pain du début des années 1900. La porte est d’origine ainsi que les décorations ferraillées. Ça lui a coûté 12 000 euros.
“A l’époque, le boulanger avait un rôle capital, assure-t-il. Les gens n’avaient pas grand-chose à manger à part le pain et les légumes. Le boulanger n’avait pas forcément d’électricité, ou même de lumière. Pourtant, il trouvait toujours une solution pour que les gens aient de quoi manger.”
Son four est installé dans un véritable petit musée avec d’autres objets d’époque. Tous datent plus ou moins de l’avant Seconde Guerre mondiale. Anciens atelier, pétrin, livrets de rationnement, ... Il y a même un dénoyauteur de cerises et une machine à café d’époque.
“Les gens peuvent venir chez moi et voir comment c’était avant. Toutes ces machines sont d’origine. Ce sont celles que mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père utilisaient”, explique Matthieu.
Une histoire de famille
C’est dans la maison qui abritait l’ancienne boulangerie Kayser, ouverte en 1958, que se trouve le vieux fournil de Matthieu. Là où son père, Freddy, travaillait la pâte en son temps. Lui aussi est un grand passionné de l’histoire de la boulangerie.
Il y a près de 30 ans, il a imaginé puis commercialisé le “Pain paysan 1870”, en mémoire de cette période de guerre qui a touché de plein fouet le village de Morsbronn : “J'ai réfléchi à la manière de faire du pain, aux mélanges de farines. Et j'ai essayé de faire du pain comme autrefois, pour qu'on n'oublie pas cette période difficile où les matières premières étaient rationnées.”
“Matthieu a continué avec la même mentalité, et la même façon de voir la boulangerie, poursuit-il fièrement. On nous a transmis l’histoire et on continue à la transmettre. C'est vraiment important pour nous. Les gens oublient ce qu'était la guerre et qu'à une époque, il n’y avait pas assez à manger.”
Ce besoin de transmission ne date pas de Freddy Kayser. C’est Charles, son père à lui (et le grand-père de Matthieu), qui a commencé la tradition en relatant sur huit pages manuscrites sa vie pendant la guerre et son quotidien de boulanger. 25 ans plus tard, Freddy et Matthieu ont raconté à leur tour l’histoire de famille dans un livre avec comme fil conducteur, le pain.
“On a travaillé ensemble pour les recherches et l’écriture. On fait presque tout ensemble”, confie Matthieu.
La touche féminine
Depuis 2001, la boulangerie Kayser ne se situe plus rue du moulin, mais route de Haguenau. Un axe routier important dans le nord de l’Alsace. C’est toujours une affaire de famille. Matthieu est en charge du fournil et du laboratoire de pâtisserie. Freddy inspecte les travaux finis, bien qu’il soit à la retraite depuis un moment. A l’accueil, le visage de la boulangerie, c’est Elisabeth, la femme de Freddy. Leur rencontre était-elle un hasard ? On peut en douter.
“A l’époque, je travaillais à la banque. Mais mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient... boulangers ! Je savais à quoi m’attendre”, s’amuse Elisabeth.
C’est en partie grâce à elle que la famille Kayser a commencé à voir plus grand. A son arrivée dans l’entreprise familiale, toutes les factures étaient entassées dans une boîte à chaussures. Il a fallu remettre de l’ordre. Puis sont arrivées d’autres nouveautés. Un salon de thé, un drive-in, un accent sur l’esthétique et un accueil de la clientèle plus recherché.
Aujourd’hui, la boulangerie Kayser compte une quinzaine d’employés et une clientèle abondante aux heures de pointe. Etant donnés la charge de travail d’un boulanger et les horaires décalés, qui eux sont les mêmes depuis la nuit des temps, les moments en famille, c’est à la boulangerie.