À Schiltigheim, une entreprise d'électricité s'est fait dérober pour 15.000 euros de cuivre le week-end du 11-12 février. L'inflation des matières premières fait exploser les vols organisés dans le secteur du BTP. Les artisans luttent pour ne pas céder à la résignation.
Le bâtiment est un univers à part, où parfois règne la loi de la jungle. Le lundi 13 février, à son arrivée sur un chantier d'importance en cours sur le site de l'ancienne brasserie Fischer à Schiltigheim dans le Bas-Rhin, une équipe d'électriciens salariés au sein de l'entreprise Veit découvre la razzia dont elle a été victime pendant le week-end. 1.200 kilos de cuivre dérobés, soit une valeur d'environ 15.000 euros, un matériau utilisé dans le cadre de travaux d'installation.
"Mon chef de chantier m'a appelé et m'a dit qu'il voulait rentrer chez lui. On est tous dégoûtés, confesse le patron, Emmanuel Veit. Deux mois de travail réduits à néant, et des ouvrages saccagés." Les quatre bâtiments et les 155 logements sont censés être livrés en mars, mais rien n'est moins sûr, car ce genre d'incidents "fait prendre du retard", il faut "tout réparer, tout recommander". Pas facile, au vu des pénuries sur le marché.
Emmanuel Veit s'est fait le relais de ces malheureuses péripéties sur la page Facebook de l'entreprise:
Le client, en bout de chaîne, se trouve lui aussi pénalisé par d'éventuels retards, d'autant que depuis plusieurs mois, les artisans n'en finissent plus de subir des vols. "Ici, c'est le troisième depuis septembre", ajoute encore le dirigeant de la société. Des actes de vandalisme toujours corrélés à l'augmentation du prix des matières premières. Or, l'inflation de ces derniers mois est inédite, le bâtiment n'échappe pas à la règle.
Des vols méthodiques, sans peur du danger
"Dans le passé, on était sur des opérations coup de poing. Maintenant, le pire, c'est que les auteurs n'ont même plus peur de rester sur place longtemps. Là, ils ont dénudé les câbles, puis les ont coupés. Il y avait 500 mètres en tout, ça a bien dû leur prendre quatre à cinq heures", précise Emmanuel Veit. Des vols organisés avec un scénario bien ficelé. Sur place, des informateurs donnent l'état d'avancée des chantiers aux malfaiteurs. Ces derniers font leur affaire avant de revendre les matériaux, notamment en Allemagne où il existe des filières.
"C'est un combat permanent, explique Maurice Karotsch, président de la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Les artisans les plus exposés à ces délits sont ceux qui interviennent en dernier : électriciens, chauffagistes, carreleurs. Ceux qui posent des objets de valeur. C'est devenu récurrent."
Une cellule spécialisée, plus de patrouilles ?
Au-delà des vols, c'est aussi l'indifférence à laquelle ils font face qui fait monter les professionnels du bâtiment au créneau. Dans le cas du chantier de Schiltigheim, la police ne s'est pas déplacée. Des caméras de surveillance sont installées sur place, certes, mais il reste possible de se rendre sur le site incognito. Quant aux assurances, elles sont souvent trop chères pour bénéficier d'un remboursement en cas de vol et, quand bien même, "il y a une franchise" précise le président de la CAPEB. Au vu de la lourdeur des démarches, peu d'artisans d'ailleurs portent plainte.
"On se sent un peu comme les parents pauvres, insiste-t-il encore. L'été 2022, j'avais alerté directement la préfète sur les problématiques de sécurité. Cela avait fait bouger les lignes, mais tout ça est retombé cet automne. On est revenu au point de départ", regrette celui qui milite notamment pour la création d'une "cellule spécialisée dans le bâtiment" au sein des services de l'État. Objectif : trouver un écho à ces problématiques et pouvoir réagir rapidement sans pâtir de l'inertie des pouvoirs publics.
"Plus de patrouilles de police ou de la gendarmerie, surtout le week-end lorsque personne ne se trouve sur les chantiers, ce serait déjà un bon début", plaide encore Maurice Karotsch, qui veut absolument éviter que ce genre d'événements ne se mue en banalité. "Après tout, nous sommes dans un État de droit", conclut-il.