Bas-Rhin : une cérémonie annuelle pour entretenir les Stolpersteine, pavés de la mémoire pour se souvenir des victimes la Shoah, à Muttersholtz

Les Stolpersteine (littéralement pierres d'achoppement en allemand) sont des cubes de laiton sertis devant des habitations pour rappeler qu'y ont vécu des victimes de la Déportation, durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dimanche 23 janvier, comme chaque année, ils ont été entretenus au cours d'une cérémonie à Muttersholtz (Bas-Rhin).

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Ne jamais oublier. C'est l'objet des Stolpersteine (signifiant pierres d'achoppement en allemand, des pavés sur lesquels on trébuche). De petits cubes de laiton sertis dans le trottoir se trouvant devant certaines habitations.

Certaines habitations où vivaient des personnes juives, déportées au cours de la Shoah, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces pavés de la mémoire mentionnent leur nom, leur année de naissance, et la date de leur mort due à la Déportation.

Le laiton étant constitué de cuivre, il faut l'entretenir afin d'éviter qu'il se détériore et ne rende les inscriptions illisibles. Pour ce faire, une cérémonie (annuelle) avait lieu ce dimanche 23 janvier 2022 à Muttersholtz (Bas-Rhin), peuplée d'un peu plus de 2.000 âmes (voir la carte ci-dessous).


Présent à cette importante cérémonie mémorielle, le maire (EELV) Patrick Barbier a répondu aux questions de France 3 Alsace. "Ces pavés sont très discrets dans l'espace public. Ils ont tendance à s'oxyder et à devenir assez peu visibles si on ne les lustre pas." Ils deviennent alors ternes et sombres, couleur anthracite.

"Mais même sans ce problème technique, ils resteraient très discrets. Cette cérémonie, c'est une façon de les mettre en évidence, et de rappeler pourquoi ils ont été mis."


"Pas mal" d'enfants ont participé à cette cérémonie. "En matière de mémoire, on se tourne le plus spontanément vers les enfants." Car le drame que constitue la Shoah reste proche de notre époque. "Ce n'est pas si lointain en termes de durée et d'espace. Ça s'est passé chez nous, à côté de chez nous, pour des concitoyens."

"C'est un symbole fort. Je suis né en 1958, j'étais gamin, et quand on m'en parlait dans les années 60, ça me semblait relever de la nuit des temps : c'était un truc très loin. Alors que non."


"On a mis les Stolpersteine [en 2019] avec les enfants, et maintenant, chaque année avec, on les polit avec les enfants, et les autres générations." Car le travail de mémoire doit être renouvelé et partagé avec chaque génération.

Une éponge et un produit polissant étaient utilisés pour l'entretien de ces pavés mémoriels. De vieilles photographies de famille ont été disposées. Pour plus de proximité. "Dans l'inconscient collectif, les juifs étaient des gens différents. Alors qu'on voit qu'ils avaient les mêmes photos de famille que nous. Être juif, c'est juste avoir une autre religion. Ce sont des humains." C'était important de le rappeler.


Les biographies des personnes déportées ont été lues lors de l'entretien des pavés. "Ça rend les choses plus concrètes. Certaines biographies ont été lues par des enfants, car des enfants parfois très jeunes ont été déportés. Il y en a un âgé de 4 ans qui a son Stolpersteine..."

Évènements mémoriels connexes

Le devoir de mémoire est pris très au sérieux à Muttersholtz. "Il y a beaucoup d'innovation [ici]. On peut se demander pourquoi il y a toujours ce cran d'avance sur plein de questions : mon hypothèse, c'est que la triconfessionnalité s'est bien passée, pendant deux siècles avec quasiment aucune trace de conflit. Ce qui est loin d'être le cas dans d'autres villages. Cette aptitude à vivre ensemble entre gens de conditions différentes, elle perdure. Il y a quelque chose qui en est restée dans [notre] mentalité très ouverte."

Une exposition sur le devenir des anciennes synagogues alsaciennes (beaucoup ont été désaffectées) a été installée par le journaliste Baptiste Cogitore. Dans l'ancienne synagogue, justement, devenue salle communale (et de gymnastique jusqu'en 2019).

"On y a d'ailleurs démarré un chantier de rénovation intérieure - l'extérieur est déjà rénové - pour en faire une petite salle de spectacle. On y a dévoilé le premier siège." Par analogie avec la première pierre d'un édifice. La tribune de prière des femmes a vocation à perdurer, tout comme les fenêtres voûtées, pour que la dévolution première de ces murs ne se perde pas. Étymologiquement, la synagogue est "le lieu où l'on rassemble", rappelle le maire. Qu'elle abrite des offices religieux autrefois, ou des spectacles à présent, sa vocation va donc perdurer.

L'étymologie nous apprend que la synagogue, c'est le lieu où on rassemble.

Patrick Barbier, maire (EELV) de Muttersholtz

Baptiste Cogitore (actuellement en résidence d'écriture dans la commune) y a aussi projeté son film Le Fantôme de Theresienstadt. Une oeuvre mémorielle poignante sur le destin de Hanus Hachenburg, enfant-poète assassiné par les nazis dans le ghetto tchèque de Terezin. "Il a laissé des écrits assez exceptionnels. La résidence d'écriture de Baptiste Cogitore permettra d'écrire un livre à ce sujet." (lire la publication Facebook ci-dessous)


La cérémonie a eu lieu à quelques jours de la date anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz (27 janvier 1945). C'est aussi la date de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste.

En outre, une nouvelle session de polissage devrait avoir lieu au mois de juin, et mettra à contribution les élèves de CM2 de l'école primaire de Muttersholtz. De manière très pratique, car il s'agit de l'année scolaire faisant figurer au programme l'étude la Seconde Guerre mondiale. Et de ses conséquences, jamais oubliées. 

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