Le mardi 13 juin 2023, La Croix, Famille Chrétienne et La Vie ont publié une enquête selon laquelle l'évêque auxiliaire de Strasbourg Gilles Reithinger aurait couvert des faits d'agression sexuelle commis en 2013. Il livre à France 3 Alsace sa version des faits.
Dans une enquête commune, La Croix, Famille Chrétienne et La Vie annoncent le mardi 13 juin 2023 qu'une enquête est en cours à l'encontre de l'évêque de La Rochelle Mgr Georges Colomb pour des faits "de nature sexuelle" qui auraient été commis dix ans plus tôt. L'actuel évêque auxiliaire de Strasbourg Gilles Reithinger aurait à l'époque été mis au courant de ces faits et les aurait couverts.
En 2013, Gilles Reithinger est alors vicaire général aux Missions étrangères de Paris (MEP), une société de vie apostolique dirigée à l'époque par Georges Colomb. Dans son enquête, La Croix relate le témoignage d'un certain Nicolas (le prénom a été modifié) qui accuse Georges Colomb, aujourd'hui évêque de La Rochelle, de faits pouvant être considérés comme une agression sexuelle.
Nicolas, qui loge de temps en temps gratuitement aux MEP, situées rue du Bac à Paris, connaît Gilles Reithinger de longue date. "Du lycée", indique ce dernier. Contacté par France 3 Alsace au lendemain des révélations de La Croix, Famille Chrétienne et La Vie, il répond aux accusations qui lui sont faites.
Une proposition de massage à l'huile
Dans une longue réponse écrite, le natif de Mulhouse écrit : "Quelques semaines après la venue de [Nicolas] rue du Bac [...], il a demandé à me voir pour me faire part d'une situation qu'il trouvait embarrassante. J'en garde un souvenir assez vif, car d'emblée, il m'a dit que le sujet était très sensible puisqu'il concernait le supérieur général de l'époque, Georges Colomb."
Georges Colomb lui aurait proposé de lui faire un massage à l'huile "pour le détendre".
Gilles ReithingerAu sujet de Nicolas
Gilles Reithinger reconnaît avoir été tenu au courant de faits impliquant Mgr Colomb et Nicolas. "Je lui ai alors indiqué être bien sûr à sa disposition et prêt à l'écouter attentivement. C'est alors qu'il m'a indiqué qu'il était en colère, car Georges Colomb, lors d'un dîner qu'ils auraient eu en tête-à-tête lors de son dernier passage aux MEP, lui aurait proposé de lui faire un massage à l'huile 'pour le détendre'."
Dans les colonnes de La Croix, il est indiqué que le massage a lieu. Chose que réfute Gilles Reithinger. "Nicolas ne m'a jamais indiqué que ce massage lui aurait finalement été fait. Jamais. [...] Uniquement qu'une proposition de massage lui a été faite."
La présentation des faits par Nicolas a manifestement très largement évolué depuis 2013.
Gilles ReithingerÉvêque auxiliaire de Strasbourg
D'après l'enquête, les faits que décrit Nicolas correspondraient à une agression sexuelle. Là encore, Gilles Reithinger n'a pas la même position et s'explique comme il le fait dans l'article de La Croix. "A fortiori, jamais Nicolas ne m'a dit qu'il aurait eu une relation sexuelle avec Georges Colomb ou encore qu'il aurait été sexuellement agressé. En revanche, il m'a exprimé sa colère qu'un supérieur général ait pu lui faire une telle proposition qu'il qualifiait clairement d'indécente." Après quoi l'homme d'Église alsacien apporte un commentaire : "La présentation des faits par Nicolas a manifestement très largement évolué depuis 2013."
Accusé de ne pas avoir agi en conséquence, Gilles Reithinger assure avoir fait remonter le témoignage de Nicolas. "Je lui ai indiqué que j'allais sans délai en rendre compte au supérieur hiérarchique de Georges Colomb, en l'occurrence au nonce apostolique de l'époque, Mgr Luigi Ventura, ce que j'ai fait. J'ai même conseillé à Nicolas d'écrire également, en parallèle de ma démarche, au nonce apostolique."
Pas de quoi signaler les faits à la justice à l'époque
"À l'issue du rendez-vous à la nonciature, le nonce s'est borné à me remercier de l'avoir tenu informé. [...] Dans mon souvenir, Nicolas n'a jamais ré-évoqué cette histoire avec moi, sauf il y a 4-5 semaines par un e-mail dans lequel il m'a demandé si je pouvais lui donner la date de son dernier passage aux MEP", continue Gilles Reithinger.
Pour ce dernier, les faits qui lui ont été rapportés ne méritaient pas d'être signalés à la justice. "[Ils] ne faisaient absolument pas référence à une quelconque agression sexuelle, ni même une relation sexuelle (mais 'uniquement' à une proposition indécente de massage à l'huile) [...]. Si Nicolas m'avait indiqué qu'il avait été agressé ou même s'il me l'avait sous-entendu, alors il est évident que j'aurais moi-même procédé à ce signalement, comme je l'ai systématiquement fait chaque fois qu'un cas d'abus sexuel vraisemblable a été porté à ma connaissance."
Aucune alerte de cas éventuels d'abus sexuels portés à ma connaissance n'a jamais été dissimulée, minorée ou cachée.
Gilles RheitingerÉvêque auxiliaire de Strasbourg
Celui qui a ensuite pris la direction des MEP insiste sur son "intransigeance absolue face aux affaires d'abus sexuels". Il explique : "Dès lors qu'une problématique m'était soumise, j'en informais dans la foulée aussi bien mon Vicaire Général (P. Vincent Sénéchal) que le conseil permanent qui était réuni chaque mercredi. [...] Il est clair qu'aucune alerte de cas éventuels d'abus sexuels portés à ma connaissance n'a jamais été dissimulée, minorée ou cachée."
L'homme de 50 ans cite pour exemples deux signalements qui lui ont été remontés et à la suite desquels il assure avoir fait un signalement auprès du Procureur de Paris pour le premier et ordonné une enquête préalable pour le second. Il assure être même allé "bien au-delà de ce que Rome [l']incitait à faire".
Je n'entends pas payer pour la mauvaise gouvernance de Georges Colomb.
Gilles ReithingerÉvêque auxiliaire de Strasbourg
Gilles Reithinger liste également des mesures qu'il a fait mettre en place lors de son mandant aux MEP, entre 2016 et 2021. On y retrouve des participations obligatoires à des formations "relatives à ces sujets de prévention des abus sexuels et du traitement des alertes", la création de chartes d'éthique et de déontologie ou encore la mise en ligne d'un appel à témoignages sur le site des MEP.
Pour revenir au cas de Nicolas, l'évêque se dit "extrêmement choqué de lire par voie de presse qu'en ma qualité de vicaire général ou de supérieur général, j'aurais traité de façon lacunaire les cas qui m'auraient été remontés".
"Je n'entends pas payer, même indirectement, pour la mauvaise gouvernance de [...] Georges Colomb à la tête des MEP, ni pour ce qu'il aurait pu faire ou commettre et dont je n'ai jamais été informé", conclut-il. Georges Colomb a depuis demandé à être mis en retrait de ses fonctions le temps de l'enquête. Gilles Reithinger n'a pas indiqué s'il comptait faire de même.