Le procès de Corinne M, l'opératrice du Samu accusée de non-assistance en personne en danger dans l'affaire Naomi Musenga, a lieu ce jeudi 4 juillet. Les proches de la défunte l'attendent avec impatience tandis que l'avocat de l'opératrice tente de renvoyer le procès
Six années d'attente pour que "justice soit faite". C'est pour exprimer leur soulagement et leurs attentes vis-à-vis du procès à venir que la famille de Naomi Musenga a organisé une conférence de presse ce mercredi à Strasbourg. Mère d'un enfant de 18 mois, Naomi Musenga est décédée le 29 décembre 2017 à l'hôpital de Strasbourg après avoir été prise en charge avec "un retard global de près de 02H20", selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). L'affaire avait provoqué une tempête médiatique car l'enregistrement de son appel aux services de secours, le soir de sa mort, avait fuité dans les médias.
"J'ai très mal au ventre", "Je vais mourir...", soufflait Naomi dans cet enregistrement, peinant à s'exprimer. "Oui vous allez mourir, certainement un jour comme tout le monde", rétorquait l'opératrice, Corinne M. Celle-ci devrait être jugée ce jeudi 4 juillet devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour "non-assistance à personne en danger".
Mais l'avocat de la famille a appris mercredi que la partie adverse comptait demander un renvoi du procès, "au motif que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ne serait pas suffisamment motivée". "En gros, l'argument de l'avocat est qu'il ne peut pas défendre sa cliente dans la mesure où il ne comprend pas ce qu'on lui reproche, explique Me Jean-Christophe Coubris, avocat de la famille. Je suis sidéré."
Le père de Naomi présent dans tous les esprits
La famille, elle, n'imagine pas que le juge puisse accéder à la demande de renvoi de l'autre partie. "On ne veut même pas y penser, souffle, d'une voix très basse, Bablyne Musenga, émue au moment de prendre la parole devant la presse. Ça fait trop longtemps qu'on attend. Quand on commet une erreur, comme disait mon mari, on doit la réparer."
Le père de Naomi ne sera pas au procès. Il est décédé en 2022, avant que l'enquête n'aille à son terme et que l'opératrice ne soit mise en examen. Il était très présent dans les différentes prises de parole de la famille ce mercredi. "Je pense à mon mari qui ne sera pas là, confie Bablye Musenga. Il n'avait jamais renoncé, alors que ça n'avançait pas, alors que la procédure faisait du surplace. Il avait même dit : si je ne suis pas là, je sais que quelqu'un va poursuivre le combat."
J'ai besoin de mettre un visage sur ce nom qui a fermé la porte à ma fille
Bablyne MusengaMère de Naomi
Le combat s'est effectivement poursuivi pour les proches de Naomi. À l’issue de l'information judiciaire, l'opératrice a bénéficié d'un non-lieu pour les charges d'homicide involontaire. Selon le parquet, citant les expertises scientifiques réalisées dans le cadre de l'enquête, il n'existe "pas de lien de causalité" entre la négligence dans la prise en charge par l'opératrice de la jeune femme et le décès de cette dernière. Naomi Musenga se trouvait "déjà au-delà de toute ressource thérapeutique au moment de l'appel" au Samu, précise le parquet.
La famille regrette par ailleurs de ne jamais avoir reçu "d'excuses" de la part de l'opératrice. "Je ne la connais pas, j'ai besoin de mettre un visage sur ce nom qui a fermé la porte à ma fille, sur ce mépris qu'on a senti dans l'enregistrement", confie Bablyne Musenga. En mai 2018, à l'occasion d'une interview téléphonique accordée à la presse, Corinne M. avait déclaré ne pas vouloir "porter le chapeau pour le système" et avait dénoncé "conditions de travail pénibles".
Le procès, un espoir de tourner la page
La confrontation avec l'opératrice accusée, avec sa version des faits, pourrait aussi faire avancer les proches dans leur processus de deuil. "J'espère que le procès nous soulagera tous d'un poids, explique Gloire Musenga, le frère de Naomi. Moi, par exemple, à chaque fois que je voyage, j'ai peur. Comme j'étais en voyage le jour où elle est morte, je me dis toujours : qu'est-ce qui va arriver cette fois ? Qui je vais perdre dans ma famille ?"
Même espoir d'être "enfin" capable de tourner la page du côté de Louange Musenga, la sœur de Naomi. "Les personnes qui sont parties continuent d'être là par le souvenir. Aujourd'hui, dès que je pense à Naomi, je pense à l'affaire Naomi. C'est fatigant que Naomi soit une affaire. J'aimerais pouvoir m'en souvenir pour autre chose."
L'opératrice accusée risque une peine de cinq ans d'emprisonnement pour non-assistance à personne en danger.