Ce vendredi 31 janvier est une date très attendue par certains, profondément redoutée par d'autres. Celle du Brexit. Trois ans après le référendum, les Britanniques disent "bye bye" au Vieux Continent. Avec regret pour quelques exilés en Alsace. Trois d'entre eux nous ont confié leurs sentiments.
Le Brexit a lieu, sans retour cette fois, ce vendredi 31 janvier 2020. Nous avons voulu connaître les sentiments de Britanniques vivant en Alsace depuis longtemps. Ces "exilés" font généralement partie des "remainers", ceux qui souhaitaient rester dans l'Union européenne. De ce fait, le constat est plutôt amer, l'avenir sans joie, et la colère parfois au rendez-vous.
- Gee Ranasinha vit en France depuis 19 ans. Il a une agence de marketing à Pfettisheim dans la périphérie de Strasbourg.
Quel est votre sentiment aujourd'hui ?
"Je suis en colère. Ce vote s'est fait sur des mensonges et de fausses promesses. Et demain, ce sont ceux qui ont menti qui vont tirer profit de ce Brexit ! Beaucoup de spéculateurs ont parié sur la baisse de la livre sterling et ils vont s'enrichir grâce à cela ! Beaucoup de gens ont peur parce que personne ne sait ce qu'il va se passer après les mois de négociation. Après le 31 décembre 2020, c'est l'inconnu total et c'est cela qui effraie !"
Allez-vous changer de nationalité?
"J'ai entamé les démarches il y a plus d'un an, mais le processus est très long. Il faut de très nombreux papiers. Ma compagne est française mais nous ne sommes pas mariés donc c'est plus compliqué. Je dois fournir toutes sortes de documents et notamment un certificat d'aptitude en français et c'est cela qui m'inquiète le plus ! Tout en vivant en France, je travaille en anglais. Je déposerai ma demande quand tout sera au point."
Si vous deviez exprimer un regret ?
"Je ne pourrai pas aller voter pour les prochaines municipales ! Je paie mes impôts en France, j'ai créé une entreprise, je vis ici depuis 19 ans et maintenant je ne peux plus voter nulle part (*)! Sans mon consentement, je ne suis plus un citoyen de l'Union. Cela me fait l'effet d'une énorme farce!"
(*) Les Britanniques expatriés depuis plus de 15 ans ne peuvent plus participer aux élections au Royaume-Uni.
- Jack Hanning est Strasbourgeois depuis plusieurs décennies. Retraité du conseil de l'Europe, il se sent toujours profondément européen.
Quel est votre sentiment aujourd'hui?
"Je ressens une immense tristesse. Sortir de l'Union européenne n'apportera rien de bon aux Britanniques, encore moins aux générations futures. Beaucoup de jeunes du Royaume-Uni qui souhaitaient étudier, travailler ou vivre dans l'Union sont en train de réfléchir à d'autres projets. Même le sort réservé aux étudiants Erasmus n'est pas clair pour l'instant. J'éprouve un tel sentiment de révolte, ce Brexit va supprimer beaucoup de droits aux jeunes Anglais, c'est désolant."
Allez-vous changer de nationalité?
"Pendant longtemps, je n'ai pas voulu y penser, mais maintenant que le Brexit devient une réalité, j'y songe. Je pense que je vais demander la nationalité portugaise qui est celle de mon épouse. Cela ne devrait pas poser de problème."
Si vous deviez exprimer un regret?
"Beaucoup de gens au Royaume-Uni vont organiser un "wake" demain soir, une espèce de veillée funèbre. Je n'irai pas jusque là mais je trouve répugnant que l'on ait envie de fêter la sortie d'un traité, comme si c'était une libération."
- Bart Hulley vit chez nous depuis 2005. Son épouse est irlandaise, ils ont trois enfants.
Quel est votre sentiment aujourd'hui?
"C'est une énorme déception à l'égard de la démocratie et des partis politiques britanniques. Les valeurs humanistes inculquées dans notre enfance ont été trahies. Nous sommes inquiets mon épouse et moi parce que nous avons adopté une fille qui pour l'instant ne partage ni notre nom ni notre nationalité. Nous craignons des problèmes administratifs. Ce sera un cauchemar pour nos impôts et nos opérations bancaires... Bref, je ne vois rien de positif ni pour le Royaume-Uni ni pour l'Union européenne."
Allez-vous changer de nationalité ?
"C'est déjà fait. Mes deux fils et moi sommes devenus français en 2017. Ma femme est irlandaise donc elle n'aura aucun problème. Reste ma fille adoptée. Théoriquement elle devrait pouvoir devenir française dans les années qui viennent."