Sur décision du tribunal administratif de Strasbourg, le centre de primatologie, renommé plateforme SILABE, rattaché à l'université de la ville a vu son agrément annulé le 30 janvier dernier après un vice de procédure. Le comité scientifique Pro anima épingle depuis plusieurs années la plateforme pour "l'opacité" de ses activités.
Le 30 janvier dernier, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Bas-Rhin concernant l'agrément de la plateforme SILABE, plus connue sous l'appellation du centre de primatologie. En cause, un vice de procédure, concernant une consultation à faire au préalable et qui n'a pas été réalisée.
Le site de 7 ha héberge aujourd'hui environ 800 primates de différentes espèces qui ont vocation à être étudiés. D'autres "missions" sont mentionnées sur le site internet de la plateforme : "l’hébergement et la fourniture de primates pour la recherche biomédicale, la vente de prélèvements biologiques, la réalisation d’études expérimentales, la formation, la conservation des espèces et l’accueil en retraite des singes de laboratoire".
Suite à cette procédure judiciaire intentée par l'association du comité scientifique Pro anima, la plateforme doit maintenir : "le site dans un état de fonctionnement minimal par la gestion de ses affaires courantes et en veillant au bien-être des primates sans poursuite de ses activités", précise le délibéré du tribunal administratif.
Un réexamen pour le renouvellement de l'agrément
L'activité de la plateforme doit donc être réduite jusqu'au réexamen de la demande de renouvellement, et ce, jusqu'à la délivrance d'un nouvel agrément. "Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la demande de renouvellement après l’organisation d’une procédure de consultation du public, sur la base d’un dossier complet dont seront uniquement retirées les informations strictement couvertes par des secrets protégés par la loi ", précise le tribunal administratif.
Le centre de primatologie a été créé en 1978. Situé au niveau de l'ancien fort Foch à Niederhausbergen, il est toujours rattaché à l'université de Strasbourg.
Le centre a fait l'objet d'un documentaire diffusé en décembre 2023 sur France 3 Grand Est, à voir ou à revoir ici en replay.
"Jusqu'à présent, une telle consultation n'était pas demandée aux universités pour les activités scientifiques"
Michel de MathelinPremier vice président de l'université de Strasbourg
Dans un communiqué, l'université a également annoncé que, "tout est mis en œuvre pour permettre dans l’intervalle que le bien-être des animaux ne soit pas remis en cause par cette décision."
Le nouveau dossier d'agrément constitué par le centre a déjà été renvoyé à la préfecture du Bas-Rhin. Michel de Mathelin poursuit : "Nous allons lancer ladite consultation, nous n'étions pas au courant de cette nouvelle étape administrative, sinon nous l'aurions effectuée. C'est une simple péripétie administrative. Il ajoute : notre centre a toujours été transparent et est considéré comme un modèle en Europe"
"C'est le grand brouillard sur leurs activités"
Le Comité scientifique Pro anima qui a poursuivi le centre de primatologie pointe d'autres problématiques. "Depuis 2015, nous les suivons attentivement, ce centre est multifonctionnel et c'est le grand brouillard sur leurs activités. Ils ont toujours refusé de communiquer des pièces sur leurs activités", déclare Sylvia Hecker, vice-présidente du comité.
Les membres du comité s'interrogent notamment sur : "les conditions d’accueil, de gestion, d’hébergement et d’euthanasie des primates". Ce conseil est formé de scientifiques, d’universitaires et de membres du corps médical qui prônent l'utilisation et la promotion de programmes de recherche sans expérimenter sur les animaux.
"L'usage de primates pour la recherche médicale engendre de la souffrance pour les animaux. Ils sont aussi utilisés au détriment de la santé des humains, en raison des effets secondaires qui ne sont pas prévisibles", explique Sylvia Hecker.
Par le passé, plusieurs manifestations ont eu lieu pour réclamer la fermeture du centre de primatologie. Michel de Mathelin atteste : "nous avons déjà été largement attaqué par le passé par des associations qui veulent faire disparaitre les expérimentations sur les animaux. Sauf, qu'on ne peut pas s'en passer, c'est une précaution minimale pour les recherches".
" Il existe aujourd'hui des nouvelles méthodes de recherches pharmaceutiques sans animaux qui sont plus fiables, rapides et moins coûteuses"
Sylvia Hecker, vice-présidente du comité scientifique Pro anima
Pro anima pointe également une pollution engendrée par les activités du site. Et si le centre dispose des autorisations nécessaires pour l'élimination des déchets, le tribunal administratif reconnaît les possibles effets "significatifs" sur l'environnement. "L’utilisation d’animaux à des fins d’expérimentation scientifique, notamment pour tester des médicaments et des vaccins, est susceptible d’occasionner, du fait d’accidents de laboratoire, des risques pour les milieux naturels [...]". La consultation publique demandée doit notamment clarifier ce point.
La demande du centre de primatologie doit être réexaminée par la préfecture pour délivrer ou non l'agrément dans un délai de 6 mois.