Coronavirus : l'Alsace pourrait bientôt devenir zone pilote pour réaliser des tests sanguins de dépistage massif

Annoncée dans une tribune lundi 6 avril, l'organisation de tests de dépistage à grande échelle au niveau de l'Alsace pourrait être validée par la préfecture avant Pâques, et entrer dans sa phase active dès la semaine prochaine.
 

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Le projet, d'envergure, a été révélé dans une tribune adressée à l'AFP ce lundi 6 avril, et co-signée par quatre Alsaciens: deux personnalités politiques (Catherine Trautmann, ancienne ministre et tête de liste PS aux dernières élections municipales à Strasbourg, et Olivier Becht, député du Haut-Rhin), le dirigeant de la société de laboratoires d'analyses Biogroup, Stéphane Eimer, et l'investisseur Eric Goetzmann. Leur synergie a permis d'élaborer un dispositif de dépistage à grande échelle, destiné à identifier chaque jour en Alsace jusqu'à 30.000 personnes ayant produit des anticorps -et donc immunisées contre le covid19- afin d'accélérer le déconfinement.  

"Nous avons constitué une véritable task force à quatre", se réjouit Catherine Trautmann, qui s'est confiée à France 3 Alsace mercredi 8 avril. En effet, dès le début du confinement, les quatre co-signataires ont réfléchi ensemble aux conditions nécessaires à un déconfinement le plus rapide, mais aussi le plus sûr possible: à l'évidence, un dépistage à grande échelle, permettant d'identifier les personnes aptes à reprendre une vie "normale", sans risque pour elles ni pour les autres. Et en moins de trois semaines, ils ont réussi à mettre ce dispositif sur pied, à l'échelle de l'Alsace, en assurant que sa mise en oeuvre pourrait être imminente.

Il fallait trouver la meilleure solution pour aller vite
- Catherine Trautmann

Ce dispositif nécessitait plusieurs conditions: disposer de tests fiables en grand nombre, trouver rapidement des centaines de milliers de personnes à tester, et régler l'aspect financier. Or, Catherine Trautmann le confirme, ces conditions sont réunies dans notre région. L'entreprise alsacienne Biosynex est en mesure de fournir en grande quantité des tests déjà homologués au niveau européen (CE) et en attente imminente du référencement français. De nombreuses grandes entreprises dont Biogroup, mais aussi des collectivités territoriales, sont prêtes à acheter ces tests pour leurs salariés. Les laboratoires alsaciens s'organisent pour réaliser le dépistage. Et le montage financier est en passe d'être réglé.
 

Un test par prélèvement sanguin

Premier pilier sur lequel s'appuient les initiateurs du projet: Biosynex, basée à Illkirch (Bas-Rhin), l'une des rares entreprises françaises capables de fournir rapidement des millions de tests sérologiques. Contrairement au test PCR par prélèvement nasal (qui détermine la présence du virus dans l'organisme et indique si la personne est malade ou non), le test par prélèvement sanguin révèle la présence d'anticorps, pour savoir si la personne est immunisée contre le virus. Ce test "peut être fait en deux minutes par une simple goutte de sang prélevée au bout du doigt", explique Oren Bitton, directeur commercial de Biosynex. "Et dix minutes plus tard, on voit apparaître (ou non) les anticorps."

Le 6 avril, l'entreprise a lancé la production de ces tests à grande échelle. Dans l'immédiat, ils sont fabriqués par son partenaire et co-développeur chinois, mais d'ici fin mai, Biosynex pourra assurer la production de 100.000 tests par jour sur son site d'Illkirch.   

Biosynex est déjà sollicité par de nombreux hôpitaux et laboratoires privés français, et reçoit beaucoup de messages de particuliers qui voudraient être testés. 
- Oren Bitton

Ce test sérologique bénéficie déjà de l'homologation européenne. "Nous le vendons déjà en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, en Slovénie, en Grèce", précise Oren Bitton, et également hors de l'Europe "en Ukraine, en Tunisie et au Bénin." Comme les tests d'autres fabricants, il a été analysé par le laboratoire de virologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Son homologation européenne lui permet d'être commercialisé en France, mais dans l'attente de sa validation (probablement imminente) par les autorités de santé françaises, il n'est pas encore remboursé.

Pourtant, la "task force" alsacienne ne veut pas attendre. "Car chaque semaine perdue est une énorme perte financière" pour l'économie alsacienne, déplore Catherine Trautmann.
 

Un "vivier" suffisant de personnes à tester

En Alsace, région particulièrement touchée par le covid19, on a "un échantillon de population bien cernable, et une certaine visibilité du calendrier de l'épidémie", explique Catherine Trautmann. Sachant qu'il faut compter au minimum deux semaines entre le début des symptômes et le développement des anticorps, il peut donc être relativement facile de déterminer un grand nombre de personnes ayant le bon profil pour être testées.    

L'idée est qu'il y ait une commande massive de tests pour l'Alsace et le Grand Est, pour enclencher la mécanique.
- Catherine Trautmann
 

Afin de trouver rapidement des centaines de milliers de personnes aptes à subir le test, les co-signataires de la tribune ont contacté les collectivités territoriales (conseil régional, conseils départementaux, Eurométropole de Strasbourg, communautés de communes, etc) en les incitant à commander des tests pour leurs salariés. De son côté, l'Agence de développement d'Alsace (Adira) a fait de même avec les entreprises, grandes et petites. "Les PME sont aussi concernées, bien sûr", précise Catherine Trautmann. "Cela donne de la visibilité, de la confiance."

Partout, à en croire l'ancienne ministre, cette "sonnette d'alarme" a été entendue, et l'écho a été très favorable. De grandes entreprises ont immédiatement donné leur accord, de même que de nombreuses collectivités. Catherine Trautmann a constaté "beaucoup de solidarité autour de ce projet très fédérateur." Un exemple parmi d'autres: "le port autonome de Strasbourg (qui) s'est dit prêt à pré-financer les tests pour ses entreprises" (environ 200) qu'il héberge sur son territoire. L'affaire est aussi suivie de près par la Chambre de métiers et la Chambre d'agriculture. Et deux des quatre signataires de la tribune renforcent le dispositif: dès cette semaine, Stéphane Eimer a commandé des tests pour son groupe de laboratoires Biogroup, et la société constituée par Eric Goetzmann va faire de même.  


Des laboratoires professionnels disponibles

Tout en étant simples d'utilisation, ces tests sérologiques doivent être réalisés et analysés par des professionnels. "Pour être valables, si on veut qu'ils aient un intérêt pour la santé publique, ils doivent être faits correctement", explique Catherine Trautmann. Autrement dit, le concours des laboratoires était indispensable. Or, privés comme publics, tous les laboratoires alsaciens ont répondu présent, et se disent prêts à s'organiser pour réaliser le dépistage.
 
Selon les sites, l'organisation concrète des prélèvements sanguins et de leur analyse reste encore à préciser. Pour éviter des rassemblements, la formule la plus appropriée pourrait être des centres de dépistage sous forme de drive où les personnes restent dans leur voiture, comme cela est déjà pratiqué pour de nombreux tests PCR.

C'est une opération qui inclut tout le monde. Tout le monde y réfléchit, je n'ai aucune crainte.
- Catherine Trautmann

Grâce à l'engagement de l'ensemble des partenaires impliqués dans l'aventure, 30.000 tests pourront être pratiqués chaque jour dans les conditions requises, et ce "dès fin avril."


Le Grand Est mobilisé  

Ce mercredi 8 avril, Catherine Trautmann disait "avoir bon espoir" que "le principe (du dispositif) soit arrêté avant le week-end de Pâques". Et que l'achat des deux premiers millions de tests, déjà commandés à Biosynex, puisse se faire "dès le début de la semaine prochaine", afin de permettre de lancer ce dépistage à grande échelle avant la fin du mois. L'acquisition d'un troisième million devrait suivre rapidement. Car malgré le coût (un peu moins de 10 euros par test), il n'est pas question d'attendre que les tests soient remboursés, suite à leur référencement par la France.

Dans un communiqué publié ce jeudi 9 avril, Catherine Trautmann "se réjouit que la région Grand Est et son président, Jean Rottner, aient pris l'initiative de créer une société d'économie mixte (SEM) pour l'acquisition massive" des tests. Et la commission permanente du Grand Est vient d'accorder 5 millions d'euros pour l'achat des tests via cette SEM. "Dès la semaine prochaine,  la SEM nouvellement créée sera opérationnelle" assure encore Catherine Trautmann dans le communiqué, en ajoutant : "ainsi démonstration est faite pour inviter l'Etat à nous emboîter le pas." 

Par la mise en oeuvre de ce dispositif, l'Alsace, l'une des régions de France les plus touchées par la pandémie, deviendrait ainsi zone pilote pour ce dépistage à grande échelle, dont d'autres régions pourraient s'inspirer très rapidement.

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