La solidarité s’organise face aux signaux de détresse envoyés par les soignants français, en première ligne dans la gestion de l’épidémie de Covid-19. Entreprises, institutions publiques, particuliers, à chacun son geste du cœur. En Alsace, les initiatives se multiplient.
Depuis quelques jours, c’est devenu un rendez-vous national. Chaque soir, 20h, les applaudissements se font entendre aux fenêtres pour saluer le travail des soignants, au front et sur le pont face au Covid-19. Une initiative populaire qui traduit la reconnaissance des français envers les médecins, les infirmièrs(es) ou encore les aides-soignants(es), et qui ne s’arrête pas là.
Cagnottes en ligne, dons, la solidarité se met en place jour après jour et les gestes en ce sens, se multiplient, qu’ils viennent d’institutions, d’entreprises, d’associations. En voici quelques exemples dans la région.
Dons de masques
La pénurie de masque constitue un vrai problème pour le personnel soignant qui ne cesse d'appeler à la solidarité et aux dons de matériel. Message reçu cinq sur cinq par la bibliothèque de Strasbourg qui vient de donner un stock de 250 masques FFP2 servant normalement au traitement des ouvrages."On faisait un dernier point de la situation lundi soir, et c'est là qu'est apparue la question d'un stock d'environ trois cents masques destinés prioritairement à nos bibliothécaires pour se protéger de parasites divers lors de traitements de conservation, en particulier d'ouvrages ou d'archives anciennes", raconte Alain Colas, administrateur de la BNU.
Sur les réseaux sociaux, l'institution a également lancé un appel à la générosité au sein du réseau des bibliothèques de France. Ainsi les archives des Vosges auraient réagi rapidement en annonçant qu'elles allaient donner leur stock de masques à l'hôpital le plus proche. De leur côté, les Musées de Strasbourg ont également annoncé qu’ils allaient offrir le matériel utilisé par les conservateurs et restaurateurs.
Le centre-Alsace aussi s’organise
En plus des masques, le gel hydroalcoolique est lui aussi devenu une denrée rare. Au cœur du Val de Villé, dans le petit village de Hohwarth (Bas-Rhin) la distillerie familiale Meyer a proposé d’offrir un stock de 1300 litres d’alcool, normalement destiné à la préparation des liqueurs.
"Avec mon frère, nous avons entendu dire que l’hôpital de Sélestat était dans le besoin. On a décidé d’agir et de le livrer en priorité, puis après nous avons distribué le reste aux pharmacies et à ceux qui en avaient besoin, essentiellement en centre-Alsace", explique Lionel Meyer. "Aujourd’hui, nous n’avons plus rien, mais le téléphone continue de sonner. Nous avons même eu des demandes en provenance du Val-d’Oise. Nous ne pensions pas que la situation était aussi critique", reprend-t-il.
Location d’appartements à tarif (très) réduit
Afin de soutenir les médecins et les infirmières sur le pont et en première ligne face au coronavirus, les propositions de mises à disposition d’appartements meublés se multiplient dans la région. Rien qu’à Strasbourg, plus de quarante biens leur seraient actuellement réservés. Un collectif de propriétaires est également en cours de constitution.
Parmi eux, Paul (prénom d’emprunt), à la tête de 3 appartements au cœur de la capitale alsacienne.
"Bonjour à tous, suite à l'appel de solidarité de nos président et Premier ministre, je vous informe mettre à disposition du personnel hospitalier tous nos appartements meublés libres à ce jour au centre-ville de Strasbourg"
peut-on lire sur son annonce diffusée le 16 mars 2020 sur la toile, et déjà partagée plus de 20.000 fois. "De lundi à jeudi je n’ai pas dormi. Ça n’a pas arrêté d’appeler", confirme-t-il. A 40 euros le séjour, peu importe la durée, le quinquagénaire croule sous les demandes.
"Nous étions complets hier et aujourd’hui nous avons les premiers départs. Nous avons donné la priorité aux services de réanimation venus en renfort, de Nice ou encore de Lorraine", précise-t-il encore.Les demandes des personnels soignants sont désormais centralisées par le service des ressources humaines des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui fait lui-même le relais avec les propriétaires.
Les transports gratuits
Ce vendredi 20 mars, la Région Grand Est informe qu'elle a décidé d’accorder la gratuité de tous ses réseaux de transports (TER et bus interurbains) pour les soignants qui se dévouent au quotidien pour venir en aide aux malades du COVID-19. Ainsi, dès demain, médecins, infirmier(e)s, aide-soignant(e)s, ambulancier(e)s, etc. pourront emprunter gratuitement l’ensemble des lignes de trains et de bus du réseau Fluo Grand Est à condition qu'ils présentent un document justifiant de leur fonction."Cette mesure doit permettre de faciliter les déplacements des soignants, particulièrement mis à l’épreuve depuis le début de l’épidémie" justifie la région, dans un communiqué.
Les taxis strasbourgeois roulent pour les soignants
A Strasbourg, la compagnie Taxi 13, qui fédère 215 artisans, a elle aussi décidé d'agir et de ne pas attendre d'acte officiel ordonnant la réquisition des taxis pour transporter le personnel soignant, comme l'a annoncé Emmanuel Macron.
Une cinquantaine de chauffeurs se sont portés volontaires pour transporter gratuitement le personnel soignant du Nouvel Hôpital Civil et des urgences d’Hautepierre. "On a voulu aider avant d’avoir les directives gouvernementales. Même si nous ne sommes pas remboursés des courses réalisées par la suite, tant pis. On est volontaires", affirme Hakim Kerkoub, président de Taxi 13.
Les burgers du cœur
Jeudi 19 mars, c’est un menu surprise qu’a eu l’occasion de déguster le personnel médical de l’hôpital civil d’Haguenau. Une centaine de burgers leurs ont été offert pour le déjeuner par une grande enseigne implantée localement. Une livraison qui n’a pas manqué de ravir les destinataires qui ont posté une photo de leur pause repas sur les réseaux sociaux en guise de remerciement.Véhiculer la bonne parole en chanson
C’est l’une des initiatives originales qui fleurissent sur la toile pour saluer l’engagement des soignants français mais aussi pour tenter de les protéger. La chanson "Anti Corona" écrite mardi 17 mars 2020 par Catherine Fender, cheffe de chœur colmarienne, est en train de créer le buzz sur les réseaux sociaux. Invitant à respecter les gestes barrières de protection et à applaudir ceux qui œuvrent auprès des malades, elle totalise déjà près de 9000 vues.
"Reste chez toi, n’oublie pas les gestes barrière. Les soignants comptent sur toi, applaudis-les à ta fenêtre. Lave-toi les mains et n’embrass’pas ton voisin…" peut-on, par exemple, entendre dans le canon de près de deux minutes.
"Au départ, l’idée c’était de faire un truc rigolo sur un sujet sérieux. Et là, des gens reprennent les paroles à leur balcon, se filment en train de les chanter. Ça a pris une ampleur incroyable. C’est juste de la folie, ça m’échappe totalement", confie Catherine Fender.
Face à ce succès inattendu, "Anti Corona" s’apprête à essaimer. Plusieurs versions, en allemand, en anglais et même en suédois sont en cours d’élaboration. La chanson a aussi été envoyée des infirmières et aides-soignantes du choeur de l’hôpital Emile Muller de Mulhouse. "Il y en a une qui m’a dit, "j’ai la larme à l’œil, c’est super". Tous les jours j’ai de leurs nouvelles, elles disent qu’elles sont épuisées. C’est important de véhiculer la bonne parole, presque aussi vite que le virus. Les filles sont vraiment contentes qu’on le fasse".
Le monde du sport également mobilisé
L’association sportive de Hunspach (Bas-Rhin) à elle aussi lancé sa cagnotte en ligne pour venir en aide au personnel du centre hospitalier intercommunal de la Lauter.
"Dans cette période particulière, il est important de se serrer les coudes et de faire preuve de générosité et de solidarité. Ainsi, nous apportons tout notre soutien au personnel soignant qui est au front et ne ménage pas ses efforts physiques et mentaux, écrit l’association sportive sur Facebook. La cagnotte doit permettre d’offrir, une fois qu’on aura gagné cette bataille, un apéritif et/ou un repas à ces hommes et ces femmes qui, chaque jour, font leur maximum pour sauver des vies, sauver nos vies. Cette action est locale et vise l’hôpital du secteur mais nous invitons et encourageons d’autres associations à lancer les mêmes mouvements pour les autres hôpitaux." En ligne sur Leetchi, la cagnotte a déjà permis de récolter plus de 1800 euros ce vendredi 20 mars.
De manière plus officielle et structurée, la fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France se mobilise pour apporter un soutien complémentaire aux hôpitaux français en organisant également une cagnotte.