La Région Bourgogne-Franche-Comté va bénéficier d'une aide exceptionnelle de l'État pour combler le retard pris dans le versement d'aides européennes, aides FEADER aux agriculteurs. Un dossier régional qui provoque l'ire des professionnels du monde agricole depuis plusieurs mois.
Nouveau rebondissement dans la gestion des aides européennes aux agriculteurs, un volet administratif régulièrement critiqué par les professionnels depuis que les Régions ont récupéré cette lourde compétence déléguée par l'État il y a un an. Les agriculteurs brandissent régulièrement leurs fourches en raison de la lenteur du traitement des dossiers, qui peinent à aboutir en temps voulu, laissant éleveurs et cultivateurs sans aides pendant de nombreux mois.
Mais depuis le 15 novembre, à seulement 8 mois de la date butoir du traitement de ces fameux dossiers, l’État a déclaré prêter main-forte à la Région Bourgogne-Franche-Comté dans un communiqué :
"La Ministre de l'Agriculture Annie Genevard et la présidente de la région Marie-Guite Dufay annoncent que l'État et le Conseil région vont mettre en œuvre des mesures exceptionnelles face aux difficultés rencontrées dans la gestion des dossiers du FEADER (fonds européen agricole pour le développement rural, ndlr)."
Une bonne nouvelle pour le secteur agricole, qui voit rouge depuis le début de semaine, préparant une mobilisation dès ce 18 novembre afin de s'opposer à un autre dossier européen : la signature du Mercosur, traité de libre-échange entre Amérique du Sud et Union européenne.
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3173 dossiers à traiter par la Région
En tout cas, pour ce qui concerne les FEADER, le retour d'un engagement de l'État dans notre région viticole ne peut être qu'avantageuse. Concrètement, cette décision permettra de délester la Région d'une partie des dossiers, pour éviter de creuser un retard déjà important.
À ce jour, l'État a d'ores et déjà pris en charge 1 034 dossiers et projette de se charger de l'instruction de 700 autres qui concernent la "modernisation des installations agricoles". Toutefois, le communiqué souligne que 3173 dossiers restent à solder par la Région "de manière à sécuriser le traitement de la programmation 2014-2022."
Une méthode engagée par l'État pour sortir la Bourgogne-Franche-Comté d'un chantier dont elle ne parvient pas à se dépêtrer, grâce à une remise à la normale qui devrait intervenir au cours du premier semestre 2025, "tant en ce qui concerne la fin de gestion du programme 2014-2022, que les premiers appels à projet (...) de la nouvelle programmation 2023-2027."
Une initiative vue d'un bon œil
Forcément, cette décision est accueillie plutôt positivement du côté des agriculteurs. Un soulagement que concède Jérôme Gaujard, porte-parole Confédération paysanne BFC, qui garde tout de même un goût de méfiance dans la bouche : "C'est une très bonne nouvelle pour tous ceux qui sont dans l'attente de voir leur dossier enfin finalisé. J'espère que les délais seront suffisants pour que les dossiers aient été mis en paiement. Mais ce que nous regrettons, c'est le temps qu'a mis l'État pour venir en aide aux Régions."
Il y a un mois, des échanges tendus entre agriculteurs et membres de la Région ont fusé lors du conseil régional. Les agriculteurs avaient forcé l’entrée et pris la parole devant les élus de Bourgogne-Franche-Comté pour partager leur colère et leur détresse.
"Il y a vraiment besoin que les services du conseil régional apprennent leur métier et ça se fera par l'aide de l'État. On a besoin que des personnes qui ont de l'expérience dans la gestion de ces fonds européens soient détachées pour apporter leur expertise et leurs conseils aux agriculteurs", partage Thomas Lemée, président des Jeunes agriculteurs BFC.
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Des soutiens politiques
Face à l'annonce de ce vendredi, les forces politiques se sont également entichées du sujet. Notamment les conseillers régionaux Julien Odoul (RN) et Gilles Platret (LR), qui réaffirment leur soutien aux agriculteurs.
Le conseiller et député RN de l'Yonne Julien Odoul salue la décision de l'État, mais reste tout de même circonspect face aux difficultés de la Région qui, selon lui, démontrent "très bien l’énorme bourbier bureaucratique dans lequel on enfonce les agriculteurs". "Plutôt que de protéger, de rémunérer, de soulager nos agriculteurs, on multiplie les usines à gaz… Pour résoudre les problèmes des usines déjà existantes !"
Gilles Platret ne mâche pas ses mots lui non plus. Dans un communiqué, le maire de Chalon-sur-Saône déclare espérer "que le Conseil régional mettra cette fois-ci un point d'honneur à maîtriser la mise en œuvre de la nouvelle programmation de façon efficiente." Ne manquant pas de qualifier la gestion des dossiers jusqu'à présent de "pitoyable affaire", qui "laissera des traces durables", marquant "une rupture de confiance définitive" entre agriculteurs et institutions.
La majorité régionale dispose de peu de temps, jusqu'à la fin du mois de juin 2025, pour démontrer le contraire.
Avec Mélanie Leblanc