Maintenir l’équilibre entre les populations de sangliers et les dégâts qu’ils provoquent : c'est la délicate mission que chaque Fédération de chasse doit assumer. Le problème est que le nombre sangliers est en augmentation continue. En Saône-et-Loire, la situation suscite l'inquiétude pour les prochaines décennies.
C'est un constat amer que font les agriculteurs céréaliers à l'approche de l'automne : les champs de maïs sont dévastés par des hordes entières de sangliers. En l'espace de quelques jours, ces animaux sauvages peuvent saccager jusqu'à un hectare de cultures arrivées à maturité. Les chasseurs doivent alors intervenir pour le dédommagement des agriculteurs.
Indemniser les agriculteurs en cas de dégâts
En nous rendant sur la commune de la Vineuse-sur-Frégande (Saône-et-Loire), nous constatons une parcelle de maïs saccagée. C'est celle de Gabriel Dumont, agriculteur, qui témoigne : "Le maïs est arrivé en lait, le grain a commencé à se former. Les sangliers arrivent à cette époque-là (début octobre ndlr), et ils sont très friands du grain en lait. Ils font des dégâts en une semaine, quinze jours, c'est impressionnant les dégâts qu'ils peuvent faire. J'ai appelé les chasseurs pour qu'ils essaient de faire quelque chose, c'est trop tard !"
Indemniser les dégâts causés par les animaux sauvages est de la responsabilité des chasseurs. Chaque Fédération départementale de chasse a l'obligation de rembourser pour les parcelles de cultures détruites.
Stéphane Camus, technicien à la Fédération Départementale de Chasse de Saône-et-Loire, nous emmène aux abords d'une parcelle de maïs, protégée par une clôture électrique, posée par les agriculteurs. Le système est également financé par les chasseurs : "l'objectif, c'est d'empêcher l'accès des sangliers. Là, la Fédération subventionne ces protections. Pour ces parcelles, on est sur du 30€ de l'hectare et sur des parcelles comme celle-là, on est sur une certaine efficacité."
Des animaux sauvages, toujours plus nombreux
Le nombre de sangliers en France s'est démultiplié. Selon Le Chasseur Français, depuis les années 70, la population de sangliers en France est passée de 36 000 individus à plus de 840 000 en 2022. Parmi les facteurs expliquant cette croissance, la hausse des températures et des forêts plus nourricières.
L'explication vient de cet environnement plus favorable à la reproduction, comme le précise Stéphane Camus, technicien à la Fédération Départementale de Chasse de Saône-et-Loire : "en temps normal, sans grosse production de fruits forestiers, on va avoir une portée par an, comme une grande partie des animaux, comme le grand gibier. Si les conditions sont favorables, il peut arriver à faire 3 portées sur deux ans. Ce qui change complètement l'accroissement de l'espèce. On voit bien ces dernières années qu'on a des hivers plus doux, des printemps plus doux et souvent une belle fructification, et on se retrouve confrontés à ces 3 portées sur deux ans, ce qui a contribué à développer l'espèce."
Davantage de sangliers, cela implique aussi davantage de dégâts. La Coordination Rurale estime à près de 60 millions d'euros les dégâts causés par les gros gibiers en 2022-2023.
Tôt ou tard, les chasseurs vont devoir s'attaquer aux sangliers presque partout, aussi bien aux abords des zones résidentielles que dans les domaines privés. Un constat que fait Bernard Lacour, président de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire : "Il y a effectivement dans le département des zones qui ne sont pas chassées, ou pas suffisamment chassées, qu'on peut appeler des chasses commerciales ou des zones non chassées, où là il y a une augmentation de la population qui est on ne peut plus préjudiciable pour la profession. Quelque part se repose ici la réflexion première des chasseurs et des fédérations de chasseurs, il y a cette volonté de trouver un équilibre compatible entre une activité de loisirs et une activité professionnelle."
"Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier"
Les chasseurs sont prêts à atteindre l'équilibre évoqué par le président départemental de la Chambre d'Agriculture, mais avec l'aide de l'Etat. La présidente de la Fédération Départementale de Chasse de Saône-et-Loire, Evelyne Guillon, détaille la situation des fédérations de chasse : "Ça devient un vrai problème politique, parce que nous chassons sur 70% du territoire, avec l'urbanisation notamment, et puis nous payons sur 100% du territoire. Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier et participent aux indemnisations des dégâts d'ongulés sauvages, sinon, on le sait, il y a déjà des Fédérations qui sont en grande souffrance, qui ne peuvent plus payer, car les chasseurs ne peuvent plus payer tout simplement."
En 2022, les chasseurs du département ont réussi l’exploit de n’avoir que 350 000€ de dégâts à indemniser. Mais les chiffres de la dernière saison repartent à la hausse. Ils vont atteindre les 700 000 € à la fin de l’année.