Coronavirus: pourquoi des avocats demandent à réunir les plaintes des familles de victimes mortes dans les Ehpad

"Pour faire le deuil, il faut la vérité", Me François Ruhlmann (barreau de Strasbourg) comme d'autres de ses confrères a demandé le regroupement au pôle santé de Marseille des plaintes visant les Ehpad dans leur gestion de la pandémie de coronavirus. Entretien.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Au nom des familles que nous représentons et au nom d'une bonne organisation de la justice, nous exigeons que la ministre de la Justice décide de réunir toutes les plaintes pénales auprès d'un pôle d'instruction unique", par exemple "Marseille qui a fait ses preuves dans les dossiers PIP ou Levothyrox", plaident François Ruhlmann (barreau de Strasbourg), Me Géraldine Adrai-Lachkar (barreau de Marseille), et Christophe Lèguevaques (barreau de Paris) dans une tribune publiée sur franceinfo.

"Un seul dossier ne suffit pas à élucider une vérité"

"L’objectif : c’est de permettre à tous les futurs plaignants, victimes, soignants, résidents, familles, directeurs d’établissement, d’accéder à un tribunal spécialisé. L’idée pour nous c'est de saisir le pôle de santé publique de Marseille parfaitement équipé et expérimenté. Avec des juges mais aussi des professions qui pourront être utiles dans ce genre de dossier ", détaille Me François Ruhlmann. L’ensemble des avocats français et des plaignants pourraient ainsi déposer leur plainte à Marseille.

"Un seul dossier ne suffit pas à élucider une vérité. Un dossier a sa propre vérité et ses propres spécificités." Avec près de 10.000 morts (chiffres datant du 14 mai) dans les Ehpad et maisons de retraite, liés au coronavirus, l'affaire est nationale et "pour les juges, avoir plusieurs dossiers, apporte une vision plus globale dans cette affaire. L’instruction sera d'autant plus pointue, large. Les juges pourront procéder à toutes les enquêtes, démarches et autres demandes de documents. Au niveau local, régional mais aussi national."
 

Une catastrophe humaine à huis clos 

Pour l'avocat strasbourgeois pas question de chercher un coupable assure-t-il. "La question n’est pas là, je pense aux familles qui ont perdu un être cher. Instruire toutes ces affaires, c’est permettre à ces familles de faire le deuil. Parce que le deuil se fait dans la vérité." Et de poursuivre "il y a eu des souffrances incroyables dans les Ehpad, dans les maisons de retraites, beaucoup plus qu'à l’hôpital parce qu’il n’y a pas eu de réanimation, de prise en charge médicale. Là, on parle de personnes qui se trouvaient seules dans leur chambre. Elles sont mortes parfois par manque de personnel, de soin ou de traitement palliatif. Les soignants, s'ils ont été le plus souvent héroïques, se sont retrouvés démunis". 
 


En multipliant les procédures sur tout le territoire, les avocats estiment qu'il existe un risque de passer à côté de l’évidence. "On ne pourra pas faire apparaître des lignes fortes, des répétitions de comportement, des politiques délibérées décidées au siège des sociétés cotées qui exploitent les Ehpad et appliquées localement (docilement ?) par la direction."

 


L'Etat responsable?

Une lecture des problématiques à la lumière nationale. "Il y a des questions politiques qui doivent être posées dont la responsabilité de l'Etat, et ses carences. Les différentes réformes sanitaires qu’il a menées ont conduit à la situation des hôpitaux que nous connaissons. Des lits en réanimation insuffisants qui ont pesé sur la situation dans les Ehpad parce qu’on n'a pas pu évacuer les résidents malades faute de place. On a condamné ces personnes d'un certain âge." 

Carences aussi dans la prévision, selon l'avocat M. François Ruhlmann. En 2003, le professeur Raoult avait déposé un rapport à la demande du ministère de la santé, dans lequel il annonçait qu’une pandémie était sur le point d’arriver. "Il disait aussi toute la misère sanitaire et toutes les carences et pénuries qui seraient les nôtres en cas de pandémie. Les chiffres sont là, plus de 2 milliards de masques (FFP2, chirurgicaux) en 2009. 700.000 millions en 2017. Et en 2020, 100.000 millions. C'était l'arme de base pour combattre une pandémie. Nous étions totalement désarmés. Il fallait tenir un langage de vérité à l’égard des familles, du pays. Il n'y a eu qu'une accumulation de mensonges qui a conduit au chaos". 

 
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité