Coronavirus : l'Allemagne établit des contrôles sanitaires à la frontière

L'institut allemand Robert Koch, responsable du contrôle et de la lutte contre les maladies au plan fédéral, a classé le Grand Est dans les zones à risques. La police allemande a mis en place un contrôle aux frontières. Mais à Kehl, les rapports sont quotidiens et permanents.

Sur le pont de l'Europe entre Strasbourg (Bas-Rhin) et Kehl en Allemagne, les contrôles ont débuté vers 16 heures. Les policiers fédéraux allemands, équipés d'un masque et de gants, arrêtent les automobilistes pour leur demander s'ils se sentent bien et s'ils ont des malades dans leur entourage selon l'une de nos journalistes sur place. Des contrôles qui provoquent de nombreux ralentissements à différents points de passage. 
Alors que mercredi 11 mars, l'institut allemand Robert Koch, responsable du contrôle et de la lutte contre les maladies au plan fédéral, a classé le Grand Est dans les zones à risques, le pays passe donc à la vitesse supérieure. Les frontières pourraient d'ailleurs être restaurées selon le code Schengen sur les frontières qui autorise les Etats membres à rétablir les contrôles. 

La préfète de la région Grand Est a été alertée par "ses propres policiers" des contrôles de la police allemande. " La méthode est un peu étonnante. Le virus circule et ne connaît pas les frontières. Cette mesure n'a pas été prise en concertation" regrette Josianne Chevalier tout comme Roland Ries, maire de Strasbourg (PS) et Robert Hermann, président de l'Eurométropole (PS). Ce dernier décrit la décision prise par l'Allemagne comme "peu élégante" et conseille même aux Strasbourgeois de faire leurs courses de ce côté-ci du Rhin pour faire travailler nos circuits courts et ainsi ne pas "créer de mouvement panique en allemagne". Un pic lancé lors de la conférence de presse organisée à l'hôtel du préfet à Strasbourg, vendredi 13 mrs. 
 


Pour tenter de faire face à la pandémie, la ville allemande de Kehl vient de décider de fermer ses écoles à partir de lundi 16 mars pour une durée de 15 jours comme le précise le post facebook ci-dessous, rédigé en allemand.
 

Le Grand Est une zone à risques pour l'Allemagne

 Le Covid-19 fait-il désormais des Français, et notamment des Alsaciens, des "persona non grata" à Kehl, ville voisine de Strasbourg?

Jeudi 12 mars, les enfants et professeurs des écoles de Kehl habitant Strasbourg mais aussi tous ceux qui étaient allés dans le Grand Est dans les 14 derniers jours, étaient priés de restés chez eux. La ville de Kehl a aussi demandé aux enfants de Kehl scolarisés à Strasbourg de rester chez eux, tout comme les étudiants de l'université de Strasbourg domiciliés Outre-Rhin. 

 

587 cas de Covid-19 dans le Grand Est, contre 335 dans le Bade-Wurtemberg


Le mercredi 11 mars, 587 personnes étaient confirmées positives au Covid-19 dans la région Grand Est (sur une population de 5,518 millions), dont 108 cas dans le Bas-Rhin et 359 cas dans le Haut-Rhin. Trois patients du Bas-Rhin sont décédés.  Dans le Bade-Wurtemberg voisin, 335 cas étaient confirmés le 11 mars à 21h (sur une population de 11,02 millions), dont 17 dans l'arrondissement de l'Ortenau (où se trouve Kehl).

Kehl, 37.000 habitants, compte plus de 3.000 Français résidents. Nombre d’entre-eux y scolarisent leurs enfants et y travaillent. Beaucoup font aussi la navette entre la France et l’Allemagne avec, dans une même famille, des enfants dans des écoles françaises et d’autres dans des écoles allemandes. A quoi se rajoutent les travailleurs frontaliers qui vivent dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin (en stade 2 renforcé, concernant l’épidémie de Covid-19) et travaillent Outre-Rhin, et vice versa. Et tout le commun des mortels qui fait du saute-frontière en permanence, pour faire ses courses dans les boutiques et supermarchés, le plein à la station essence, acheter ses cigarettes au bureau de tabac... Seul le fleuve sépare Strasbourg de Kehl, mais les deux villes sont constamment en contact et leurs échanges sont permanents.
 

 

Conséquence de la classification en zone à risques du Grand Est

Quand la nouvelle est tombée, mercredi matin, beaucoup de ces échanges quotidiens ont dû être passés à la loupe. Chaque entreprise, école, employeur public ou privé a dû se conformer aux directives du Land ou du Kreis (arrondissement).

Le message de Frank Scherer, Landrat des Ortenauskreises (chef administratif  du district de l'Ortenau*) contient trois recommandations :

  • "Nous recommandons de ne plus organiser de rassemblements de plus de 200 personnes"
  • "Nous recommandons aux directions des établissements scolaires de demander aux élèves et professeurs qui habitent en France, de rester chez eux"
  • "Nous recommandons aux entreprises qui embauchent des employés vivant en Alsace de vérifier s’il n’est pas possible de leur permettre de rester chez eux."

*L'arrondissement de l'Ortenau est un arrondissement du Bade-Wurtemberg situé dans le district de Fribourg-en-Brisgau. Son chef-lieu est Offenbourg.
 


Le Ministre de la culture du Land a quant à lui demandé jeudi à tous les salariés et enfants des crèches du Bade-Wurtemberg de rester chez eux pendant deux semaines s'ils sont allés dans les 14 derniers jours dans une zone à risques, donc désormais dans le Grand Est également. Ce qui augmente de fait drastiquement le nombre des personnes concernées.

La mairie de Kehl s'est conformé aux préconisations nationales en lien avec les zones à risque : elle a demandé jeudi à tous ses salariés habitant Strasbourg de rester chez eux. "Nous, on se réjouit de tous les Français qui peuvent venir chez nous" nous disait encore, sans hésiter, la porte-parole de la mairie de Kehl, Annette Lipowsky, mardi 10 mars, un jour avant que le Grand Est soit déclaré comme zone à risques. "La mairie de Kehl emploie environ 35 employés français sur 800 salariés. Ça semble peu, mais ça compte ! On a déjà pas mal de malades, comme tous les ans en hiver, mais là il faut gérer avec le coronavirus en plus. On suit, mais on n’a pas d’interdiction pour l’heure. Ça peut changer, il faut voir l’évolution, mais pourquoi affaiblir l’administration, on est content de chaque collaborateur qui peut venir travailler."


Beaucoup d'écoles mettent en place un accueil d'urgence

Là aussi, on suit les recommandations du Landrat, mais chaque directeur ou directrice d'établissement décide des mesures qu'il prend, en fonction aussi du nombre de professeurs encore disponibles. L'école franco-allemande de Falkenhausen a demandé, dans un premier temps mardi, à ses enseignants et élèves résidant en France de rester chez eux. 35 élèves et 10 professeurs étaient concernés environ. Ce courrier a fait débat, certains estimant être discriminés puissent que d'autre personnes, travaillant en France et habitant à Kehl continuaient de passer la frontière chaque jour.

"Pas très politiquement correct, cette demande" estime l'internaute Cris. "Qui d'autre voulons-nous encore exclure, par peur ? Voyez donc les chiffres de contamination dans le monde. Les jeux sont faits, les amis. Et honnêtement, on ne demande pas à tout le monde si, dans la situation actuelle, il ou elle veut continuer de travailler. Merci et respect à tous ceux qui continuent." Une autre internaute, Rosanna, fait remarquer que : "...ils sont priés de... sonne pour moi comme une possibilité". Quelques incohérences se font également jour. Deux écoles se partagent ainsi des locaux, l’une n’accueille plus les Français, l’autre si.


Jeudi 12 mars, les enfants et professeurs des écoles de Kehl habitant Strasbourg mais aussi tous ceux qui étaient allés dans le Grand Est dans les 14 derniers jours, étaient priés de restés chez eux. A la Falkenhausenschule, les élèves n'étaient plus que 90 jeudi (sur un effectif total de 394 enfants en temps normal), et les professeurs une vingtaine. Impossible donc de faire cours dans ces conditions. L'école a alors demandé à tous les parents de garder si possible leurs enfants chez eux, un accueil d'urgence pouvant être assuré pour les autres, sorte de garderie sans véritable cours. Par ailleurs, les professeurs ont envoyé aux écoliers des consignes pour continuer à avancer dans les matières principales : allemand, français, et maths.

La ville de Kehl a aussi demandé aux enfants de Kehl scolarisés à Strasbourg de rester chez eux, tout comme les étudiants de l'université de Strasbourg domiciliés Outre-Rhin.


Aucune harmonisation dans l'Eurodistrict

« C'est une situation très difficile pour tout Kehl », nous a expliqué jeudi Imogen Remmert, la directrice de la Falkenhausenschule de Kehl : « théoriquement, tous les gens qui travaillent à Strasbourg et habitent à Kehl reviennent tous les soirs d'une zone à risques, c'est compliqué à gérer, forcément ! Les décisions nationales sont différentes entre la France et l'Allemagne, et ici, dans l'Eurodistrict, ça ne fonctionne pas. Il faudrait une décisions au niveau de l'Eurodistrict. »

« Le virus ne connaît pas de frontières »
- Imogen Remmert, directrice de la Falkenhausenschule de Kehl

« Ici, à l'école, les professeurs qui habitent Strasbourg ne peuvent plus venir à l'école à Kehl. Par contre, j'ai des professeurs qui font un échange : elles habitent dans les environs de Kehl et elles continuent chaque jour de se rendre dans leur école strasbourgeoise, qui est leur lieu de travail actuel », explique incrédule Imogen Remmert.


La situation des frontaliers n'a pas été pensée du tout

 

Même incompréhension de la part d'un entrepreneur kehlois. Un gérant d'une société éditrice de logiciels, a du demander à l'un de ses salariés de faire du télétravail jeudi, en espérant que la durée ne soit pas trop longue. Sinon « ce salarié, qui habite en Alsace, perdra son statut de frontalier, ce qui peut lui poser des soucis d'ordre juridique et fiscal, et à l'entreprise également : il faut qu'il soit présent au travail sur le sol allemand un certain nombre de jours par mois », explique cet entrepreneur.

Par ailleurs, les salariés français habitant Kehl ont un autre souci de taille. En tant que salariés sur le sol français, ils peuvent prétendre à 14 jours d'arrêt maladie si l'école de leur enfant ferme... mais selon une liste d'écoles alsaciennes uniquement (le logiciel en ligne est fait ainsi). Et dans le cas de la Falkenhausenschule qui incite très fortement certains à rester chez, l'école n'est pas encore fermée... Quant aux enfant habitant en Allemagne et scolarisés à Strasbourg, ils sont priés, par l'Ortenau, de rester chez eux... mais en France, de 6 à 16 ans, ils ont obligé d'être scolarisés...
 

Les entreprises dans le flou

Fiona Härtel, qui fait le lien avec les entreprises et la ville de Kehl est en ce moment très sollicitée. Elle fait un mail régulièrement pour informer les gérants de ce qui est possible de faire. « Si l'école ferme ou conseille aux parents de garder leurs enfants à la maison, ils peuvent rester chez eux en télétravail ou alors être mis en disponibilité tout en restant payé, selon ce qui est possible ». Elle attend elle aussi avec impatience des nouvelles du ministère fédéral du Travail qui planche sur une loi pour modifier le recours au chômage partiel. La publication est attendue jeudi après-midi. Pour l'instant, « chacun fait comme il peut pour suivre les recommandations du Land », assure-t-elle.

Mercredi 11 mars, les employés français continuaient de travailler à Kehl. La boulangerie familiale Dreher, qui compte plusieurs boutiques dans la ville frontalière avec la France, emploie environ 20 % de Français. La direction dit suivre l'évolution de la situation, heure par heure et s'adapter aux consignes. Le jeudi, la direction ne souhaitait plus nous parler.

En face, sur la place de l'hôtel de ville, la boulangerie Peter's a accepté de nous répondre jeudi 12 mars. «Parmi nos 600 salariés, 35 habitent en Alsace, et depuis aujourd'hui ils sont tous à disposition chez eux, nous n'avons pas le choix. Nous gardons le contact avec eux chaque jour pour les tenir au courant des évolutions. Et si ça devait durer, nous avons déjà trouvé quelques solutions : nous pourrions par exemple faire plus de pré-production », pour anticiper la production dans chaque boulangerie, ce qui nécessitera moins de travail dans chacune des filiales. Beaucoup de sites sont concernés : Kehl, mais aussi Bühl (le siège) et Baden-Baden.

Quant aux grands rendez-vous populaires, la ville de Kehl a déjà tranché : le marché de Pâques (Ostermarkt) du 11 au 19 avril est annulé, ainsi que la fête de printemps (Frühlingsfest) des 3 et 4 avril.

 

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