Disparition de Valéry Giscard d'Estaing : les Alsaciens se souviennent

Depuis l'annonce du décès de Valéry Giscard d'Estaing ce mercredi 2 décembre, les réactions sont nombreuses en Alsace. Du fin fond des villages au monde politique local, l'ancien président de la République aura marqué les esprits.

Le visage de Valéry Giscard d'Estaing est à la une de tous les journaux nationaux et régionaux ce jeudi 3 décembre. L'ancien président de la République française s'est éteint la veille au soir, des suites du Covid-19 à l'âge de 94 ans. Avec sa disparition, c'est un pan de notre histoire qui se tourne et des souvenirs qui remontent à la surface.

L'élu de Giscardville

À Ringeldorf, 135 habitants, la rue principale arbore toujours fièrement les initiales présidentielles. Surnommée Giscardville, la commune reste célèbre pour avoir voté à 100% en faveur de Valéry Giscard d’Estaing en 1974.
 

Ce matin, Nicole Muckensturm, la maire déléguée du village, se souvient du restaurant que tenaient ses beaux-parents, Alphonse et Antoinette : "C’est ici qu’a été accueilli le couple présidentiel le 24 mai 1975. C’était la seule salle capable de recevoir le président et ses invités. D’après les photos que j’ai pu voir, c’était un repas convivial. Le président était très accessible. Les habitants ont pu parler très librement ". Aujourd’hui,  tout cela paraît tout de même un peu loin : "La jeune génération sait vaguement qu’un président est passé dans le village".
 
 

"Un homme d'État singulier" pour Fabienne Keller

À l'annonce de la disparition de l'ancien président de la République, la sénatrice et députée européenne, Fabienne Keller, lui rend hommage sur les réseaux sociaux : "Un homme d'État singulier, très à l'écoute et profondément attaché à la République qu'il n'a jamais cessé de servir, très attaché aussi à l'Europe et à Strasbourg. Tout au long de son action, le Président a œuvré avec passion, audace et persévérance pour la construction européenne. Il faisait partie de ces hommes d'Etat qui croyaient véritablement en la force du projet européen".
 

La sénatrice et députée européenne estime qu’il a joué un rôle important dans sa carrière débutée à l’UDF : " Il a su fédérer les centristes, les libéraux. Gagner une présidentielle, ça n’est pas rien. Il a cette image de l’homme moderne, qui a réformé le droit des femmes, l’avortement, le droit de divorce. Il créé le collège pour tous. C’était un homme d’action et d’envergure européenne".
 
Sur l’Europe, l’ancienne maire de Strasbourg rappelle le rôle fondamental de la relation qu’il a entretenue avec le chancelier Helmut Schmidt, devenu un ami : "Le couple franco-allemand qu’ils formaient avait pris conscience que pour que l’Europe avance, il fallait que les deux peuples, au fond assez différents, s’entendent pour tourner le dos définitivement aux horreurs de la guerre".

Jean Rottner : "Il a marqué ma jeunesse"

Jean Rottner, le président de la Région Grand Est, se souvient : "J’avais 7 ans quand il devenu président de la République mais c’est probablement un de mes premiers souvenirs de campagne électorale. Je me souviens très bien de ses meetings, des foules l’entourant et de sa remontée des Champs-Élysées. Il a marqué ma carrière, mes choix, par sa modernité, sa capacité de réformer la France et ses difficultés face au choc pétrolier. Tout cela a marqué l’histoire de ma jeunesse, de mon engagement et de mes valeurs politiques. Il tranchait avec ses prédécesseurs, il tranchait aussi avec ses successeurs".
 
L'ancien maire de Mulhouse précise : "C’est aussi un homme qui était d’une acuité et d’une précision chirurgicales dans la stratégie politique. Il pouvait être extrêmement acerbe. Il a beaucoup apporté à une génération, la mienne. Il a beaucoup apporté aussi à la France par la suite, dans sa position européenne, dans ses choix européens. Il a continué, après sa traversée du désert, à réinvestir ce choix européen en devenant député européen et président de la Convention pour l’Europe en 2002".

Il rappelle l'importance du lien que Valéry Giscard d'Estaing avait noué avec l'Alsace : "Très marqué par la Seconde Guerre mondiale, il a beaucoup œuvré en faveur de l’indemnisation des Malgré-Nous alsaciens et mosellans".

"Il aimait le terrain. J’ai toujours été impressionné par le temps qu’il consacrait aux gens. Il était en capacité de s’arrêter, d’écouter, de discuter, de donner un petit conseil et de repartir tranquillement. La première fois que je l’ai rencontré, c’était à Strasbourg au Club de la Presse d’Europe 1, j’étais étudiant. À l’époque, plein de fougue, je lui avais dit qu’il fallait que les jeunes trouvent leur place dans la politique. Il m’avait mis la main sur l’épaule et dit : oui, le changement dans la continuité".
 

"Un président visionnaire" pour Daniel Hoeffel 

Secrétaire d'État auprès de Simone Veil sous Giscard d'Estaing, Daniel Hoeffel a côtoyé le président à de multiples reprises. À bientôt 92 ans, il garde des souvenirs et une admiration intacts : "Le président était un visionnaire. Il l’était au niveau national : chacun sait combien il a tenu à ce que des réformes de la société puissent être engagées sous son septennat. Il l’était au niveau européen. C’est sous la présidence de VGE que l’Europe a fait des progrès sensibles, à partir d’une relation de confiance entre la France et l’Allemagne qu’il a cultivée et développée avec son alter ego, Helmut Schmidt. Il était aussi visionnaire au niveau international. Il avait la stature d’un homme d’État, parlant d’égal à égal avec une capacité d’appréhender l’avenir qu’il est rare de trouver. Grâce à lui, la France a retrouvé une place importante dans le concert des Nations".
 

"Il n’a jamais oublié ni avant, ni pendant son septennat, l’Alsace. Pour lui, Strasbourg était destinée par son histoire à être une capitale de l’Europe, le siège naturel des institutions européennes. Je suis heureux et fier d’avoir pu être le signataire, au nom du conseil général, du premier contrat triennal « Strasbourg, ville européenne ». Cette signature, très solennelle, a eu lieu à l’Elysée en sa présence. Il tenait à marquer que, pour lui, c’était Strasbourg, et nulle autre ville, qui était destinée à être le porte-drapeau de l’Europe en Europe occidentale".

Quand on lui demande s'il a en mémoire quelques anecdotes, Daniel Hoeffel précise, en préambule : "Il n’était pas homme à extérioriser inutilement les sentiments qu’il pouvait éprouver alors qu’il avait une très forte sensibilité".

"En 1979, VGE fait la première visite officielle d’un président de la République française en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. J’étais du voyage. À notre arrivée à Nouméa, le comité d’accueil se composait des représentants des divers cultes, dont Monseigneur Klein, évêque de Nouvelle-Calédonie. Lorsqu’il m’a vu dans le sillage de VGE, il s’est adressé à moi en alsacien. Giscard s’est retourné en disant : « Ah, Hoeffel, je ne savais pas que vous parliez Kanak ! »".

Daniel Hoeffel y voit la manifestation de son attachement aux traditions, aux coutumes et aux langues des terroirs. Il formule un vœu : "Puissions-nous, aussi, nous en souvenir et préserver les coutumes et les institutions incarnant notre terroir, nos terroirs". Pour lui, ce serait l'hommage qu’il faudrait rendre à VGE.
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