Celia, étudiante strasbourgeoise, nous raconte comment, de consommatrice effrénée de vêtements, elle a changé de comportement. De son enfance à son mode de vie zéro déchet, en passant par les défis qu'elle s'est imposés, elle explique sa transition.
Celia, étudiante en psychologie de 23 ans, vit en réduisant au maximum ses déchets par conviction écologique. Un mode de vie qu'elle a adopté au fur et à mesure, après des années passées à consommer en grosses quantités. Aujourd'hui instagrameuse suivie par quelque 5.000 personnes, elle distille ses conseils à sa communauté pour adopter un mode de vie plus respectueux de l'environnement.
Aujourd'hui instagrameuse écolo, tu as raconté à ta communauté avoir été une "catastrophe écologique", à quoi faisais-tu référence ?
J'ai grandi dans une famille traditionnelle française où l'on consommait de la viande à tous les repas, des produits comprenant de l'huile de palme, et où pour nous faire plaisir, mes parents emmenaient ma soeur et moi au fast-food de temps en temps. J'ai grandi dans un village mais les gens autour de moi n'avaient pas forcément de potager. Tout ça pour dire que je n'ai pas grandi dans une famille ou dans un environnement où l'on faisait des actions par conviction écologique.Ensuite est venu le moment où j'ai quitté le domicile familial pour mes études. Il faut savoir que j'ai grandi dans une famille modeste. Je me disais que je n'avais pas autant de vêtements qu'un tel ou de jouets qu'un autre. Bref, j'ai connu la frustration et quand je suis partie de chez mes parents, je me suis dit que j'allais rattraper ce retard. J'ai donc acheté n'importe quoi pendant un an, un an et demi. J'achetais du pas cher et beaucoup. Je mangeais des plats industriels, beaucoup de viande....
Quand est venu le déclic ?
Il n'y a pas eu un gros déclic, tout est venu progressivement et par étapes. Par souci financier, j'ai d'abord commencé à réduire ma consommation de viande et de poisson, parce que je n'avais plus les moyens d'en acheter. J'ai commencé à me poser des questions par rapport à ça. Ensuite, j'ai déménagé, toujours pour la même raison. Je suis passée d'un grand appartement à un petit. Et en déménageant, je me suis rendu compte que je n'avais pas suffisamment de place pour tout ranger. Je me revois dans l'appartement, les placards remplis, et tout un tas d'affaires encore dans les cartons. Je me suis dit qu'il fallait absolument que je trie. J'ai commencé à cogiter sur ma façon de consommer.Quand es-tu passée de l'amorce de réflexion à l'action ?
En 2015, j'ai décidé de relever un défi avec une amie. Comme on allait tout le temps manger au fast-food et qu'on savait que ce n'était pas terrible, on a décidé de passer un an, de janvier 2015 à janvier 2016 sans s'y rendre. Nos potes ne nous en croyaient pas capables, donc par esprit de contradiction, on a voulu aller jusqu'au bout et on n'a pas lâché. Un an plus tard, nous y sommes allés, le délai fixé étant respecté et ça a été un mauvais moment. On a eu mal au ventre, on n'a pas du tout apprécié le moment. Comme le côté défi avait fonctionné, on a décidé de s'en lancer un autre pour l'année 2016. Cette fois, on avait décidé de ne plus acheter de vêtements, chaussures et sacs pendant un an.Vu les placards qui débordaient, on s'était dit qu'on avait tout ce qu'il fallait et que ça ferait du bien à notre porte-monnaie. Les six premiers mois ont été atroces, j'étais vraiment frustrée mais j'ai tenu, encore par esprit de contradiction. La deuxième partie de l'année a été totalement différente. Je ne ressentais plus rien par rapport à ça, je ne voyais plus les magasins, ça ne me faisait rien. C'est vraiment ce défi qui a tout changé, je me suis rendu compte que je n'avais pas besoin de consommer comme je le faisais avant, que ça ne m'apportait rien sur le long terme, si ce n'est des objets à ne pas savoir où ranger. Après j'ai fait d'autres changements progressivement : acheter de seconde main, consommer local...
Comment ton entourage a-t-il réagi face à tes choix ? S'est-il montré encourageant ?
Ça dépend lesquels. Je suis devenue végétarienne entre 2015 et 2016, à l'époque c'était plus rare qu'aujourd'hui. Mes amis me taquinaient par rapport à ça, en disant que j'étais le cliché de la fille aux cheveux courts, avec un bac L, tatouée... Combien de fois j'ai entendu "ah mais la carotte, elle a mal aussi quand tu la manges". Au final, ça leur est passé, et beaucoup d'entre eux sont aujourd'hui végétariens. Du côté de la famille, ça a été compliqué. Ils ne comprenaient pas les raisons de mon choix et avaient peur pour ma santé.Mon père m'a imposé des prises de sang régulières car il avait peur des carences. Au final, ça m'a servi, car j'avais effectivement une carence au début, tout simplement parce que j'ai éliminé la viande sans remplacer l'apport en protéines. J'ai acheté des livres de cuisine végétarienne, je me suis mise à cuisiner et je n'ai plus eu de soucis. Pour le reste, ça a été car ça se voit moins. Par exemple, le zéro déchet, ça ne change rien pour les autres.
Pourquoi as-tu décidé d'ouvrir un compte Instagram sur le zéro déchet ?
On me posait beaucoup de questions par rapport à ça, le compte Instagram était le moyen de répondre à un maximum de gens. Et puis, ça m'aide aussi à voir ma propre progression. Maintenant que j'ai une petite communauté, je vois l'impact de mes publications sur la vie des gens et surtout, il y a un échange. On s'entraide. Ça permet aussi à ceux qui commencent seuls et qui se sentent isolés dans leur démarche de trouver d'autres personnes à qui en parler. On fait des défis chaque mois, ça nous pousse à essayer de nouvelles choses, ça donne un côté ludique. J'ai commencé par ça et maintenant je n'en ressens plus le besoin, mais je continue pour mes followers.Certains ont l'impression qu'il est inutile de se lancer dans une telle démarche, que l'on pollue toujours d'une manière ou d'une autre...
Cette manière de voir les choses, est selon moi, ce qui fait le plus de mal à l'écologie, comme les personnes qui disent : "ah oui, tu fais telle chose mais pas telle autre". Le but n'est pas d'être parfait et encore moins du jour au lendemain. Il faut être tolérant avec soi et avec les autres. Moi, j'ai mis des années à adopter cette vie. Faire quelque chose, faire une chose, c'est toujours mieux que rien. Si on est beaucoup à faire un geste, ça fait la différence. Les actions écologiques n'annulent pas celles qui ne le sont pas. Pour moi, les réflexions comme : "ça ne sert à rien, parce qu'il y aura ça de l'autre côté", c'est plutôt une manière de se dédouaner.Où trouves-tu ton bonheur maintenant que tu ne satisfais plus de la possession ?
C'est vrai que pendant longtemps, le bonheur pour moi était associé à la possession. Je pensais que plus on avait de choses, plus on avait réussi. Aujourd'hui, grâce au défi, j'ai réussi à mettre à distance mes pulsions d'achats. Plutôt qu'une séance shopping, je préfère être avec des amis, lire, faire la fête. J'ai l'impression de faire des choses intéressantes tout le temps. Je me dis que le haut que l'on va acheter, on ne s'en souviendra plus dans cinq ans, mais que le fou rire qu'on a eu avec des amis, si.Je n'aurais jamais crû dire ça un jour mais je possède très peu de choses et je me sens plus riche que jamais. Je fais toutefois attention à avancer à mon rythme. Je pense devenir vegan un jour par conviction écologique, mais ce ne sera pas maintenant. J'ai essayé pendant un mois, et je me suis sentie frustrée, alors que ne plus manger de viande ne me frustre pas puisque je n'en ai tout simplement plus envie.