En cette mi-journée du 4 novembre, le nom du 46e président des Etats-Unis n’est toujours pas connu. Trump et Biden sont au coude à coude. Raymond Bach, universitaire américain, installé à Strasbourg, nous confie son inquiétude.
Il a les traits tirés. "Ma nuit a été courte, deux heures de sommeil, pas plus", s’excuse-t-il. C’est la sixième élection américaine présidentielle qu’il vit depuis l’Alsace, loin de son pays natal. Raymond Bach est directeur de l’antenne strasbourgeoise de l’Université de Syracuse (une université américaine historique qui, pour la petite histoire, a accueilli en son temps un certain Joe Biden). Tendu, il scrute les dernières informations données par CNN : "S’il passe, beaucoup d’Américains vont être dépités. Ce serait une catastrophe".
"Il", c’est Donal Trump. Le 45e président des Etats-Unis et peut-être le 46e. Ou pas. " Le pays n’a été jamais aussi polarisé qu’en ce moment ", explique Raymond Bach. Pour lui, dans cette élection, tout tourne autour de Trump. "Biden n’est que l’opposant. Ça n’est pas autour de lui que se fait le choix des Américains. On va voter pour ou contre Trump. C’est lui qui concentre toutes les attentions et les divergences".
Qu’est-ce qui plait chez Trump ?
Docteur en littérature comparée, Raymond Bach a fait ses études en Californie avant de prendre un poste au Texas dans les années 1980. L’Amérique, il la connaît bien, même si, marié à une Française, il vit en Alsace depuis vingt ans.
Donald Trump représente, tout de même, ce que la moitié des Américains aiment. Avec son attitude bravache et son côté "casseur du politiquement correct", il incarne une vision darwinienne du monde : "les plus forts gagnent, les faibles perdent. Et c’est tant pis pour eux". On est bien loin de l’idée que l’on peut se faire d’un Etat providence. "C’est le reflet d’une certaine idéologie américaine", explique l’universitaire expatrié.
A l’écouter, l’électorat de Trump est très hétérogène : plutôt masculin et moins diplômé que celui de Biden. On y retrouve certaines minorités, notamment les Latinos qui apprécieraient son côté macho. Ceux qui ont fui le socialisme, comme les Vénézuéliens ou les Cubains seraient aussi de son bord, séduit par son refus de la notion d’Etat providence. Il attire aussi les gens très aisés qui se refusent à payer plus d'impôts. Globalement, on vote plus Trump dans les campagnes que dans les villes.
Entre inquiétude et tristesse
Confinement oblige, cet Américain expatrié n’a pas pu partager avec ses compatriotes la ferveur des nuits électorales. Pas même le traditionnel petit-déjeuner de l’élection présidentielle américaine à l’hôtel Hilton de Strasbourg, organisé depuis 1972 par l’association Alsace Etats-Unis en coopération avec le Consulat Général des Etats-Unis.On le sent triste, fébrile et inquiet tout à la fois. "Les Français nous aimaient bien, sans doute grâce à notre histoire et au rôle que nous avons joué, à leurs côtés, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient sympathiques. Si Trump repasse une nouvelle fois, ils vont devenir moins sympathiques. C’est tellement difficile à comprendre ce qui se passe chez nous en ce moment".
Raymond Bach nous quitte pour faire une petite sieste avant de continuer à suivre ce qui se passe outre-Atlantique : "On croise les doigts de mains…et de pieds ! We shall see". Oui, on verra.