"Il n'y a plus l’espoir qu’un jour elle passe la porte", témoigne la famille de Françoise Hohmann, disparue en 1987

La disparition de Sophie Le Tan met en lumière celle - jamais élucidée - de Françoise Hohmann en 1987 à Strasbourg. Mis en cause, Jean-Marc Reiser avait été acquitté en 2001. La famille de la jeune femme, qui n'a jamais été retrouvée, s'est confiée à France 3 Alsace.
 

Lorsqu’ils nous reçoivent chez eux, Mariette et René Hohmann, 80 ans, s’efforcent de sourire et de faire bonne figure. Mais sous leur air jovial, la tension est palpable. Il faut dire que depuis quelques jours, le couple doit à nouveau faire face à son douloureux passé. Depuis que le nom de Jean-Marc Reiser a refait surface dans l’actualité.

"Le matin j’ai rentré le journal, je ne savais encore rien. Je lis les titres en montant l’escalier et je vois Reiser. Ça m’a tout de suite agressé", confie Mariette.

Sur la table du salon familial, des coupures de presse et des photos sont étalées. Nous faisons alors connaissance avec le visage d’une belle jeune femme, menue, aux cheveux châtains et aux yeux transperçants. Il s’agit de leur fille, Françoise, qui n’a plus donné signe de vie, depuis 31 ans.
 


"À l’époque, les policiers nous ont dit : elle est partie, elle a le droit de faire ce qu’elle veut. Elle est majeure. Mais pour nous, c’était impossible. Si elle avait voulu partir, elle nous l’aurait dit. Elle ne nous aurait pas laissé comme ça", affirme Mariette.

Qu’est-il arrivé à Françoise Hohmann, ce 8 septembre 1987? Ce jour-là, la vendeuse d’aspirateur à domicile de 23 ans, pénètre dans un immeuble de Hautepierre. Elle passe d’étage en étage, jusqu’à sonner chez un certain Jean-Marc Reiser. Il est le dernier client qu’elle visite avant de se volatiliser. Sa voiture sera retrouvée quatre jours plus tard dans le quartier de la gare. Sa famille imagine le pire.

"Le temps passe, les heures passent, toujours pas de nouvelles et là ça commence à devenir sérieux. Ça ne lui ressemble pas. En plus C’est l’anniversaire de maman, elle n’a pas téléphoné. A ce moment-là, on est complètement déboussolés", se remémore Isabelle, la petite sœur de Françoise.
 

Très rapidement, c’est la mobilisation. Les proches organisent eux-mêmes des recherches. Avis de recherche, battues en forêts, porte-à-porte pour recueillir les témoignages de ceux qui auraient pu croiser la VRP…porté par sa détresse et son inquiétude, le clan Hohmann se débat et fait front. "C’était comme chercher une épingle dans une botte de paille, reconnaît René Hohmann. 

"On n'avait pas les moyens actuels non plus. Pas de portables, pas de GPS. C’était difficile. On n’avait rien de tout ça,
ajoute Isabelle. On a même été jusqu’à contacter des voyants qui nous disaient qu’ils la voyaient décédée. Qu’elle était sous un tas de feuilles près d’une usine désaffectée. Alors nous répertorions les usines désaffectées du coin et nous y allions."
 

Les enquêteurs sont eux-aussi au travail. Ils soupçonnent rapidement Jean-Marc Reiser, perquisitionnent son domicile, interrogent ses proches. Mais rien ne permet de l’incriminer. Un non-lieu est ordonné en 1992.

« L’enquête n’aboutit pas, le dossier est vide et on nous dit que ce dossier va être clos. Ça s’arrête et on reste là, avec notre chagrin. Et on attend… » se souvient encore Isabelle.

Mais en juin 1997, coup de théâtre ! Un homme se fait contrôler par des douaniers du Doubs, qui découvrent dans sa voiture un fusil à pompe, du GHB, la drogue du violeur, une cordelette mais aussi des photos de femmes dénudées endormies ou inconscientes. Il s’agit de Jean-Marc Reiser.
 

Un lien est établi avec le dossier Hohmann. Quatorze ans après les faits, il est renvoyé devant les assises pour homicide volontaire. Pas d’éléments tangibles, pas de cadavre, il est finalement acquitté.

"Nous n’avions pas un élément technique irréfutable qui reliait Jean-Marc Reiser à Françoise Hohmann. Cette absence d’élément technique est lié au fait qu’en 1987 il n’y avait pas véritablement de techniques de pointe utilisées par la police scientifique. Cet absence d’élément nous a fait cruellement défaut",  explique maître Gletty, l’ancienne avocate de la famille Hohmann.

La famille reste alors plongée dans l’incompréhension, qui reste sans réponses. "L’acquittement tombe et on se dit ce n’est pas possible. J’entends encore papa qui criait dans le tribunal à l’un des avocats de la défense, vous êtes le diable, vous êtes le diable. Et puis, on repart, on rentre chez nous…"
 
Oublier ? Impossible pour Isabelle, Mariette et  René. Les questions demeurent. Qui a bien pu s’en prendre à Françoise, comment, pourquoi ? Des interrogations qui hantent désormais jusqu’à la plus jeune génération des Hohmann.

"Moi j’ai l’impression que ça colle à ma vie. J’ai l’impression que pour arriver à avancer dans ma vie, il faut que je trouve des réponses, confie à son tour Fanny, la fille d’Isabelle. Si on a accepté de vous parler, c’est pour qu’on soit entendus, pour que l’affaire de ma sœur soit soulevée, pour qu’on reconnaisse notre histoire, ce qu’on a subi. Et quelque part j’ai encore espoir d’une justice", reprend Isabelle.

Un besoin d’explication pour mettre fin à 31 ans d’incertitudes. Pour enfin pouvoir faire le deuil de Françoise.  

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