En 2017, un peu plus de 65 000 personnes sont devenues françaises par naturalisation. Cette démarche administrative représente souvent bien plus pour ses bénéficiaires. Témoignages à Strasbourg.
"Moment important pour chaque nouveau Français et pour la République", une cérémonie d'accueil dans la nationalité française a été menée ce lundi par le préfet du Bas-Rhin à Strasbourg. Quarante-huit personnes originaires de vingt-six pays différents s'y sont vu remettre leur décret de naturalisation. Emouvant pour beaucoup d'entre elles, l'instant vient surtout clore une démarche entamée pour des motifs très différents.
Aierpati, 21 ans, étudiant et réfugié politique
"Ma famille vient de Chine. On est Ouïghours, pas Chinois [minorité turcophone et musulmane, réprimée par les autorités, NDLR]. Mes parents sont venus en France en premier. Je suis resté un an en Chine avec mes grands-parents. Quand je suis arrivé [en 2011], je devais renouveler mon passeport. Je suis allé au consulat chinois. Ils ont refusé de m'en donner un nouveau. Mon père était déjà réfugié politique, du coup moi aussi je le suis devenu. En 2016, j'ai demandé la nationalité et je l'ai obtenue en novembre 2017.
C'était émouvant. J'étais hyper content. Je ne saurais pas exprimer ma joie, je suis très fier. Quand on était en Chine, on n'était pas considérés comme des citoyens chinois. On n'est pas comme eux. On ne peut rien faire. On n'a pas de liberté. On ne peut pas s'exprimer comme on veut, comme en France. On ne peut pas voter. Je ne considère pas la Chine comme mon pays. Là, j'ai l'impression que j'ai vraiment un pays."Catriona, 47 ans, comédienne britannique installée en France
J'ai vécu la cérémonie d'aujourd'hui un peu comme un mariage. On s'engage à tout jamais. On s'engage, s'il faut, à se battre pour le pays. C'est une promesse irréversible. C'est vraiment beaucoup plus qu'une démarche administrative. [Avec la nationalité], on a plus l'impression d'appartenir à une société. Sinon, quand on vient d'ailleurs on a toujours une sorte de recul. On observe et on fait partie mais comme quelqu'un qui est en visite, même si la visite devient à long terme. Une fois qu'on a la nationalité, on y est. On est chez nous." "Je suis venue deux fois en France. La première fois, en 1988, je suis restée six ans. Je me suis réinstallée en 2000. Je suis comédienne et j'avais du travail à Colmar. J'ai demandé la nationalité car premièrement, je voulais pouvoir voter. Deuxièmement, il y a eu le vote du Brexit et on ne sait pas ce que ça peut représenter pour les Britanniques qui ne seront plus en Europe. Ça faisait deux raisons assez fortes.
Arbi, 38 ans, professeur et clandestin pendant cinq ans
"Je suis né en France en 1980 dans les Vosges, puis je suis rentré en Tunisie à l'âge de six ans avec mes parents. J'ai décidé après le bac de revenir faire mes études supérieures en France. Pendant ma licence, on m'a enlevé mes papiers. J'étais clandestin pendant cinq ans, de 2007 à 2012. J'ai réussi ma licence et mon master 1 sans avoir de papiers. La préfecture m'a envoyé un ordre de quitter le territoire. Je n'ai pas voulu le faire. Je suis Vosgien et c'est par amour que je voulais rester en France.
Entre-temps, j'ai eu un enfant né en France. L'académie de Strasbourg m'a recruté mais je n'ai pas pu enseigner. A présent, j'enseigne les maths en contractuel et je viens d'avoir la naturalisation. Aujourd'hui, ce n'est plus la nationalité, c'est le CAPES qui me préoccupe. La nationalité, c'est une étape."