Ce jeudi 25 mai 2023 se joue la première journée grand public d'information sur les maladies liées aux tiques. Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et le Club Vosgien organisaient une sortie de sensibilisation aux tiques en forêt de Pourtalès à Strasbourg.
Ce sont des petites bêtes minuscules qui font peur à beaucoup. Avec les beaux jours, les tiques sont de sortie, tout comme les randonneurs dont elles affectionnent particulièrement les creux des genoux et autres points chauds.
Ces acariens véhiculent de nombreuses maladies infectieuses, la maladie de Lyme étant la plus connue. Pour la première fois, les Centres de Références des Maladies Vectorielles liées aux Tiques (CRMVT) organisent ce jeudi 25 mai 2023 une journée de sensibilisation et de prévention à l'intention du grand public.
A Strasbourg, un stand d'information est installé dans le hall d'accueil du Nouvel Hôpital Civil. l'équipe du professeur Yves Hansmann, infectiologue et chef du pôle des Maladies infectieuses et tropicales, se tient à la disposition des passants qui peuvent poser toutes leurs questions.
Quelques mises au points
"D'abord, on dit UNE tique et non pas un tic...et celui-là, il est nerveux!", pose en souriant le professeur Nathalie Boulanger. Rattachée à l'Unistra, elle est entomologiste, spécialiste des tiques et de leur prolifération depuis des années.
En plus de nombreuses maladies, ces petites bestioles véhiculent beaucoup de fausses rumeurs. Nathalie Boulanger profite de l'occasion pour tordre le coup à certaines idées préconçues.
Les tiques ne tombent pas des arbres : "C'est l'une des idées les plus tenaces et c'est impossible! Elles sont très sensibles à la sécheresse. Elles passent leur vie à monter sur la végétation, elles chassent. Si elles ne trouvent aucun animal à portée, elles redescendent se réhydrater dans l'humus. Elles ne peuvent pas monter dans les arbres sinon elles mourraient desséchées".
Elles piquent plus les hommes ou les femmes? "Elles piquent tout le monde mais il y a des peaux à tiques. On a sur la peau un microbiot et ces bactéries émettent des odeurs qui sont différentes. Certaines odeurs attirent plus les tiques que d'autres. On est sur le point de lancer une étude pour comprendre quelles sont les odeurs les plus attractives pour les tiques".
Une prolifération multifactorielle
Depuis les années 60, Nathalie Boulanger le constate et l'analyse les tiques prolifèrent. Ses études lui perment de mettre en avant plusieurs raisons. La chasse et ses pratiques d'agrainage favorisent le développement de ces acariens.
"La tique dépend de la faune sauvage et de l'écosystème", explique l'entomologiste strasbourgeoise, "dans un endroit où il y a beaucoup de cervidés, autrement dit des bêtes qui n'arrivent pas à se déparasiter et qui ont une grosse masse sanguine, on sait que l'on va trouver des tiques car les femelles tiques prennent 100 fois leurs poids de sang".
La surpopulation des cervidés est l'un des facteurs de prolifération. Mais il y en a d'autres : "Après guerre, on a beaucoup utilisé de pesticides pour lutter, en poudrage massif, contre les pestes végétales, les scolytes et les chenilles processionnaires, note Nathalie Boulanger.
Elle constate : "Aujourd'hui, tout cela est terminé. L'interdiction des pesticides combinée aux résidus de la tempête de 1999 et des nouvelles techniques sylvicoles font que, maintenant, on évolue dans des forêts hyper-végétalisées où le bois mort est laissé sur place. Tout cela est favorable aux rongeurs qui servent d'hôtes aux larves et aux nymphes de tiques".
La régénération naturelle des forêts prônée depuis des années au nom de la biodiversité serait-il à remettre en cause? "C'est une réflexion que l'on devrait avoir", répond Nathalie Boulanger, "quelle biodiversité on veut avoir pour que l'humain puisse évoluer en toute sécurité?"
L'Alsace très touchée
Le professeur Yves Hansmann, infectiologue et chef du pôle des Maladies infectieuses et tropicales le confirme : "Il y a beaucoup de tiques en Alsace et la maladie de Lyme, transmise par les tiques, est très présente dans la région. On a une incidence parmi les plus élevée de France".
Le médecin précise : "Il n'y a pas que la maladie de Lyme, même si c'est celle que l'on connait le mieux. Il y a d'autres virus, parasites ou bactéries qui peuvent être transmis et qui sont beaucoup moins connus. L'anaplasmose, la méningoencéphalite à tiques, la babésiose sont des maladies infectieuses qui se manifestent par des fièvres aigües. C'est assez bruyant. Quand on fait le diagnostic, le traitement peut être efficace rapidement. Si on ne fait pas de traitement, cela peut même, parfois, guérir tout seul".
En revanche, la maladie de Lyme est beaucoup plus difficile à identifier au début : "Elle peut évoluer à bas bruit. C'est ce qui la rend plus inquiétante car elle peut évoluer vers des complications : la bactérie se disémine dans l'organisme et peut atteindre des tissus articulaires ou neurologiques et là, le diagnostique est plus difficile à faire. On peut osciller entre un rhumatisme inflammatoire, une arthrose ou une maladie de Lyme".
Il est impératif de détecter la phase primaire de la maladie de Lyme, un érythème rouge à l'endroit où la tique a piqué, afin de déclencher au plus vite le traitement.
En Alsace, 3 à 4.000 personnes développent une maladie liée à la tique chaque année.