TEMOIGNAGE - Occupation du théâtre national de Strasbourg : "l'urgence c'est d'entendre ceux qui souffrent de la crise"

Quentin est élève en deuxième année à l'école supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg (TNS). Avec ses camarades, il occupe le TNS depuis mardi soir, pour demander entre autres la réouverture des lieux de culture. Témoignage d'un jeune homme décidé.

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L'interview a lieu à distance. Quentin, élève en deuxième année, section jeu, vient de passer sa première nuit au théâtre national de Strasbourg (TNS), entouré de ses 52 camarades. "Nous habitons le TNS en réponse à l'occupation de l'Odéon. Nous, ce qu'on veut, c'est jouer devant un public, c'est travailler. Mais là, c'était important de les suivre, de les soutenir en faisant une action similaire à Strasbourg." Pour l'instant, personne ne peut rentrer dans le TNS, à part les étudiants, les professionnels et les salariés du théâtre. Les élèves ont des revendications claires.

Premier confinement : "j'ai eu beaucoup de chance"

Pour Quentin, le premier confinement s'est très bien passé. "L'école était fermée, on ne pouvait plus y rentrer du tout. Mais le contact a été maintenu avec les profs et les professionnels. Ils nous ont soutenus, ils étaient présents. Stanislas Nordey, le directeur, a été un des premiers à échanger avec Emmanuel Macron avant sa première allocution sur la culture, c’était rassurant dans notre solitude. Moi j’étais confiné dans le même immeuble que trois élèves de l’école, j'ai eu beaucoup de chance, c'était une période très heureuse. Pendant que je lisais un texte dans le salon, mon amie travaillait dans la pièce d'à-côté sur des maquettes de décors pour La Cerisaie de Tchekhov". Alors, parmi ce petit groupe, naît une idée qui devient un projet professionnel : "On a fondé un théâtre écologique, pour utiliser moins d’électricité, moins de matières polluantes, et tous les dimanches on se retrouve pour en parler. Il s'appelle « mésolence », ça vient de la mésologie, l'étude des milieux et insolence ou indolence. On voudrait construire un petit théâtre transportable sans électricité, avec des matières locales ou récupérées. Les textes feront sens avec la structure, mais ce ne sera pas forcément un discours sur l’écologie. Là on travaille sur un texte de Rimbaud. J’ai eu beaucoup de chance, ce n'est pas le cas de tout le monde". Ce qu'il a particulièrement apprécié aussi, ce sont les échanges avec l'administrateur, Benjamin Morel, qui leur a demandé comment ils avaient vécu ce confinement et ce qui pouvait être amélioré, en cas de deuxième confinement.

Deuxième confinement : "je me sens découragé"

"Du coup le deuxième confinement s’est mieux passé, on a pu répéter sur place, à l'école, avec les gestes barrières, comme les comédiens professionnels." Mais pour Quentin, cette année s'est moins bien passée. D'habitude, la première année, pour les comédiens, c'est un moment sans public. Et les représentations avec public ont lieu au cours de la deuxième année... sauf pour cette rentrée-là. "C'est aussi pour cette raison que nous habitons le TNS en ce moment. On ne peut même pas faire venir tous les élèves pour une représentation. La dernière grosse forme (spectacle encore en cours de travail) qu'on a présentée, avec les metteurs en scène Lazare et Mathilde Delahaye, après cinq semaines de travail, nous n'avions que cinq étudiants comme public, dans une salle qui accueille 20 personnes. On était censés jouer dans les grandes salles, mais ce n'est pas possible. Et le gros travail que nous préparons depuis l'an dernier et qui doit donner lieu à un spectacle en avril ou mai, dans une salle de 200 places n'aura peut-être pas lieu. Je me sens très découragé. On est avec des metteurs en scène qui ont des exigences de travail très fortes, on travaille beaucoup, mais sans public, ça perd de son sens", explique Quentin.

Il s'agit d'habiter le théâtre, pas de l'occuper : nous sommes élèves ici, nous y venons tous les jours. La seule nouveauté, c'est que nous y restons la nuit, mais nous n'avons envahi aucun espace, et tout le monde ici nous connaît et comprend notre mobilisation.

Quentin, élève "habitant" du TNS pour réclamer la réouverture des lieux de culture

 

"On n'attend pas que l'école nous donne notre chance, on y va"

Alors, pour ne pas attendre les réouvertures de salles et l'amélioration de leurs conditions de travail dans l'école, certains étudiants mènent d'autres projets en parallèle. Quentin est metteur en scène d'un projet appelé "Le bureau de tabac", avec un camarade qui prépare un seul-en-scène sur des textes du poète portugais Fernando Pessoa. "On répète dans le théâtre, c'est là que ce serait le mieux. Mais si il le faut, on le retravaillera pour en faire un spectacle de rue ou pour le monter dans le théâtre écologique, pourquoi pas ? Le but, c'est de jouer. Ca nous donne de la force. L'urgence c'est de rouvrir les théâtres et de faire entendre toutes les personnes qui sont touchées et précarisées par la crise. Ce qu'on vit nous, c'est infime par rapport aux intermittents, aux collègues qui n'ont plus de travail. On veut porter la voix des étudiants, des intermittents, des précaires. Les tentatives de suicides, ça nous bouleverse. Chez nous aussi, il y a eu des dépressions."

"Maintenant, on veut un dialogue. On a déjà échangé avec le directeur technique, le directeur administratif et avec Stanislas Nordey. Des salariés sont venus nous parler. On est en lien avec d'autres écoles supérieures et régionales". Dans toutes les villes, la mobilisation s'organise. A 13h, tous les jours, les étudiants du TNS tiendront un "forum" ouvert à tous sur le parvis du théâtre, pour échanger et débattre de la situation.

 

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