L'environnement influence-t-il le risque de cancer du sein ? Des scientifiques strasbourgeois mènent une étude sur l'impact des pesticides, des métaux et des PFAS sur ce cancer. Les résultats préliminaires ont été dévoilés jeudi 3 octobre lors des 30ᵉ journées internationales de sénologie de Strasbourg.
L'eau que nous buvons, l’air que nous respirons ou encore les aliments que nous mangeons influencent-ils le risque de cancer du sein ? La question n'est pas anodine quand on sait qu'une femme sur huit développe un cancer au cours de sa vie et que 61 214 nouveaux cas sont détectés chaque année en France.
Plusieurs études épidémiologiques mettent en évidence un lien entre l'environnement et le risque de cancer du sein. "Quand on analyse des cohortes de patientes qui viennent d'un pays où il y a peu de cancers du sein et qu'elles arrivent dans un pays où il y a beaucoup de cancers du sein, elles acquièrent le niveau de risque de la population d'accueil en 15 ans. Ce qui veut dire que ce n’est pas lié à leurs gènes. On étudie aussi des cohortes d'agricultrices et on sait que quand elles utilisent certains produits, elles feront plus de cancers du sein et que ces cancers seront plus mortels " explique le Pr Carole Mathelin, cheffe du service de chirurgie de l’ICANS, l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe.
Depuis 2020, une équipe de scientifiques strasbourgeois mène une étude approfondie pour comprendre quels produits favorisent le cancer du sein. 1072 échantillons de tumeurs et de tissus péritumoraux prélevés sur 687 patientes ont été analysés.
Les scientifiques ont recherché dans ces échantillons la présence de 578 pesticides, 30 métaux -notamment le plomb, l’aluminium, le cadmium, le mercure et l’arsenic-, et 4 PFAS. L’intégralité des métaux et des PFAS ont été retrouvés. Seuls 40 pesticides sur les 578 recherchés ont été détectés.
"Les pesticides se trouvent principalement dans la zone péritumorale qui est graisseuse contrairement aux métaux et aux PFAS qui se trouvent essentiellement dans la tumeur même. Cela montre que nous sommes contaminés par toutes ces substances qui se trouvent dans l'environnement", analyse le Dr Albert Moussaron, chef de projet de l’étude "Cancer du sein et environnement".
"La bonne nouvelle, quand même, c'est qu'il y en a un certain nombre de pesticides qu'on ne trouve pas dans les tumeurs du sein sur plus d’un millier d’échantillons. Donc ça veut dire que ces produits sans doute ne se concentrent pas dans la graisse. En revanche, d'autres se concentrent. On doit suivre ces produits, il y a un doute sur leur dangerosité" résume le Pr Carole Mathelin.
Les résultats préliminaires de l'étude ont été présentés lors des 30èmes Rencontres internationales de sénologie de Strasbourg. L'étude va se poursuivre avec de la recherche fondamentale et une analyse molécule par molécule pour déterminer si les substances retrouvées favorisent réellement le cancer du sein.
La génétique : principal facteur de risque du cancer du sein
Si l’impact de l’environnement sur le risque de cancer du sein reste un vaste champ à défricher pour la recherche scientifique, d’autres facteurs sont identifiés depuis longtemps, de la génétique à l'obésité en passant par la consommation d’alcool ou d’anxiolytiques. C’est bien la combinaison de plusieurs facteurs de risque qui provoque la maladie.
"Le facteur de risque principal, c'est la génétique. Ensuite, on a les facteurs environnementaux de la femme avec l'âge de la puberté, le nombre d'enfants, est-ce qu'elle a allaité ou pas. Et puis les facteurs environnementaux comme la pollution qu’il faut encore étudier, on arrive alors à calculer un niveau de risque pour chaque femme" précise le Dr Elisabeth Luporsi, onco-généticienne au CHR de Metz-Thionville.
Mais il n’y pas de fatalité, il est possible pour tout un chacun de diminuer le risque de cancer du sein. La lutte contre la sédentarité et contre le surpoids, l’activité physique, une alimentation équilibrée constituent des facteurs de protection contre le cancer du sein.
Réduire de 20% le risque de cancer du sein
"On peut faire diminuer son risque de cancer du sein, explique le Dr Elisabeth Luporsi. On a des femmes qui ont des cancers du sein à 35 ans, elles sont porteuses d’une mutation génétique, on découvre que leurs mères de 75 ans sont également porteuses de la mutation, mais elles n'ont jamais déclenché le cancer du sein. Donc ça prouve que l'environnement est un élément très important".
En adoptant de bonnes habitudes, le risque de cancer du sein peut chuter de 20%.