Ils ont collé, ce samedi 17 février 2024, partout en France, Strasbourg inclus, près de 70 000 étiquettes sur les volailles de la marque Le Gaulois. L'association L214 a décidé de montrer aux distributeurs comme aux consommateurs l'envers du décor de ces poulets bien blancs : des conditions d'élevage et d'abattage insoutenables.
Gauthier Barthe est référent de l'antenne strasbourgeoise de L214, l'association de défense des animaux utilisés comme ressources alimentaires. Ce samedi 17 février 2024, tas d'étiquettes sous le bras, mode furtif, il a mené, avec une dizaine d'autres militants, une vaste opération de contre-étiquetage sur les volailles Le Gaulois dans une grande surface strasbourgeoise.
Une opération qui fait suite au médiatique happening jeudi dernier, au Trocadéro à Paris, qui avait rassemblé une cinquantaine de personnes, dont l'animateur Nagui et Hugo Clément, portant 44 cadavres de poulet Le Gaulois.
Pour dénoncer l'élevage, @Nagui et @L214 exposent des cadavres de poulets
— Vakita (@vakitamedia) February 15, 2024
L’objectif ? Interpeller le consommateur, la marque Le Gaulois ainsi que la maison mère LDC sur leurs pratiques d’élevages. pic.twitter.com/nw7IQqdKy4
Des poulets à la croissance monstrueuse
44 cadavres pour 44 jours de vie de ces poussins monstrueux, à la chair épaisse et aux os fragiles. "À 44 jours, ces poussins pèsent 3 kg grâce à des sélections génétiques qui, au fil du temps, ont abouti à cette race à la croissance folle" explique Gauthier Barthe. Ces oiseaux passent ainsi de 50 g à 3 kg, soit un poids multiplié par 60, en un mois et demi.
"Ce qu'on dénonce cette semaine, ce sont les pires pratiques d’élevage et d’abattage en France. Il n’y a certes pas que le Gaulois, mais c’est la 1ʳᵉ marque de volailles en France en termes de vente et ils se donnent l'image d'une marque mieux-disante alors qu'ils font pire que les marques distributeurs qui se sont engagées, elles, dans des démarches plus vertueuses pour le bien-être animal."
Leur squelette ne suit pas une telle croissance. Ils ont les os trop fragiles pour les porter. Ils meurent souvent avant ces fameux 44 jours
Gauthier Barthe, L214
Le Gaulois représente 17% des ventes de volailles en France. Sa maison mère LDC, propriétaire des marques Marie, Maître Coq ou Loué, élève et abat 300 millions de volailles en France chaque année. Un géant aux pratiques dénoncées depuis longtemps par L214. "Ils réalisent des bénéfices de plus en plus importants. En 2020-2021, 143 millions d’euros de bénéfices. Ils ont donc les moyens de mettre en œuvre de meilleures conditions pour leurs volailles. Et pourtant, avec eux, on n'avance pas."
Les revendications de L214 portent à la fois sur l'élevage et sur l'abattage, même si Le Gaulois sous-traite ce dernier. "On leur demande d’arrêter l’utilisation de race à croissance ultrarapide, comme les Ross 308 par exemple. En 44 jours leur corps se développe très rapidement, mais leur squelette ne suit pas. Ils ont les os trop fragiles pour les porter. Ils n’arrivent plus à s’abreuver ni à s’alimenter, ils meurent souvent avant ces fameux 44 jours." Et bon appétit.
L214 exige de l'industriel d'augmenter la surface disponible par volaille. "Actuellement, chaque poulet dispose environ d'une feuille A4 pour vivre sans accès extérieur." Concernant l'abattage, L214 milite pour un étourdissement par atmosphère contrôlée. "Le Gaulois pourrait très bien demander à ses sous-traitants de changer leurs pratiques. Là, les poulets sont pendus par les pattes, trempés dans un bain électrique avant d'être égorgés. Les pattes arrière sont donc cassées, les bêtes stressées, ce n'est absolument pas sans douleur."
Pour des élevages respectueux du bien-être animal
Le choc des photos. En scotchant ces étiquettes pirate, téléchargeables gratuitement sur leur site, directement sur les barquettes, les militants de L214 comptent montrer aux consommateurs comme aux distributeurs "l'envers du décor". Des poulets manipulés génétiquement. Morts avant même d'être abattus.
L214 ne fait jamais dans la dentelle dans ses campagnes de sensibilisation, mais, vu le contexte, il n'y a pas non plus lieu de broder.
Le Gaulois sait le calvaire enduré par ces animaux sélectionnés génétiquement… contrairement à sa clientèle. Nous rétablissons la vérité
Gauthier Barthe, L214 Strasbourg
"Nous ne sommes pas là pour embêter le distributeur, mais afin que les supermarchés dans lesquels nous intervenons puissent remonter l’information à LDC. Que les consommateurs sachent aussi ce qu'ils mangent, ce que cela implique. Le Gaulois sait le calvaire enduré par ces animaux sélectionnés génétiquement. Il est bien renseigné sur les boiteries sévères, les problèmes respiratoires ou cardiaques… contrairement à sa clientèle. Faire le lien entre cette réalité des conditions d’élevage que révèlent les images et les barquettes de viande dans les supermarchés n’est pas évident. Notre opération de stickage des produits vient rétablir ce lien."
Stockage massif ce jour partout en France et ici à Montpellier pour inviter la marque @LeGauloisTDF à sortir du pire de l'élevage intensif des poulets @L214 #L214 #legaulois#ecc pic.twitter.com/CJyLhtihcy
— Nimeno La Tache (@NimenoLaTache) February 17, 2024
En 2017, L214 participe à l'élaboration d'une charte : l'European Chicken Commitment. Une trentaine d'ONG européennes en font aujourd'hui partie. L’objectif est d'interpeller les marques afin d’aboutir à un nouveau standard de production du poulet de chair. Plus de 120 entreprises ont déjà signé cette charte.
"Elle prévoit six grosses mesures : le respect de la réglementation européenne en termes de bien-être animal, augmenter la surface des élevages, recourir à des races dont l’intérêt pour le bien-être animal a été démontré, des normes d'élevage mieux disantes comme l'enrichissement de leur environnement, la qualité de l'air, la lumière naturelle, des perchoirs et évidemment pas de cage. Cette charte impose aussi un étourdissement par atmosphère contrôlée."
L214 attend donc que le Gaulois s'engage à son tour dans cette démarche. Quitte à lui forcer, un peu, la patte.