Les nombres de cas de coqueluche sont en forte augmentation depuis le début de l'année 2024, une situation préoccupante. Les nourrissons sont particulièrement à risques. Comment faire pour protéger les personnes fragiles ? Les réponses de Lionel Barrand, médecin biologiste à Strasbourg.
L'institut Pasteur a recensé plus de 6 000 cas de coqueluche depuis le début de l'année 2024 en France, mais l'estimation pourrait être de 24 000 cas jusqu'en juin 2024, contre 13 000 cas sur toute l'année 2023 selon Santé publique France. Une situation préoccupante pour les personnes fragiles que sont les femmes enceintes, les personnes âgées et surtout les nourrissons, qui sont plus enclins à développer des formes graves.
Tous les 3 à 5 ans, il y a un pic épidémique de coqueluche, "mais il y a aussi un biais statistique : on teste cette maladie de plus en plus, donc une partie de l'augmentation est liée à cette recrudescence des tests", relativise Lionel Barrand, médecin biologiste.
La coqueluche est une maladie provoquée par une bactérie, la Bordetella pertussis. Elle se caractérise par une forte toux qui peut durer très longtemps, on l'appelle aussi "la toux des 100 jours".
Les personnes symptomatiques sont contagieuses pendant trois semaines, ce qui augmente le nombre de nouveau cas de façon exceptionnelle, si la couverture vaccinale de la population n'est pas suffisante. L'assurance maladie estime qu'une personne malade contamine en moyenne 15 à 17 personnes.
Comment éviter l'explosion d'une épidémie de coqueluche et la contamination des personnes fragiles ? Les précisions de Lionel Barrand, président du syndicat Les biologistes médicaux.
Pourquoi la coqueluche met en danger les personnes fragiles ?
"Sont fragiles toutes les personnes ayant une immunité faible ou en baisse, comme pour la grippe ou le Covid. Les nourrissons ne sont pas encore protégés, tant que leur cycle vaccinal n'est pas complet. La première dose de vaccin se fait à deux mois de vie, il faut au total trois doses qui ne peuvent être administrées avant les six premiers mois. Les femmes enceintes ont une immunité plus basse naturellement. Les personnes âgées ou en chimiothérapie sont également considérées comme fragiles
Les personnes fragiles vont donc développer des symptômes plus graves et sur une plus longue durée que les personnes vaccinées. En dessous de trois mois, un nourrisson est automatiquement hospitalisé, et il y a des morts chaque année. Deux bébés de trois mois sont morts à Montpellier récemment. Il y a en moyenne une dizaine de morts de la coqueluche par an."
Comment les protéger ?
"La stratégie est la même que pour le Covid : il s'agit de faire de la prévention par la vaccination des nourrissons. La vaccination a lieu ensuite toute la vie, parce qu'elle perd de son efficacité au fur et à mesure. La vaccination est d'ailleurs possible en pharmacie depuis 2022.
Et on fait la stratégie dite du cocooning : on demande aux proches des nourrissons à naître (parents, frères et sœurs, grands-parents, amis) de se vacciner si leur dernière injection date de plus de 10 ans, et aux personnes malades de reporter la visite d'un bébé ou d'une personne fragile.
Enfin, les personnes qui présentent les symptômes de la coqueluche doivent pouvoir se faire dépister pour bénéficier d'un traitement antibiotique adapté. Ce traitement diminue drastiquement la contagiosité qui passe de cinq jours au lieu de trois semaines, et il a un effet sur la durée et la gravité des symptômes.
Le dépistage est remboursé par l'assurance maladie, sauf si la personne tousse depuis plus de trois semaines ou si elle a été vaccinée depuis moins de trois ans (le test est alors inutile). Il est à faire en laboratoire, sur ordonnance d'un médecin.
Enfin, comme pour toutes les infections respiratoires, le port du masque, le lavage des mains et l'isolement des malades sont autant de moyens de réduire la propagation de la coqueluche."
Qu'en est-il de la recommandation vaccinale des femmes enceintes pendant la grossesse ?
"La vaccination est recommandée pour les mères pendant la grossesse et à chaque grossesse, même pour les femmes déjà vaccinées auparavant, de préférence entre la 20ᵉ et la 36esemaine après les dernières règles", précise la haute autorité de santé, une recommandation faite depuis 2022, y compris pour celles qui sont à jour de leur vaccin contre la coqueluche.
Il s'agit, à travers la mère, de protéger le bébé lors de ses premières semaines de vie. Cette recommandation est de plus en plus suivie.
Sinon, la recommandation pour la population générale est de faire ce vaccin, combiné à la diphtérie, au tétanos et à la poliomyélite à 25 ans, puis 45 et 65 ans."
Comment lutter plus efficacement contre les infections respiratoires ?
"Nous, professionnels de santé, demandons que les patients puissent bénéficier de tests remboursés par l'assurance maladie pour toutes les infections respiratoires, pour mieux les guérir et éviter leur propagation : la coqueluche, la grippe en hospitalisation et le covid, c'est déjà le cas. Mais il faudrait les rendre accessibles de la même manière pour la bronchiolite, l'haemophilus, le mycoplasma pneumoniae et le pneumocoque.
Les tests permettraient de mieux traiter ces maladies. Le mycoplasma pneumoniae se traite par le même antibiotique que pour la coqueluche. Alors qu'il faut un autre antibiotique pour traiter le pneumocoque."