La vie ne leur a pas fait de cadeau. Patrick, l'aîné d'une fratrie de quatre garçons souhaite réunir ses frères pour son anniversaire. Séparés dès leur enfance, ils se sont plus ou moins perdus de vue. Voici trois bonnes raisons de voir ce documentaire sans commentaire mais plein d'émotions tout en retenue.
L'histoire commence par un rendez-vous raté : Patrick attend son frère à la gare, mais celui-ci ne s'est pas réveillé et a manqué son train. Il en faut plus pour que Patrick ne perde de vue son objectif : réunir sa fratrie, pour un weekend ou pour le reste de leurs vies.
Par le passé, ils ont été séparés. Placés en familles d'accueil ou en foyer de l'Aide sociale à l'enfance, parfois bringuebalés, ils ont tracé leur chemin chacun de son côté. Voici trois bonnes raisons de voir en replay Aux quatre vents, un documentaire sensible de Bertrand Hagenmüller.
1. Pour tourner la page
"J'ai été placé d'urgence dans une maison d'enfants à caractère social" (MECS) explique Patrick avec un certaine distance.
Il raconte, comment, enfant, il été maltraité par son père et délaissé par sa mère. Lui ainsi que ses trois plus jeunes frères. Et comment un jour il se retrouve à témoigner contre eux. Il sait bien qu'il a éloigné sa fratrie du danger parental, mais il en garde un poids dont il veut se débarrasser.
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Il l'avoue en partie à Nicolas : "Je savais bien que j'avais mise ma mère dans la merde en partant et en alertant les services sociaux ; je porte un peu cette responsabilité avec moi (...). Je m'en voulais quelque part d'être parti de chez moi et d'avoir semé le trouble dans ma famille ; parce ce que c'est de là qu'est parti la détresse de notre mère et sa descente vertigineuse aux enfers." Il sait que se frères n'ont pas "les cartes en main".
Alors, le jour de l'enterrement de leur mère, où ils sont réunis, Patrick prend la parole et lui fait une promesse : "Pars en paix, t'inquiète, je prends le relais".
2. Pour que les chemins se rejoignent
Quelques temps ont passé. Chacun des frères a suivi son chemin, les éloignant toujours un peu plus les uns des autres. Pourtant, Patrick tient à tenir la promesse faite à sa mère.
Et coûte que coûte, patiemment, il surmonte les difficultés, et contacte chacun de ses frères. Un à un, il les retrouve et prend le temps d'échanger avec eux. Lui qui est devenu éducateur spécialisé dans un foyer de l'Aide sociale à l'enfance.
A Gabriel, qui est passé un peu par la case prison, il dit "ça fait plaisir de t'entendre; ça fait plus de deux ans que je te cherche; qu'est ce qui t'es arrivé ? (....) Je me suis tellement inquiété pour toi." "Ah si tu savais frangin" lâche le frère d'abord méfiant. Celui-là finira par se livrer un peu lors d'une séquence en tête à tête.
Avec Jean-Marc, Patrick a pu être plus présent. Ses encouragements viennent combler bien des vides :"C'est whaou quand ton frère il te dit "t'as réussi ton Bafa, je suis content"; c'est ce qui me manquait : qu'on me félicite; ça ma famille d'accueil, elle l'a jamais fait. Quand je réussissais quelque chose, j'étais tout seul".
Quant à Nicolas, bien retranché derrière une carapace de protection haute qualité, à force d'en baver, Patrick trouve sa faille et l'amène à exprimer son émotion.
3. Pour recréer du lien
Le plus dur est fait : il a récrée le lien qui s'était rompu. Après les avoir convaincus un à un, Patrick organise un weekend à Strasbourg pour célébrer son anniversaire. Il loue un appartement où pour la première fois depuis leur enfance, ils vont dormir sous le même toit. Parce dit-il "une fratrie, c'est le vécu en commun".
Un weekend à risques. Quitte ou double. Risque que Patrick est prêt à prendre, en même temps, tenir sa promesse faite à leur mère décédée, et pour restaurer aussi les liens d'affection fragilisés par le temps. Une longue séquence filmée discrètement par le réalisateur, avec la juste distance qui permet aux quatre frères d'oublier la caméra.