REPORTAGE. Aux Restos du cœur de la Meinau, "les gens viennent et on n'a pas assez à leur donner"

Pour la première fois de leur histoire, les Restos du cœur vont devoir dire non. Face à l'inflation et à la hausse du nombre de bénéficiaires, l'association va réduire les quantités et les critères d'éligibilité. Un crève-cœur pour les bénévoles que nous avons rencontrés à Strasbourg.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Sur un coin de table, une boite de crème dessert à la vanille trône, seule rescapée de la distribution du matin. Dès 11 heures, il ne restait déjà plus de fruits et légumes au centre des Restos du cœur de la Meinau à Strasbourg, jeudi 5 octobre. L'étagère de la charcuterie n'a même pas été remplie, faute d'arrivage. 

Les denrées manquent et l'association créée par Coluche a bien du mal à accueillir des bénéficiaires toujours plus nombreux. Alors pour la première fois de son histoire, l'association va devoir refuser du monde.

"Les dotations passeront de six à quatre repas par semaine, et les critères d'accès à l'aide alimentaire seront légèrement durcis", confirme le président des Restos du cœur du Bas-Rhin, Patrick Gruber. Dans le département, le nombre de personnes accueillies a augmenté de 37 % en 2022/2023 par rapport à la précédente campagne de distribution, en 2021/2022.

"On va maintenir le barème été toute l'année, qui est un peu plus strict. On réduit les critères, mais dans les faits, on va accueillir encore plus de monde, car il y a de plus en plus de pauvreté."

Patrick Gruber, président des Restos du cœur du Bas-Rhin

"On va être obligé de diminuer"

Un crève-cœur pour les bénévoles du centre de la Meinau. "C’est malheureux, les gens ont de moins en moins, comment ils vont faire s'ils ne font plus qu’un repas par jour ? ", s'interroge Ginette, qui donne de son temps aux Restos du cœur depuis neuf ans. 

"On va être obligé de diminuer, les gens viennent et on n'a pas assez à leur donner", regrette Sylvianne, la cheffe du centre. Avec son gilet rembourré et ses grandes lunettes marron, l'énergique retraitée ouvre les chambres froides une à une. Elles sont presque toutes vides.

Martine, qui gère les stocks, a beau se plier en quatre, aujourd'hui, il n'y a pas assez. "Il y a de plus en plus de monde, ça devient compliqué", explique la bénévole, sur le pied de grue tous les jours de la semaine. "On gère comme on peut."

Pas de fruits et légumes

Dans son petit caddie bleu clair, Fridolin a récupéré des yaourts, du pain, des œufs. Mais pas de fruits ou de légumes aujourd'hui. "Je suis arrivé trop tard, il n'y avait plus grand-chose, alors j'ai eu des boîtes de conserve, mais ce n'est pas grave", assure le demandeur d'asile. 

Dès le mois prochain, les colis vont être réduits. "C'est un peu embêtant, mais il n'y a pas le choix, c'est déjà très bien de pouvoir recevoir de l'aide", estime Yolande. Cette mère de deux enfants fréquente les Restos depuis quatre ans. 

"S'il y a beaucoup de familles, tout le monde doit recevoir quelque chose, alors on prend ce que les Restos du cœur ont à nous donner."

Yolande, bénéficaire

Les conséquences inattendues de l'inflation 

Depuis que l'inflation fait rage, notamment sur les produits alimentaires et le carburant, de nouveaux profils ont fait leur apparition. "Parmi les nouveaux bénéficiaires, il y a pas mal de retraités qui étaient proches de la zone de pauvreté et que l'inflation galopante a fait plonger", témoigne Patrick Gruber. "Il y a aussi beaucoup de jeunes, les moins de 25 ans représentent 52% des personnes qu'on accueille." 

Si l'inflation mine le budget des bénéficiaires, l'addition est également très salée pour l'association qui achète 40 % des denrées alimentaires distribuées. L'augmentation des prix du carburant se répercute aussi sur les finances : 22 véhicules sont utilisés tous les jours pour récupérer les invendus dans les magasins.

Mais une conséquence insoupçonnée de l'inflation frappe le cœur des Restos : ses bénévoles. "Les volontaires sont surtout des retraités, parfois, ils n'habitent pas à côté. Avec les prix de l'essence, ils hésitent à faire le plein pour venir jusqu'au centre, explique Patrick Gruber. Ou alors, ils gardent leurs petits enfants pour permettre à leurs enfants de ne pas payer une nounou."

"Dans le Bas-Rhin, l'association a perdu 100 bénévoles cette année. L'inflation a des conséquences sur nous dans presque tous les domaines."

Patrick Gruber, président des Restos du cœur du Bas-Rhin

"On est fatigués"

Les bénévoles qui sont encore là ne se ménagent pas. Mais face à l'afflux de nouvelles personnes, faire de leur mieux ne suffit plus. "C’est difficile de devoir dire non, confie Sylvianne. Certains bénéficiaires vont se mettre en colère ou même nous jeter des légumes à la figure, on est fatigués." 

Il est à peine 13 heures et une dizaine de personnes font déjà la queue devant la porte pour la collecte de l'après-midi. Alors les bénévoles doivent se dépêcher, quitte à moins discuter. "Ça me fait mal au cœur quand une mamie veut me raconter quelque chose", raconte Ginette.

"Les gens n'ont pas seulement besoin de nourriture, ils ont aussi besoin d’écoute, de parler de leurs problèmes. Mais on n'a plus le temps."

Ginette, bénévole 

Pour soulager les 650 volontaires du Bas-Rhin, Patrick Gruber lance un appel à l'aide : "Cette situation n'est pas tenable humainement pour les bénévoles souvent épuisés." L'association enjoint tous les volontaires à venir s'engager aux Restos du cœur afin de renforcer les équipes. Les dons sont également bienvenus.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information