REPORTAGE. "Deux jours par an, les geeks et les cosplayers sont ici chez eux", à la Japan Addict de Strasbourg

Samedi 3 et dimanche 4 juin, a lieu à Strasbourg la désormais traditionnelle Japan Addict. Une manifestation rassemblant tous les fans de culture populaire japonaise et qui prend chaque année plus d'ampleur. Reportage sur cette planète étrange, mais sympathique.

Sous le soleil, une foule immense patiente aux portes du Zénith de Strasbourg. Pas besoin d'être un fin observateur pour comprendre que nous sommes dans l'antichambre d'un engin spatial en partance pour une planète lointaine. Mégara, Kérus ou Euphor. Les initiés comprendront. Et rien à voir avec la forme ovoïde de la salle de spectacle, non. Nous sommes aux portes de la Japan Addict. 

Pour preuve : là un Dark Vador ventru, ici un Link (Zelda) à la mèche plaquée, plus loin un Yoshi transpirant. Un cortège dense et jeune. Coloré et matinal. Certains se sont levés à 8h pour faire l'ouverture de ce festival consacré à la culture japonaise. "Je viens depuis trois ans, j'attends toujours ce moment avec impatience : on s'amuse, on trouve des trucs improbables à manger et l'ambiance est toujours folle" raconte Raider Shogun, chapeau de satin violet sur la tête.

Sa maman est venue accompagner l'adolescente et ses copines. Sandra sert de chauffeur et de chaperon, avec le sourire. "Je n'y connais rien, mais franchement, je suis déjà venue et ça vide la tête. On est dans un autre monde." Une autre planète, on vous dit.

Bienvenue sur Tatooine

Une fois les portes passées, sous la toile orangée du Zénith, on a l'impression de se trouver sur Tatooine (Star Wars). De drôles de créatures déambulent dans les allées, se mélangeant à des visiteurs presque normaux. Parmi elles, Scaramouche et un garde de Full Metal Alchimist, fanas de mangas et de jeux vidéos. "Ce que j'aime dans la culture japonaise, c'est la sérénité, le calme qu'elle dégage, le zen"  Avec 18.000 personnes attendues ce week-end, nos deux amis risquent d'être déçus. "Haha, c'est clair, mais on aime tout autant la J-Pop et les concours de cosplay"

Penché sur un stand, Arnaud farfouille frénétiquement des cartes. "Pas des cartes Pokémon, des cartes Yu-Gi-Oh." Le trentenaire en possède plus de 2000. "Ça me rappelle mon enfance, là, je cherche des cartes magiciens." Comprenne qui pourra, l'ingénieur de production est, lui aussi, dans son monde. 

Luna et Sean viennent de DC Comics et… de Belgique. Le Joker et Harley Quinn sont des mordus de cosplay. La preuve, ça saigne. "Le cosplay, c'est incarner un personnage qu'on aime beaucoup. Et le jouer à fond. Moi, c'est Harley Queen, la femme du Joker pour faire simple. Elle est folle, très folle. Je suis plutôt timide dans la vraie vie, mais là, je peux être une autre personne, un personnage, ça défoule."

Je suis plutôt timide dans la vraie vie, mais là, je peux être une autre personne, un personnage

Luna, cosplayeur

Son compagnon, lui, est comptable dans la vraie vie. Là, il fait peur. Sourire carnassier et cheveux verts, il en impose. "Moi, je fais pas mal de conventions. J'aime ça, tout simplement, depuis dix ans. J'ai sillonné toute l'Europe, on se retrouve à chaque rassemblement. C'est comme une grande famille." Un dur au cœur tendre ce Joker finalement.

Dépassé par son succès

Cette année, la Japan Addict rassemble 210 exposants. Art, jeux vidéos, costumes, cartes de collection, peluches, bijoux, serviettes de bain. Brodées de Pikachus ou de Totoro, elles sont ultra-douces, elles font un carton. "Je fais ça depuis dix ans dans mon atelier d'Epinal, ça marche bien, oui" raconte Lara Phénix qui s'appelle en fait Anaïs. Si mignonnes qu'on s'en voudrait presque de s'essuyer les fesses avec. "Ne vous inquiétez pas, elles tiennent très bien au lavage."

Plus pointu encore. Les ongles dessinés du visage de Naruto ou Hinata. Deux grandes figures de manga, miniaturisées pour l'occasion. "Je suis prothésiste ongulaire et fan de mangas, donc voilà, j'allie les deux." Il faut avoir de bons yeux, mais le résultat est surprenant. "Pour faire une prothèse comme celle-ci, c'est huit heures de travail. Il vaut mieux les commander en avance quoi ..." Oui décidément, ici les fans le sont jusqu'au bout des ongles.

Et ils sont de plus en plus nombreux. La Japan Addict fête cette année ses 19 ans et ne s'arrête pas de grandir. "On arrive à nos limites. Nous avons fait 18.000 entrées l'année dernière. Nombre limité pour des questions de sécurité. C'est bien parti pour réitérer cet exploit. Il y a huit ans, quand on s'est installé au Zénith, on s'est dit comment on va faire pour remplir tout ça ? Là, on se dit comment on va faire pour recevoir tout ça ? C'est énorme. C'est l'édition ultime. Là, le Zénith va craquer" s'enthousiasme Alexandre Bertrand, coordinateur de l'association Kakemono et organisateur de l'évènement.

 Il y a huit ans, quand on s'est installé au Zénith, on s'est dit comment on va faire pour remplir tout ça ? Là, on se dit comment on va faire pour recevoir tout ça ?

Alexandre Bertrand, association Kakemono

Avant de conclure sur cette phrase, un brin bravache "Tout au long de l'année, les geeks, les cosplayers, on est des extraterrestres. Là, on a deux jours où c'est nous qui sommes chez nous. Deux jours par an, on est des gens normaux". 

Club Dorothée

Lui, geek assumé à l'année, est tombé dans l'univers du manga via la téloche des années 1980. Comme beaucoup. Ulysse 31, Goldorak, Ken le Survivant. Ça vous parle ? Si oui, bienvenue au club… Dorothée. "Moi, quand j'étais gamin, les animés étaient assez décriés. Aujourd'hui c'est rentré dans la pop culture. Star Wars, Star Trek, la K-pop… On a gardé cet amour pour ces années-là et on l'a transmis. C'est nous parents qui amenons nos enfants." 

Et Alexandre ne croit pas si bien dire. Dans les allées, Marie, tee-Shirt rose bonbon floqué d'idéogrammes, traine son ado de fils. Littéralement. "Moi, depuis mes quatre ans, je suis amoureuse d'Albator, je voulais me marier avec lui. Là, j'ai 44 ans, et il ne se passe pas un soir sans que je regarde au moins un épisode de manga. Je suis sur One Piece actuellement. Ça doit être la nostalgie, oui. Donc aujourd'hui, je promène mon fils. Pour une fois, ça change."  À la mine de l'échalas, à ses côtés, il ne doit pas trop aimer ce changement. 

Tout cela pourrait prêter à sourire. Jusqu'à ce que je tombe nez à nez avec l'Inspecteur Gadget. Non que j'aie souhaité un jour me marier avec lui, faut pas exagérer, mais le détective, attachant et nullissime,  fait partie de ma mythologie infantile. En bonne place. Gyrophare vissé sur la tête, il me file le tournis. "J'ai fait le costume moi-même avec un gyrophare à piles que j'ai cousu dans un chapeau. Le tout en équilibre sur la tête. C'est comme les boutons du trench, je les ai tous recousu, un par un pour être au plus près du personnage" explique Manuel, 37 ans. Grands mômes que nous sommes.

Et à voir l'attroupement qu'il provoque, je ne suis pas la seule à connaître un certain émoi. "Et regarde, c'est le truc que regardent papa et maman" lance un ado de 13 ans, "on peut prendre une photo ?" 

La Japan Addict se poursuit dimanche 4 juin. L'année prochaine, pour ses vingt ans, changement de planète. Plus respirable. La manifestation s'installera au parc des expositions. Elle jouera dans la cour des grands.

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