Deux étudiants en architecture ont été distingués le 19 janvier lors du concours "Place au son" organisé par l’Unesco. Leur projet, présenté dans le cadre de la Semaine du son, consiste à réaménager la place Gisèle Halimi, à Strasbourg, en y incluant une chute d’eau souterraine.
La Semaine du son de l’Unesco, qui a pour objectif de sensibiliser la société à l'importance de la qualité de l’environnement sonore, a décerné, ce jeudi 19 janvier, les prix du concours international "Place au son". Parmi les lauréats de la 20ème édition, une équipe strasbourgeoise s’est hissée à la seconde place pour son projet de réaménagement de la place Gisèle Halimi à Strasbourg.
Cette année, le concours avait pour thème "l’eau comme bien commun à entendre". L’objectif, pour les participants, était d’imaginer les transformations d’une place publique en redonnant une plus grande présence à l’eau et son potentiel sonore. Ouverte aux étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, l’épreuve consistait à réaliser une vidéo de trois minutes sur l’ambiance sonore d’une place, puis de concevoir un environnement dans lequel l’acoustique est plus confortable que celui de la ville.
Robin Forest, étudiant en école d’architecture de Strasbourg, et Louis Bruno, déjà diplômé, ont décidé d’y participer. "Nous connaissions le concours depuis un moment, c’est assez commun d’y participer dans les écoles d’architecture", explique Robin. Mais c’est le thème de l’eau qui les a poussés à se lancer. "Les anciens thèmes du concours étaient plus compliqués à imaginer. L’eau ça nous parlait, on voyait comment mettre à profit nos compétences en architecture", précise Louis.
La place Gisèle Halimi réinventée
Au moment de l’annonce des lauréats, les futurs architectes ont du mal à y croire. "On ne s’y attendait pas du tout, on y a participé sans croire que nous gagnerions", explique Robin, "On a eu très peu de temps pour soumettre notre projet, mais ça fait plaisir d’être gratifié pour son travail".
Fins connaisseurs de la capitale alsacienne, Robin et Louis choisissent la place Gisèle Halimi, dans le quartier du tribunal, devant le palais de justice et l’église Saint-Pierre-le-Jeune. "C’est un endroit très peu exploité, excepté par les skateurs ", constate Robin. "Les passants ne s’y arrêtent jamais, ce n’est qu’un lieu de passage minéralisé. Nous voulions y apporter de la vie".
Ils se sont rendus sur la place pour y effectuer des photos et analyser le bruit urbain. "Nous avons enregistré l’environnement sonore durant plusieurs minutes, et c’est à ce moment que nous avons pris conscience des nombreux phénomènes sonores qui entourent la place, notamment le trafic automobile", indique Louis.
Une chute d’eau souterraine et piétonne
Baptisé "Ann eau", en référence à son aspect circulaire, le projet propose un véritable havre de paix souterrain. Dans leur vidéo de présentation, on aperçoit, au milieu de la place, un véritable miroir d’eau pouvant être relié par les piétons et skateurs. Deux tunnels permettent à ceux qui le souhaitent de pénétrer dans ce lieu sans nuisances sonores. Le premier se trouve au bord du canal du Faux-Remparts, le second directement sur la place.
Pour réaliser leur projet, Louis et Robin veulent utiliser des matériaux locaux. "Les tunnels et l’anneau seraient construits avec des pierres régionales, comme le grès rose et le calcaire oolithique", indiquent-ils, "Le passant n’entendra que la résonance de ses propres pas, les bruits de la ville seront masqués".
Le promeneur-auditeur fait varier le débit de la cascade et par la suite son intensité sonore
Robin et Louis, lauréats du prix "Place au son"
Ouvert sur l’extérieur, l’anneau souterrain est constitué d’arcs voûtés qui s’inspirent de la façon dont l’architecte Giuseppe Fallacara taille la pierre. Au milieu, les gouttes tombent sans discontinuer du plafond pour atteindre le miroir d’eau. Elles permettent ainsi de masquer l’écho urbain. "L’eau puisée du canal formera un cycle afin que nous ne consommions aucune eau potable", précise les deux étudiants. Les passants pourront aussi actionner une "vis" permettant de créer une immense chute d’eau. "En actionnant le dispositif, le promeneur-auditeur fait varier le débit de la cascade et par la suite son intensité sonore".
Ce bassin souterrain doit également permettre de rafraîchir une place peu végétalisée. "Les îlots de fraîcheur mis en place par la municipalité l’été dernier nous ont inspiré", explique Robin. Les futurs architectes n’ont, pour l’instant, pas soumis leur ingénieux projet à la mairie de Strasbourg, mais y réfléchissent. À l’heure où les métropoles tentent de rafraîchir leur centre-ville, l’initiative pourrait être la bienvenue.