En 2012, Strasbourg innove dans le domaine de la santé avec son programme de sport sur ordonnance pour, notamment, lutter contre l'obésité, le diabète ou l'hypertension. Depuis, 80 villes ont suivi, un décret a été signé au niveau national en 2016 et le projet s'est étoffé.
Le sport santé à Strasbourg fête ses 10 ans en cette fin d'année 2022, en même temps que se tiennent les 5es assises du même nom ce lundi 10 octobre au Palais de la musique et des congrès de Strasbourg. Médecins, diététiciens, enseignants, patients, venus de partout en France et même du Danemark, pays invité, tous réunis pour faire le point du sport santé sur ordonnance.
Mais au fait le sport santé sur ordonnance, c'est quoi? C'est de l'activité physique régulière, prescrite par un médecin, et donc prise en charge, pour les patients souffrant de maladies dites chroniques, type diabète, hypertension artérielle, obésité, cancers. Et cocorico, cette initiative est née à Strasbourg grâce à la volonté d'Alexandre Feltz, médecin et adjoint à la ville de Strasbourg, poste qu'il occupe toujours aujourd'hui.
"A l'époque, c'est vraiment la conjonction de mon activité médicale et de mon activité politique qui a permis la mise en place de ce dispositif". De plus en plus d'études démontraient en effet à quel point le sport était bénéfique.
Pour certaines pathologies, le sport est même plus efficace qu'un médicament!
Alexandre FeltzAdjoint à la ville de Strasbourg, en charge de la santé publique et environnementale
"Pour certaines pathologies, il est même plus efficace qu'un médicament, s'enthousiasme Alexandre Feltz. Par exemple, pour le diabète, 30 minutes d'équivalent marche par jour permet la diminution voire la suppression de la prise de médicaments". Pour le cancer du sein, l'activité physique divise par deux le risque de récidive.
Un dispositif gratuit un an durant
10 ans plus tard, 4.000 patients strasbourgeois ont pu bénéficier du sport santé sur ordonnance, quasi tous les médecins de la capitale alsacienne participent. Et pas seulement les généralistes. Un dispositif plus que jamais d'actualité avec la crise du covid.
"La sédentarité physique s'est aggravée, et avec elle l'augmentation du nombre de cas d'obésité et de diabète", regrette Alexandre Feltz. 800 personnes par an sont suivies via sport santé sur ordonnance chaque année, un chiffre en constante augmentation.
Et d'ailleurs, comment ça marche? Un médecin prescrit des séances à un patient qui est ensuite pris en charge par l'équipe sport santé de la ville : un éducateur oriente notamment la personne vers l'activité physique qui lui conviendra le mieux. Un dispositif gratuit un an durant, une participation financière peut ensuite être demandée en fonction du coefficient familial.
Un dispositif qui a un coût : 615.000 euros par an de budget, financé à 50% par la ville, aidée désormais par l'ARS Grand Est, et même par la CPAM du Bas-Rhin depuis la semaine dernière à hauteur de 10.000 euros. "C'est une bonne nouvelle se réjouit, Alexandre Feltz, mais il y a encore beaucoup à faire notamment au niveau de l'égalité des territoires, ce n'est pas normal que ce qui est remboursé à Strasbourg ne le soit pas dans la Loire par exemple."
Champ de compétence élargi
La législation nationale a dû mal à suivre en effet. Un décret a bien été signé fin 2016 permettant aux médecins de prescrire des activités physiques mais il reste flou quant au remboursement. Certaines mutuelles peuvent jouer le jeu mais ce n'est pas toujours le cas, certaines collectivités aussi donc, comme Strasbourg.
Strasbourg qui a d'ailleurs élargi son champ de compétence puisque le sport santé sur ordonnance s'adresse aussi aux personnes souffrant de troubles psychiatriques depuis novembre 2020. Et depuis le printemps dernier aux femmes enceintes et aux jeunes mamans. En effet, celles-ci arrêtent généralement toute activité alors qu'il est recommandé de bouger environ 150 minutes par semaine quand on attend un enfant.
Enfin en 2014 la capitale européenne a développé un programme parallèle baptisé PRECCOSS, à destination des enfants qui souffrent de surpoids et âgés de 3 à 18 ans. Là aussi, les enfants sont pris en charge par l'équipe dédiée à ce programme et suivent des activités physiques encadrées. Ils sont également suivis par un ou une nutritionniste.
Marie Druart, suit des enfants dans le cadre de PRECCOSS depuis quatre ans maintenant. "L'objectif, ce n'est pas que ces enfants perdent du poids, parce qu'ils sont en pleine croissance, mais plutôt qu'ils stabilisent leur IMC (indice de masse corporelle, NDLR) et surtout qu'ils améliorent leur rapport à la nourriture".
C'est vraiment valorisant de se sentir utile
Marie Druartdiététicienne
Cette diététicienne est arrivée dans le programme par hasard suite à une reconversion mais reste par choix, "c'est vraiment valorisant de se sentir utile, on a beaucoup de liberté et en même temps on a l'impression de vraiment aider les gens". Les chiffres sont parlants : 80% des enfants suivis ont vu leur IMC stabiliser voire baisser.
Un suivi sur un an renouvelable et qui passe par des séances de consultation, de sport mais aussi par des ateliers cuisine. "Ce sont des vrais moments conviviaux avec les familles, on redonne du sens à l'acte de manger, on plante des petites graines", explique Marie Druart avec une grande conviction.
1.000 enfants ont ainsi bénéficié du programme PRECCOSS pour un budget global de 459.000 euros. Un programme strasbourgeois qui gagnerait là encore à être étendu à tout le territoire. "Là, on attend avec impatience le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale et des annonces qui vont dans ce sens", ajoute Alexandre Feltz.
En attendant, Strasbourg continue d'avancer avec l'inauguration prévue en 2023 d'une aile dédiée au sport santé au sein des bains municipaux. Six millions d'euros pour cette maison de santé flambant neuve.