Strasbourg : cinq morts dans l'incendie d'un immeuble, deux suspects libérés, la piste criminelle privilégiée

Cinq personnes ont été tuées et sept autres blessées dans l'incendie d'un immeuble à Strasbourg (Bas-Rhin). Il a eu lieu dans la nuit du mercredi 26 au jeudi 27 février. Deux hommes placés en garde à vue jeudi ont été relâchés ce vendredi 28 février.

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Le bilan est lourd. Cinq personnes sont mortes, sept autres blessées, dans un incendie qui a touché un immeuble à Strasbourg (Bas-Rhin). Il s'agit d'un immeuble de sept étages (et dont le rez-de-chaussée accueille une agence bancaire) situé au 22 rue de Barr, dans le quartier de la gare. Le sinistre a eu lieu dans la nuit du mercredi 26 au jeudi 27 février 2020.

Deux personnes ont été interpellées au cours de la nuit, a communiqué le parquet de Strasbourg dans la soirée de jeudi. Elles ont été placées en garde à vue pour "destruction de biens par moyen dangereux pour les personnes ayant entraîné la mort".  Yolande renzi, procureure de Strasbourg, écarte l'hypothèse d'une défaillance électrique, "aucun désordre électrique n'ayant été mis en évidence" par les premières expertises. Une seconde expertise a été menée et privilégie la piste criminelle.
 

Deux hommes remis en liberté

Ces gardes à vue ont été prolongées le vendredi 28 février avant d'être levées le même jour. "L'enquête en flagrance a été clôturée ce jour", indique la procureure. "Les deux hommes gardés à vue ont été remis en liberté faute d'indices graves ou concordant suffisants justifiant en l'état leur défèrement". La procureure précise qu'une ouverture d'information sera requise dans la soirée et confiée à deux magistrats instructeurs qui seront saisis du chef criminel de destructions, de dégradations volontaires des biens d'aurui par l'effet d'un incendie ou tout autre moyen dangereux pour les personnes avec cette circonsatnce que le faits ont entraîné la mort de cinq personnes et entraîné des incapacités totales de travail supérieures à 8 jours sur d'autres victimes. Les investigations se poursuivront sur commission rogatoire, conclut le communiqué du parquet.
 

Dramatique incendie

Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Bas-Rhin a été appelé à 1h16 "pour un dégagement de fumée dans une cage d'escalier". Le dispositif déployé sur place incluait 48 pompiers et 23 véhicules. L'incendie a été rapidement maîtrisé, et de nombreux sauvetages ont eu lieu (voir tweet ci-dessous).
 

Dominique Schuffenecker, le directeur de cabinet de la préfète, a confirmé la mort des cinq personnes. Il s'agit de deux hommes âgés d'une trentaine d'année, d'un troisième homme de 45 ans, d'une jeune femme de 25 ans, et une seconde d'environ 70 ans.


Un immeuble salubre

D'après un pompier sur place, c'est l'important dégagement de fumée qui a tué les cinq victimes. Certaines habitaient au dernier étage. Les flammes, elles, avaient été éteintes rapidement par les pompiers. Angélique Étienne, voisine de l'immeuble, et par ailleurs correspondante de France 2 à Strasbourg témoigne : "Il était 1h30 lorsque j’ai été réveillée par les cris d’une voisine qui menaçait de se jeter par la fenêtre. Depuis mon balcon, j’ai vu les pompiers évacuer peu à peu les habitants." (voir tweet ci-dessous)
 

"Vivant pour la plupart seules, ces personnes sont mortes sur le coup. Elles ont été surprises par la fumée qui s'est propagée dans la cage d'escalier, et l'intensité de la chaleur. Elle était telle que les pompiers nous ont dit que les murs fondaient littéralement", a expliqué Dominique Schuffenecker, ajoutant que "l'immeuble des années 70 n'est ni insalubre, ni vétuste".
 
Yves Reutenauer, le gestionnaire de copropriété de l'immeuble, a confirmé que l'immeuble n'était pas insalubre (voir sa position sur la carte ci-dessous). Il est divisé en 44 appartements ("majoritairement des studios et des deux pièces"), et abrite des personnes âgées "vivant ici depuis toujours" ainsi que "des collocataires et des jeunes couples". C'est pourquoi les victimes sont âgées de 25 à 70 ans.
 
"Les travaux pourraient prendre plusieurs mois : il n'y a plus d'ascenseur, il n'y a plus rien. À l'intérieur, c'est calciné, c'est noir" ajoute Yves Reutenauer. "Par chance, on avait un système de vidéo : on va peut-être pouvoir savoir ce qu'il s'est passé."
 
Il ignore la cause. "Mais l'acte criminel me semble très plausible. Il y avait de la vidéo-surveillance à cause du squat. Et pas que du squat. Des trafics aussi. Mais j'en dirai pas plus, ce sera pour la police"
 
 

L'inquiétude des proches, un lieu pour les accueillir

Pendant la matinée, plusieurs personnes étaient en quête de nouvelles de leurs proches. Un homme attendait au pied de l'immeuble, à la recherche de sa maman qui n'a pas de téléphone. Une femme, juste à côté, expliquait ne plus parvenir à joindre son ami.

Venu avec le maire Roland Ries et du premier adjoint Alain Fontanel, l'adjoint du quartier Gare Paul Meyer était présent sur place pour assister les personnes en détresse. Il a expliqué qu'il ferait remonter toutes leurs sollicitations, et déclaré : "N'allez pas voir les habitants abrités au gymnase. Ils sont actuellement pris en charge psychologiquement et médicalement. Je sais que c'est difficile de ne pas avoir de leurs nouvelles. On va commencer à prévenir les proches des victimes."
 

Paul Meyer a fait savoir que la Ville avait fourni à la préfecture des bureaux dans le bâtiment abritant l'ancienne mairie de quartier, située au 31 rue Kageneck (voir sur la carte ci-dessous). Ces bureaux doivent accueillir une cellule de soutien aux victimes, à leurs proches, ainsi qu'aux voisines et voisins de l'immeuble sinistré.

"Il faut qu'on puisse asseoir les gens au chaud, les éloigner de l'odeur de brûlé qu'on sent dans cette rue. On va constituer un accueil là-bas", a ajouté l'adjoint au quartier Gare. Les habitantes et habitants de l'immeuble pourront se rendre au deuxième étage du bâtiment. Tout comme les personnes cherchant des nouvelles de leurs proches. Un accompagnement administratif, social, et surtout psychologique leur sera dispensé. La police sera aussi présente sur place pour enregistrer leurs témoignages.
 

 

Un problème électrique a priori écarté par la justice 

Les causes de l'incendie sont pour le moment inconnues. Le maire de Strasbourg a rapidement évoqué que deux gardes à vue étaient en cours, bien qu'il ne penche pas pour "un acte criminel, mais rien n'est exclu". De nombreux témoignages font état d'un problème d'origine électrique, citant "qu'il n'y avait plus de courant".

Claude, habitant au dernier étage de l'immeuble, cite par exemple "comme une odeur électrique". Il raconte : "Quelqu'un a crié dans le couloir. J'ai ouvert la porte, et j'ai senti une chaleur qui venait vers moi avec la fumée. Alors j'ai tout de suite claqué la porte. J'ai ouvert la fenêtre, et c'était pire. La fumée rentrait, ça sentait comme un truc électrique. On aurait dit des gaines d'électricité qui avaient cramé."
 

On aurait dit des gaines d'électricité qui avaient cramé
- Claude, un habitant de l'immeuble


Claude poursuit son récit : "J'ai crié une fois au secours. Parce que les pompiers étaient en bas. Je ne savais pas s'ils m'entendaient ou pas. J'avais une lampe-torche avec laquelle je leur ai fait des signes. La nacelle était en haut, elle m'a vu. [Le pompier] a dit 'on revient', car c'était déjà plein. Je suis resté à la fenêtre, j'ai attendu que la nacelle revienne. Je suis descendu avec."

"Je ne sais pas qui est mort,
déclare-t-il avec amertume. Car on a pas les noms de ceux qui sont morts. Mais de toute façon, même avec les noms, je ne suis pas sûr de les connaître."

Mais selon un communiqué, publié peu après 19 heures par la procureure de la République, "les premières observations tendent à écarter l'hypothèse d'une simple défaillance électrique [...] aucun désordre électrique n'ayant été mis en évidence" par les premières investigations des experts. Le parquet a par ailleurs confirmé l'interpellation au cours de la nuit et la garde à vue de deux individus, "du chef de destruction de biens par moyen dangereux pour les personnes ayant entraîné la mort". La garde à vue a été prolongée le vendredi 28 février, et la piste criminelle officiellement privilégiée.
 


L'agence du Crédit mutuel située au rez-de-chaussée de l'immeuble n'a pas ouvert. Le courant n'y fonctionnant plus, du personnel de la banque a installé un générateur électrique dans le hall. Un fourgon de convoi de fonds était garé devant l'entrée de la banque en fin de matinée.

À midi, un responsable de l'agence avait scotché à la porte une affiche indiquant la fermeture de l'agence "pour une durée indéterminée".
 


Hébergement assuré par la municipalité

Paul Meyer a prévenu que "personne ne peut rentrer dans l'immeuble pour le moment. C'est à cause de l'enquête de police." Interrogé, le policier en civil montant la garde devant le hall d'entrée carbonisé a expliqué que "les constatations devraient durer jusqu'en fin d'après-midi ou jusqu'à demain matin". C'est à la procureure d'autoriser (ou non) les habitantes et habitants à regagner leur logis. S'il n'est plus possible d'y habiter, l'entrée sera condamnée et des travaux auront lieu. Dans tous les cas, les personnes vivant dans l'immeuble auront le droit de venir récupérer des affaires. 

Immédiatement après l'incendie, la municipalité a réagi en ouvrant "un gymnase" pendant la nuit pour accueillir les habitantes et habitants. Neuf personnes seront relogées. 
 

Le maire de Strasbourg s'est rendu sur les lieux dans la matinée. À 9h30, il s'entretenait avec les habitantes et habitants de l'immeuble. Le gymnase occupé est le centre sportif ouest, dans le quartier de Koenigshoffen.
 
Il était ensuite sur les lieux de l'incendie à 10h30 et a fait part de sa "très vive émotion". Il n'a pas eu le droit de rentrer dans l'immeuble.
 
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