Un chef d'entreprise veut organiser un forum des peuples racines à Strasbourg les 11 et 12 mai. La cagnotte participative qu'il avait lancée pour financer une partie des coûts a atteint son objectif.
Sa vie a changé après avoir reçu une poignée de plumes de toucan offertes par une tribu (les Kichwas de Sarayaku, qui plantent des arbres à fleurs autour de leur village pour empêcher les forages pétroliers). Philippe Studer, un chef d'entreprise de marketing, a vécu avec eux: il est devenu leur "petit frère". "J'ai vécu un retour à l'essentiel total", explique-t-il sur son site Internet. Philippe Studer souhaite organiser à Strasbourg du 11 au 12 mai 2019 un "forum des peuples racines". Son association, Ligne verte, s'est donnée une vocation humanitaire. Son but: la "sauvegarde des savoirs ancestraux" dont les peuples racines sont dépositaires. On lui doit par exemple la construction d'une école de médecine traditionnelle à destination d'enfants Amchis, une tribu népalaise.
Les peuples racines, plus connus sous le terme de peuples autochtones, représentent 3% de la population mondiale, d'après Philippe Studer. Ces peuples ont conservé leurs traditions vieilles de plusieurs millénaires, malgré la colonisation de leurs territoires par les puissances occidentales. Il prend l'exemple du développement durable: "cette notion est une aberration pour ces peuples", puis qu'il est naturel pour eux d'exploiter les ressources naturelles de manière raisonnable pour éviter leur épuisement. Rencontrer ces peuples permettrait "d'avoir un autre regard sur le monde, de faire ensemble différemment, de dialoguer d'égal à égal", mais sans plagier leur culture pour autant.
Philippe Studer compte inviter trois représentants des:
- Lobas, au Népal, renommés pour leur médecine naturelle et ancestrale: la construction d'une école permettra de la perpétuer
- Masaaïs, au Kenya et en Tanzanie, qui se déplacent constamment de territoire en territoire afin de ne pas épuiser les ressources naturelles: là aussi, la construction d'une école est envisagée pour que ne cesse pas la transmission des valeurs ancestrales entre anciennes et nouvelles générations
- Mayas, au Mexique, demeurant le plus important peuple indigène d'Amérique centrale en terme de population: l'association souhaite financer la construction d'un musée pour abriter les "trésors" recueillis par ce peuple
- Navajos, dans le sud-ouest des États-Unis (principalement Arizona), dont la langue ancienne a été utilisée au cours de la Seconde Guerre mondiale au profit du contre-espionnage américain (le Japon ne pouvait pas briser le code basé sur la langue navajo): le financement de méthodes d'agro-agriculture, dans le respect des valeurs navajos, est prévu
- Tapirapés, au Brésil, qui bâtissent de grandes "maisons des Hommes" où se regroupe la population pour discuter de l'avenir de la communauté: un musée est également envisagé pour abriter la littérature et les artefacts de cette tribu
On enlève les chaussures
La semaine précédant le forum, ces peuples feront des interventions dans les écoles, mais aussi des formations (rémunérées, à leur profit) auprès de cadres pour adapter les modes de société de ces peuples à la vie en entreprise. C'est d'ailleurs ce qu'a fait Philippe Studer, "étouffé" par sa vie professionnelle et parti pour un tour du monde d'un an qui lui a fait rencontrer de nombreux peuples premiers. À son retour, il a émis le souhait de transformer le fonctionnement de l'entreprise qu'il avait confondée vingt ans plus tôt: "ce sont d'autres modes de vie", explique-t-il. Mais il prend soin de préciser: "On ne les idéalise pas."Et ça s'est fait: maintenant, dans son entreprise, lors de la réunion du matin, on prend son temps pour échanger, sans chaussures, sans téléphone, et sans nuisances sonores. Les décisions se font dans la concertation, et même "à l'unanimité". Ce sont ces peuples qui ont appris à Philippe Studer à "gouverner autrement".