Ce mercredi 10 février, l'institut d'études politiques (IEP) de Strasbourg (Bas-Rhin) a révélé avoir averti la procureure de faits de violences sexuelles au sein de l'établissement. Sur les réseaux sociaux, des témoignages issus de tous les IEP français affluent sous le hashtag #SciencesPorcs.
Il y a eu #MeToo, #BalanceTonPorc et #MeTooGay (le créateur de ce dernier hashtag - ou mot-dièse - vient de se suicider). Maintenant, c'est #SciencesPorcs qui se répand, avec à la clé des dizaines de témoignages provenant de tous les instituts d'études politiques (IEP) français.
À Strasbourg (Bas-Rhin), son directeur depuis septembre 2020, Jean-Philippe Heurtin, a réagi et averti la procureure de la République. "On ne défend pas les violeurs dans cette maison; au contraire, nous sommes du côté des victimes." Cette lutte contre toute impunité a été communiquée ce mercredi 10 février 2021.
D'autres témoignages sont collectés par l'association Ru'elles, afin que ces agissements ne soient pas passés sous silence. Sa présidente, Tiphany Hue, conseille de "continuer à libérer la parole, car dès qu'une victime parle, les autres se mettent aussi à le faire". Une étudiante a accepté de témoigner auprès de France 3 Alsace au sujet de la "culture du viol" qui règne dans les IEP.
Que vient-il de se passer ?
"Beaucoup de témoignages de viols et d'agressions sexuelles ont été donnés. On a plusieurs échos vis-à-vis de l'administration, qui n'aurait pas été hyper réactive. On a aussi des évènements créant les conditions propices à ces actes. Le week-end d'intégration et ses soirées très alcoolisées, par exemple. Là, on a peu de mesures prises pour protéger des victimes potentielles. On a aussi des concours de Miss Sciences Po, avec des pratiques dégradantes. Ce sont des jeux de pouvoir entre des premières années assez innocentes, pas au courant, et des associatifs plus âgés qui ne savent pas les protéger."
Quel genre de pratiques ?
"Par exemple, lécher de l'alcool dans le nombril d'hommes, à moitié dénudés, alors que ces femmes ne sont pas dans des positions très... avantageuses. On assiste à des attouchements, on entend parler de 'dérapages' ou de 'forçeurs'... J'ai vu ça lors de mon week-end d'intégration, lors de ma première année, sans sécurité : il y avait la Croix-Rouge, mais moins d'agents de police que lors des galas, par exemple."
Vous avez eu d'autres échos ?
"J'ai aussi entendu parler de concours de twerk, de 'qui est la plus bonne meuf'... sans jamais d'équivalent pour les hommes. On a des discours des encadrants dans nos IEP, que l'on a réussi, on est l'élite de la nation... Je pense que chez certains garçons, élevés dans des milieux très aisés, ça peut créer les conditions de l'impunité."
Qu'est-ce qui devrait être fait ?
"Il y a des campagnes de prévention avant, où on explique ce que c'est que le consentement... Mais je pense qu'il faut passer au-delà, beaucoup plus loin. J'ose espérer que les jeunes adultes à Sciences Po savent ce que c'est, le consentement..."
Il y a beaucoup de témoignages : qu'en pensez-vous ?
"Je ne suis pas surprise. Cette culture du viol, car je l'appelle clairement comme ça, est présente à Sciences Po. Il s'agit d'impunité : tout le monde le sait plus ou moins, connait certains noms, et pourtant rien ne se passe. Il y a des exemples de filles qui sont allées témoigner... à qui on a proposé d'aller voir un psy. Ou plus grave, demandé de ne pas foutre en l'air la carrière d'un étudiant."
Des témoignages issus des IEP de Grenoble (Isère), Toulouse (Haute-Garonne), et Bordeaux (Gironde) ont également été médiatisés.