L'ancien directeur de la Maison des associations à Strasbourg, Patrick Gerber, doit comparaître mardi 12 novembre à 8h30 devant le tribunal correctionnel pour "comportements à connotation sexuelle ou sexiste". Deux employées et une stagiaire avaient porté plainte en mai 2018.
C'est un long combat qui est porté devant la justice à Strasbourg, ce mardi 12 novembre 2019, par trois femmes. Deux employées et une stagiaire que nous appellerons Nathalie, Isabelle et Louise. De propos en gestes déplacés de la part de leur supérieur hiérarchique, peu à peu, elles ont développé des stratégies d'évitement : ne plus porter de jupe, proscrire les décolletés, éviter de prendre l'ascenseur avec lui. Une dérive insidieuse, avant de finalement mettre des mots sur cette situation : harcèlement sexuel.
Un blâme.... Et une confiance renouvelée
En juillet 2018, elles alertent l'administration et une enquête interne est ouverte. Patrick Gerber écope d'un blâme mais il est reconduit dans ses fonctions et le conseil d'administration présidé par l'adjoint au maire Mathieu Cahn lui renouvelle sa confiance. Selon les administrateurs, le harcèlement n'est pas caractérisé, il s'agirait tout au plus de propos maladroits.
L'inspection du travail ainsi que la médecine du travail sont saisies, en vain. Patrick Gerber lui s'estime blanchi. Isabelle, Louise et Nathalie décident alors de porter plainte. Patrick Gerber est auditionné par la brigade des moeurs, et placé en garde à vue. Il est par ailleurs relevé de ses fonctions à la direction de la Maison des associations.
Parole contre parole
Le harcèlement sexuel est un délit pénal, sanctionné d'une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Mais il est difficile à prouver. Sollicité, le Centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF 67) a été sans équivoque : "C'est clairement votre parole contre la sienne, vous allez y laisser des plumes."Selon une enquête menée par le défenseur des droits en 2015, une femme sur cinq est victime au cours de sa vie professionnelle de harcèlement sexuel au travail. Seules 5 % d’entre elles portent plainte, et parmi elles, près de la moitié estime que l’affaire s’est achevée à leur détriment (non-renouvellement de contrat, placardisation, blocage dans la carrière, etc.).
C'est justement pour dénoncer cela qu'un collectif s'est créé à Strasbourg : Entendre, Croire, Agir se présente comme une association féministe de lutte contre le harcèlement sexuel au travail. Les militantes seront devant le tribunal de grande instance de Strasbourg dès 8 heures ce mardi pour soutenir les plaignantes. Pour elles, ce procès doit avoir valeur d'exemple, dans un contexte où ces comportements sont trop souvent minimisés, et la parole des victimes déconsidérée.