Strasbourg : Lilian, 15 ans, blessé au visage en marge d'une manifestation n'a toujours pas retrouvé une vie normale

Le 12 janvier 2019, Lilian était au centre-ville de Strasbourg pour faire du shopping lorsqu'il a eu la mâchoire "broyée" probablement par un tir de lanceur de balles de défense (LBD). L'enquête le confirmera, elle a été confiée à l'IGPN. Le lycéen, lui, n'a toujours pas repris sa vie normale.

Quarante-quatre jours se sont écoulés depuis ce samedi 12 janvier, et Lilian ne peut toujours pas sortir de chez lui. "Nous avons vu le chirurgien le 18 février, et il nous a dit que les dégâts sont vraiment très importants, explique la maman de l'adolescent. Il a la mâchoire broyée, ce sont ses termes. Il faudra attendre six semaines de plus avant de refaire un nouveau point. Pour l'instant, il garde des broches, il ne peut pas retourner à l'école, ni même sortir de la maison, pour ne pas risquer d'infection."

Il s'inquiète de perdre une année


Le jeune garçon avait subi une opération de six heures après avoir été touché par ce qui pourrait être un tir de LBD, lanceur de balles de défense. L'enquête devra le confirmer, elle a été confiée à l'IGPN, l'inspection générale de la police nationale. Lilian se trouvait à proximité du centre commercial des Halles, avec sa veste toute neuve qu'il venait d'acheter, lorsqu'il a croisé gilets jaunes et forces de l'ordre, en plein face-à-face de l'acte IX de la mobilisation. Il en a été une victime collatérale, clamant tout de suite qu'il n'avait rien à voir avec les manifestants.
 
Le moral de la maman et de son fils fluctue. Au gré des soins, de l'inquiétude quant à l'année scolaire qui s'écoule sans lui, et des avancées de l'enquête. Sur ce point, Flaure Diessé se sent écoutée. "Je suis en relation avec le commissaire divisionnaire de l'IGPN, qui me tient au courant directement. Normalement, l'enquête préliminaire devrait être bouclée fin mars, début avril". Un délai normal pour ce type d'enquête, interne à la police, confirme l'avocat de la famille, Nicolas Clausmann. "Une fois que l'enquête sera bouclée, nous pourrons décider devant quelle juridiction porter l'affaire : si l'on estime qu'il y a faute pénale d'un membre des forces en particulier, nous porterons l'affaire au pénal. Si c'est la défaillance d'un service, d'une procédure, c'est le tribunal administratif qui tranchera, dans le cadre d'une demande de dédommagements."

Je me sens seule seule sur le plan financier et administratif


Il faudra alors pouvoir estimer le préjudice subi par le jeune garçon. Et il est grand, si l'on écoute sa maman. "C'est très difficile pour lui de rester à la maison. Ses amis viennent, mais il se sent seul. Il aimerait retourner à l'école, c'est très important pour lui, pour son moral. Il s'inquiète de perdre une année." Ce lundi, pour la rentrée après les vacances de février pour laquelle il espérait être remis, elle a pris rendez-vous au lycée Pasteur, pour organiser le rattrapage des cours. Lilian est élève en classe de seconde, elle essaye de le "mettre au travail tous les matins". Mais envisage, pour l'épauler, de lui faire donner des cours de soutien.

"Financièrement, c'est très dur. Le kiné, l'hôpital, éventuellement le recours à un répétiteur pour l'école... Moi, je suis actuellement en formation, je n'ai donc plus d'emploi, et plus de mutuelle. Il faut avancer des frais, sans cesse. Je me sens seule, sur le plan financier et administratif, c'est dur."

La prochaine étape pour lui sera donc d'enlever ses broches, il lui faudra alors repasser sur la table d'opération. Il espère ensuite retourner rapidement au lycée, avant que l'année se finisse sans lui. D'ici là, l'enquête de l'IGPN devrait avoir livré ses premières conclusions, l'affaire pourra avancer sur le plan judiciaire. L'espoir d'un printemps plus souriant après ce triste hiver qui a vu basculer la vie d'un garçon de 15 ans. 

 
Des professeurs de son lycée solidaires
Lilian est élève en classe de seconde au lycée Pasteur de Strasbourg. Suite aux évènements du 12 janvier, certains professeurs de l'établissement ont tenu à faire part de leur "indignation et profonde inquiétude face au tir de LBD". Leur communiqué apporte leur soutien à leur élève et sa famille et revient plus largement sur "cet usage hasardeux et disproportionné de la force (qui leur) rappelle la répression inopportune et excessive subie par les lycéens de Strasbourg, dont certains de (leurs) élèves, avant les vacances de Noël."

"Nous souhaitons que le droit impose que l'emploi de la force soit "absolument  nécessaire" et "proportionné au trouble à faire cesser", et posons cette question : quels troubles sont assez graves pour qu'il soit absolument nécessaire et proportionné de faire usage d'une arme qui blesse et mutile?"

Et les enseignants de conclure : "la première compétence exigé des personnels de l'éducation est de "faire partager les valeurs de la République". Parmi elles, l'expression pluraliste des opinions est garantie par l'article 4 de la Constitution. (...) Comment transmettre ces valeurs et encourager la jeunesse à l'engagement civique si l'expression de leurs opinions s'accompagne d'une menace pour leur intégrité physique?"
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