Une nouvelle passe à poissons, plus facile à franchir pour eux, va être construite dans le quartier de la Petite-France à Strasbourg. Le responsable de la maîtrise d'ouvrage à Voies Navigables de France nous explique ce qui change.
Les barrages construits par l'homme sur les cours d'eau, constituent souvent des obstacles infranchissables pour les poissons dont le mode de vie et de reproduction est synonyme de migration. La meilleure façon de leur éviter de rester bloquer derrière ces murs, et d’y mourir, est de leur construire un endroit pour passer : une passe à poissons.
Le projet de modernisation de la passe à poissons, située à côté de l'ex ENA -Ecole nationale administration qui va devenir l'Institut du service public (ISP) -dans quartier de la Petite-France, date de plusieurs années. Mais modifier une passe à poissons en milieu urbain est compliqué, car l’espace y est limité et les contraintes nombreuses. "Les études qui ont amené à ce plan de construction ont démarré fin 2018" explique Olivier Christophe, responsable de l’unité opérationnelle de Strasbourg, à Voies Navigables de France " les travaux vont démarrer courant avril."
Les passes à poissons existent depuis les années 2000 sur le Rhin et sur l’Ill, la rivière qui traverse notamment la ville de Strasbourg. Les passes permettent de rétablir la circulation d’espèces qui avaient complètement disparues de nos rivières et fleuves à cause des barrages. Ainsi, deux des plus grandes passes à poissons d’Europe équipent les centrales hydrauliques d’Iffezheim et de Gambsheim sur le Rhin.
Il existe différents type de passes à poissons, détaillés sur le site de Saumon-Rhin, une association qui oeuvre pour la réintroduction du saumon depuis 1992. A chaque barrage, sa passe en quelque sorte. Il y a les passes à ralentisseurs de fond, des tapis à anguilles, des dispositifs d’ascenseurs et le plus couramment des passes à bassins successifs, fonctionnant sur le principe d’un escalier. A Strasbourg, les ingénieurs ont opté pour ce dernier modèle. Il sera composé de de neuf bassins successifs, séparés par huit petites chutes.
Pourquoi une nouvelle passe à poissons ?
"L'actuel ouvrage, situé au milieu du cours d'eau, date du début de ce type de constructions et correspond aux connaissances qu'on avait à l'époque" explique Olivier Christophe. "Nous savons aujourd'hui que la hauteur à franchir est trop importante pour les poissons. Cette passe est sélective, voire infranchissable pour les espèces comme les anguilles et brochets qui sont des poissons d’eaux calmes. Certains, plus solides y parviennent, mais dans tous les cas ce système les épuise et les affaiblit."
Avec ce nouveau modèle de passe à poissons, toutes les espèces pourront passer. "Cette conception a été éprouvée sur d’autres passes similaires" précise le responsable de la Maîtrise d’Ouvrage "Elle est basée sur des modèles mathématiques et numériques qui nous informent sur la vitesse des poissons, l'endroit de leur passage, ceux où ils se reposent..." Un écoulement plus faible permettra aux grands migrateurs comme l’anguille, le saumon, la lamproie marine ou la truite de mer, mais aussi aux migrateurs locaux comme le brochet, la truite fario ou encore l’ombre, de franchir plus aisément le barrage des Faux-Remparts.
La nouvelle passe sera quatre à 5 fois plus large qu'avant
Forcément, ce passage sur la rivière va empiéter sur l'espace prévu au passage d'éventuelles crues, mais après de savants calculs, il s'avère que c'est en rive gauche, contre le mur de l’ex-Ena, que cette passe aurait le moins d’impact sur des eaux gonflées par les orages. "Pour cette même raison, il n'y aura qu'une seule grande vanne, au lieu de plusieurs, ce qui garantit un status quo dans la gestion des crues en ville." précise Olivier Christophe.
L'ancien ouvrage sera détruit en accord avec l'architecte des bâtiments de France et des services techniques de la ville de Strasbourg. La nouvelle passe d'un montant d’un million d’euros, sera financée par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, la Région Grand Est et VNF. La continuité piscicole et écologique devrait ainsi être rétablie.
Les travaux sont programmés d'avril à novembre 2021. Des perturbations de la circulation sont à prévoir (parking du Quai Türckheim fermé) ainsi que du bruit, lié notamment à la destruction de l'ancienne passe et à l'excavation pour la nouvelle. Les travaux les plus perturbants pour la circulation sont programmés sur quatre nuits.