De sa naissance dans les années 1970 à sa fermeture ce dimanche, le parc animalier antibois a connu plusieurs vies. En 55 ans, il est passé d'un lieu d'expérimentations et de sensibilisation à une grosse machine à spectacles.
C'est le plouf de fin. Ce dimanche, le parc animalier d'Antibes (Alpes-Maritimes) Marineland va fermer. Une annonce faite en décembre par un communiqué de la direction espagnole, en conformité avec la loi qui interdit les spectacles de cétacés notamment. La fin d'une époque.
Revivez l'histoire de celui qui est devenu le plus grand zoo marin d'Europe à travers quatre dates-clefs.
1970 : du combat aérien au zoo marin
L'idée est née dans l'esprit libre d'un ancien pilote de chasse, ingénieur créateur de contenants en plastique et inventeur de la carrosserie de la Méhari. Roland de la Poype est, certes, compagnon de la Libération, pilote des forces aériennes libres, mais aussi passionné du monde marin.
Habitué de la Côte d'Azur, il lance l'idée de faire connaître au public des animaux qu'il n'a pas l'habitude de voir. C'est le début de Marineland. Les premiers dauphins, orques et phoques sont acheminés dans les bassins construits à 300m de la mer, dans laquelle l'eau est pompée et traitée.
Le public (...) a fait connaissance avec nos animaux (...). Ils sont très intelligents, intéressants et sympathiques.
Roland de la Poype, fondateur de MarinelandCôte d'Azur Actualités (1971)
Parallèlement, le tout nouveau directeur espère attirer des scientifiques pour étudier le comportement des mammifères marins, comme il le déclare en 1971 à notre caméra :
1980/1995 : agrandissements et diversification
Sur les 26 hectares de terrain, les touristes abondent. Jusqu'a trois millions de visiteurs par an.
Marineland accroît son offre de loisirs pour profiter de ce public familial en quête de distractions : c'est l'arrivée du centre aquatique "Aquasplash" et d'un minigolf.
Un public qui répond à l'appel de la mer en bassin. Il faut en construire un nouveau pour les "éléphants de mer" en 1982, puis deux bassins supplémentaires pour les trois orques en 1988. Les premières venues d'Angleterre et des États-Unis sont mortes en moins de trois ans. D'autres, capturées en Islande, leur succéderont. Même si des associations de protection des cétacés dénoncent ces pratiques et les décès des épaulards, le succès perdure.
En 1993, trois ans après les reproductions réussies en bassin des dauphins, le parc annonce la première naissance en captivité d'une orque.
En 1995, un tunnel de verre de 30 mètres sert d'aquarium pour des requins et des raies. 10 ans plus tard, une décision de justice pour non-conformité est prononcée. Le tunnel est toujours là aujourd'hui.
2015 : le début de la fin
Des pluies torrentielles et meurtrières s'abattent sur la Côte d'Azur et le Parc n'est pas épargné. Quelques jours après avoir annoncé que les cétacés avaient tous survécu, la direction communique sur la mort de Valentin, 19 ans, d'une "torsion intestinale".
Des journalistes du Point enquêtent et annoncent que le parc, contrairement à ses indications officielles, semble ne pas parvenir à assainir l'eau des bassins de manière suffisamment efficace. Surtout celui des orques, qui est constitué de 44 millions de litres, où la boue s'est infiltrée ! Les défenseurs des animaux accentuent leur combat et profitent de l'opacité qui accompagne cette période.
Dans le même temps, le parc, qui a été vendu en 2006 à un grand groupe espagnol Parques Réunidos – qui possède 5 autres parcs marins —, continue de se développer et construit un hôtel 3 étoiles pour accueillir les visiteurs.
Les associations de défense multiplient les manifestations devant les entrées du parc. Elles dénoncent une maltraitance pour ces animaux détenus en captivité alors qu'ils sont faits à l'origine pour vivre dans de grands espaces naturels. Pour ces défenseurs, l'argument de l'intérêt scientifique ne tient plus depuis longtemps et Marineland, classé parmi les plus grands sites touristiques de spectacles en France, n'est plus qu'une entreprise commerciale.
2021/2025 : Marineland va fermer
En novembre 2021, changement d'époque. La lutte contre la maltraitance animale s'invite dans les plus hautes sphères. En France, une loi va interdire les spectacles de cétacés entre autres et sceller le destin du parc Marineland, après 55 ans d'existence.
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Le public avait déjà commencé à se réduire. Les chiffres fournis par la communication de Marineland annoncent en 10 ans une perte de 70% de ses visiteurs. Ils étaient encore près d'1,2 million en 2015, ils ne sont plus que 490.000 dix ans plus tard.
Si l'entreprise avait encore quelques mois pour se préparer, elle a devancé l'appel et doit désormais gérer l'avenir des 103 salariés et des 4.000 animaux. L'hôtel et les attractions autres qu'animalières ne semblent pas menacés de fermeture.
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Les négociations sont en cours pour le personnel. Pour les deux orques encore vivantes, la bataille continue. Elles devaient être vendues au Japon, mais sont encore à Antibes.
Une fois encore, des actions en justice ont donné un sursis à ces animaux qui n'ont connu que les bassins de spectacles. Une expertise médicale doit déterminer leur état avant toute décision.
Le précédent gouvernement avait fait savoir qu'il n'approuvait pas un départ vers un pays où la réglementation était insuffisante pour garantir une fin de carrière acceptable.
La suite et la fin au prochain et dernier numéro.