Témoignages. Agression au couteau devant une école, "c'était important de retourner en classe dès aujourd'hui"

Publié le Mis à jour le Écrit par Sabine Pfeiffer

Ce 19 avril 2024 au matin, au lendemain de l’attaque au couteau envers deux fillettes de 6 et 11 ans, les enfants de l’école élémentaire de Souffelweyersheim près de laquelle l’agression s’est déroulée, sont revenus en classe. Mais devant l’école, l’ambiance était particulière.

Ce début de matinée semblait presque normal, devant l’école élémentaire Dannenberg de Souffelweyersheim (Eurométropole de Strasbourg). Avec des parents et des enfants qui se pressaient devant la grille, comme tous les jours.

Et pourtant, en ce matin gris et pluvieux, l’ambiance n’était pas tout à fait comme d’habitude. Des gendarmes, bien visibles, étaient postés aux abords de l’école au lendemain de l'agression au couteau. Deux enfants, des fillettes de 11 et 7 ans, ont été légèrement blessés jeudi 18 avril en début d'après-midi. Un homme a été interpellé. Une collégienne de 14 ans, victime d'un malaise cardiaque grave pendant le confinement de l'établissement, est morte.

Ce matin du 19 avril, sur l’ensemble des treize classes, il y avait sans doute un peu plus d’absents que d’ordinaire. Et, surtout, adultes comme enfants partageaient des sentiments ambivalents, entre craintes et envie d’aller de l’avant.     

"Hier, c'était un peu bizarre, mais aujourd’hui, je me sens bien, et je suis contente d’aller à l’école, confie une petite fille à notre équipe de reportage. Surtout que je sais qu’il ne va plus rien se passer."

Elle était forcément choquée, et nous également

Un parent d'élève

Mais l’un de ses copains est beaucoup plus mitigé. Le souvenir de la maîtresse qui, hier, les a confinés en classe, est encore tout frais : "Elle nous a dit de ne pas s’inquiéter, qu’on était en sécurité, et elle a fermé le verrou." Aujourd’hui, il aurait donc préféré ne pas revenir, par crainte de l’agresseur : "J’ai juste peur qu’il s’évade de prison avec ses propres moyens", lance-t-il.  

Certains parents, eux non plus, n’ont pas encore vraiment surmonté le traumatisme ressenti hier après-midi. "L’une des victimes avait l’âge de ma fille, alors bien sûr, on était inquiets, raconte la maman d’une fillette de 11 ans. J’ai essayé de rester calme, car comme j’étais au travail, je ne savais rien de ce qui se passait."

"On a été avertis par les réseaux sociaux, et par des amis qui sont tout près de l’école, ajoute un papa. On a quitté notre travail pour aller chercher notre fille (…) On a pu la récupérer vers 16h. Et on a essayé de faire comme si c’était normal, la soirée à la maison, pour préparer le repas et discuter avec notre enfant. Elle était forcément choquée, et nous également."

Tous les adultes interrogés disent avoir fait de leur mieux pour rassurer leur enfant, et répondre à ses interrogations. "On a eu un flyer avec plein de petits conseils, et je les ai appliqués, tout simplement, pour dédramatiser la situation, explique la maman d’un petit Paul. Quand on a appris que c’était un déséquilibré mental, c’était peut-être plus rassurant qu’un attentat à visée terroriste. Donc, je lui ai expliqué qu’on ne savait pas du tout ce qui s’était passé dans la tête de ce monsieur, qu’il fallait qu’il soit pris en charge, et qu’il ne reviendrait sûrement pas sur ce secteur avant longtemps, voire jamais."

"J’ai dit à ma fille que malheureusement, il y a des gens qui sont bien, et des gens qui font du mal, précise le père d’une fillette de CE1. C’était un message avec des petits mots simples, elle l’a bien reçu. Donc j’ai décidé de la ramener ce matin (…) Je pense que c’est la meilleure réponse face à ce genre d’acte, qui est absurde."

Plusieurs raisons pour revenir

Ramener les enfants à l’école dès le lendemain des événements, leur permettre de retrouver une forme de normalité le plus rapidement possible, était le choix de la majorité des parents.

"J’ai essayé de lui parler avec humour, pour la convaincre que tout ira bien, explique la mère de la fillette de 11 ans. Les enfants, aujourd’hui, ont besoin de rigoler, pas de pleurer." - "Il faut aller de l’avant. La peur, c’est une énergie qu’on n’aime pas", renchérit une autre maman.

"De prime abord, à chaud, je lui ai dit : Demain, tu ne vas pas à l’école ! raconte la mère de Paul. Mais après, en y réfléchissant, on s’est dit : On va voir les copains, la maîtresse. Et la cellule psychologique qui a été mise en place, ça va faire du bien."

Il faut aller de l’avant. La peur, c’est une énergie qu’on n’aime pas

La mère d'une élève

En effet, ce vendredi matin, les équipes de la cellule d'urgence médico-psychologique, activée aussitôt après l'agression, étaient évidemment sur place, dans l’enceinte de l'école. Leur présence a aussi convaincu cet autre papa. "Le directeur a pu nous prévenir qu’il y avait des psychologues pour pouvoir évoquer le sujet avec les enfants, raconte-t-il. On pensait donc que c’était important qu’elle puisse retourner à l’école dès aujourd’hui."

Pour lui, il y avait encore un autre argument, et de taille : garder sa fille à la maison en cette veille de congés scolaires risquait d’amplifier ses craintes. "C’est surtout pour éviter une appréhension, car comme ce soir, ce sont les vacances, elle ne serait pas allée à l’école pendant quinze jours, estime-t-il. Donc c’était important pour nous qu’elle puisse revenir sur place, avec ses copains." Et éviter de laisser le traumatisme s’installer durablement, au risque de rendre plus difficile la rentrée du 6 mai prochain.

À quoi sert la cellule d’urgence médico-psychologique

Le choc ressenti par les témoins, directs ou indirects, d’un événement de ce type, peut "réactiver une angoisse et potentiellement fabriquer un traumatisme" explique Dominique Mastelli, docteur en psychologie et responsable de la cellules d’urgence médico-psychologique du Bas-Rhin. C’est pour cela que ces cellules "interviennent sur place, dans la foulée du Samu, pour évaluer, prendre en charge les personnes, et les orienter vers des filières de soins."

À Souffelweyersheim, l’équipe sur place a constaté beaucoup d’angoisse. "Le traumatisme, c’est le fait que le stress, au-delà de l’événement, n’est pas géré et déborde, précise Dominique Mastelli. Le stress est une réaction naturelle chez les enfants. Ils ont peur pour se protéger du danger, ils se mettent à l’abri, et posent des questions."

Le rôle d’une cellule d’urgence médico-psychologique est donc aussi d’informer parents et enseignants "que les enfants auront peut-être des symptômes, qu’ils auront du mal à dormir, seront en retrait, exprimeront des choses par des dessins." Et de conseiller aux adultes "d’être à l’écoute des enfants, et de repérer les signes inquiétants qui, eux, nécessiteront une consultation pour prévenir un psychotrauma."

Le traumatisme, c’est le fait que le stress, au-delà de l’événement, n’est pas géré et déborde

Dominique Mastelli, responsable de la cellules d’urgence médico-psychologique du Bas-Rhin

Concernant les congés scolaires qui débutent ce soir, Dominique Mastelli estime qu’ "ils vont être propices si on ne reste pas sur cet événement." Raison pour laquelle il approuve la décision de l’Education nationale d’ouvrir l’école en début de semaine prochaine. Une décision "totalement adéquate" selon lui, "pour que ceux qui ont des difficultés à y revenir puissent le dire et être pris en charge." Mais aussi "pour pouvoir mieux digérer l’événement"  et permettre aux enfants de ressentir à nouveau leur école comme un environnement protecteur et bénéfique. Avant de profiter de vacances qui soient vraiment "d’authentiques vacances."

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