La députée EELV du Bas-Rhin, Sandra Regol, a déposé une proposition de loi visant à interdire en France l'importation et l'exportation de trophées de chasse d'animaux protégés. Le texte doit être examiné au parlement à partir du 29 janvier.
Pour la députée EELV bas-rhinoise Sandra Regol, il s'agit de bannir une pratique scandaleuse d'un autre temps. C'est du moins l'objectif de sa proposition de loi, cosignée par 26 députés de tout bord, visant à interdire l’importation et l’exportation de trophées de chasse d’une large partie des espèces protégées au niveau européen. Le texte doit être examiné au parlement de l'Assemblée Nationale à partir du 29 janvier 2024.
Cette pratique consiste à payer, parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros, le droit de tuer des animaux sauvages dans le but de s'approprier leur peau, leur tête ou toute autre partie de leur corps pour décorer l'intérieur d'une maison. Une tête de girafe, une peau de léopard ou une corne de rhinocéros font partie, parmi d'autres grands mammifères en voie de disparition, des trophées de chasse les plus prisés.
Outre qu'elle perpétue une forme de glorification de la chasse éthiquement condamnable pour l'élue écologiste, cette activité agit comme un accélérateur du déclin des espèces. Le rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) publié en 2019 évoque une nature qui décline de façon globale et à des rythmes sans précédent dans l’histoire humaine. "Si en plus, on chasse ces animaux dans le cadre d'une activité décorative, pour faire des photos publiées sur les réseaux sociaux, dans lesquelles on tient une énorme bête dans les bras, cela ne va pas aider à préserver le patrimoine de l'humanité", déplore Sandra Regol.
Le rôle de la France
La France serait l'un des principaux responsables de ce trafic, comme en témoigne la saisie de quatre cents crânes de singes à l'aéroport Charles de Gaulle il y a quelques mois. Sur la période 2014‑2018, le pays a importé 752 trophées de chasse d’espèces de mammifères en danger, selon le rapport de l’organisation de défense des animaux, Humane Society International, publié en 2021. À l'échelle de l'Union Européenne, deuxième importatrice de trophées de chasse au monde derrière les États‑Unis, cela représente 5% du total des importations.
"La France est la première importatrice européenne pour ce qui concerne les guépards", précise la députée. Une première place, aussi, pour les léopards et le lynx d'Eurasie. Elle est la seule, par ailleurs, à avoir importé des trophées de narvals et un trophée d’addax, pourtant en danger critique d’extinction. Durant la même période, le pays a exporté 137 trophées de chasse d'espèces de mammifères en danger, soit 19 % du total des exportations au niveau européen. Cela fait de la France le deuxième plus gros exportateur européen.
Ces chiffres montrent que la France joue un rôle non négligeable, parfois même de premier plan, en matière de chasse aux trophées. Pourtant, selon un sondage Ifop, cette proposition de loi est soutenue par une grande majorité de Français. En effet, 91% se déclarent en faveur d’une interdiction allant dans ce sens.
Vers l'abandon des trophées de chasse
Un premier pas a été franchi en juin 2023, lorsque Sandra Regol était parvenue à faire adopter à l’Assemblée et au Sénat un amendement visant à donner plus de moyens aux agents des douanes pour lutter contre l’importation de trophées de chasse illégaux. "Cet amendement vise à limiter l'importation des trophées de chasse d'animaux en voie de disparition ou en danger d'extinction, modification essentielle, mais qui ne sera effective que si on modifie en parallèle le Code de l'environnement", explique la députée.
Modifier le Code de l'environnement, c'est justement ce que prévoit cette nouvelle proposition législative, que les Pays-Bas et la Finlande ont déjà adoptée et que la Belgique s’apprête à faire. "Il est temps pour la France d’agir plus fermement pour la protection des espèces protégées, ce que nous proposons par ce texte". Un texte qui s'appuie sur l’article XIV de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). "Il s'agit d'un organisme chargé de réguler le marché et qui autorise un État à adopter des mesures plus strictes que celles prévues par le texte international".
La proposition de loi prévoit également d'interdire la publicité et la promotion de la chasse d'animaux en danger. Elle sera examinée en commission et en séance au parlement la semaine du 29 janvier.