Le théâtre alsacien a souffert de la crise du Covid. Certaines troupes ont définitivement baissé le rideau. Pourtant, celles qui perdurent attirent toujours les enfants. Chaque année, un festival en langue régionale met à l’honneur ces jeunes comédiens. La 22e édition a eu lieu le 21 mai dernier aux Tanzmatten de Sélestat.
Le constat est alarmant : depuis la crise du covid, 30 troupes de théâtre alsacien ont disparu. « Les comédiens se sentaient trop vieux pour remonter sur scène, ils avaient peur que le public ne soit plus au rendez-vous. Et c’est vrai, les spectateurs se déplacent moins », explique Brigitte Moog, la présidente du Groupement du Théâtre du Rhin, qui recense toutes les troupes de théâtre régional. Aujourd’hui, il en reste 200, surtout actives dans le Bas-Rhin.
Pour autant, les amoureux du théâtre alsacien veulent garder espoir. « Nous faisons tout pour attirer les jeunes, en mettant en place, par exemple, des cours d’alsacien en parallèle du théâtre », poursuit Brigitte Moog. Et le festival annuel de théâtre de jeunes, Festiv’Alsace, entame sa 22e édition aux Tanzmatten, à Sélestat. Avec 8 troupes au programme, venues d’Artzenheim, de Mussig, de Wolxheim, de Soufflenheim, de Waltenheim-Geispitzen, d’Eschau, de Dieffenbach au Val et même de Siersthal, en Moselle.
Sur scène, les enfants manient l’alsacien avec plaisir. Même si - on l’entend à leur accent - ils ne le parlent pas au quotidien. Cameron, 14 ans, de la troupe d’Artzenheim, interprète un supporter du Racing, dans un sketch mettant en scène des particularités alsaciennes. « Je comprends très bien le dialecte, d’ailleurs, c’est mon papy qui m’aide à apprendre mes textes ». Et c’est souvent le cas des jeunes comédiens.
L’essence du théâtre alsacien : faire rire
Mais ce défaut de maîtrise de la langue régionale n’affole pas Paul Sutter, le créateur de ce festival. « Germain Muller disait, Mïr sin d’letschte, nous sommes les derniers. Mais nous sommes toujours là ! Il y a des hauts et des bas dans la pratique de toute langue régionale. Il suffit que les gens fassent un peu plus de théâtre alsacien pour qu’ils aient envie de le parler davantage au quotidien. » Et le théâtre s’adapte aussi aux jeunes. Dans le sketch des Joyeux Vignerons de Wolxheim, les ados évoquent des youtubeuses, réalisent des chorégraphies sur des tubes récents.. avec un plaisir visible.
Et la salle rit. C’est un peu l’essence du théâtre alsacien : faire rire, pour que les spectateurs passent un bon moment et oublient leurs soucis. Les jeunes de Siersthal manient leur platt du pays de Bitche avec délectation. Louis, 13 ans, explique qu’il aime bien faire rire les personnes âgées dans les villages. « C’est bien de parler le platt, c’est plus facile que le français ou l’allemand, chacun parle comme il veut », explique Lucas, 14 ans. « - Wie gross bisch Dü? - Mit oder ohne Schuh ? » (- Quelle taille fais-tu ? - Avec, ou sans chaussures ?) En tout cas, les jeunes présents n’hésitent pas à chausser leurs baskets pour se rendre au théâtre. Et à aller même plus loin. L’an prochain, le Festiv’Alsace pourrait inclure aussi des troupes de Bâle et d’Offenbourg, dans leurs langues respectives.
