INSOLITE. Dans quelles communes de France vivent les Padadas, les Vautours, les Touilles ou les Gratte-Murgers ?

Pour désigner les habitants d'un lieu, on utilise un terme appelé "gentilé". En règle générale, beaucoup de communes de France en sont pourvues. Le nom est souvent construit de manière assez simple en se basant sur celui de la ville ou du village mais, parfois, l'histoire est passée par là et nous offre des mots étranges, cocasses voire mystérieux.

Si les habitants de Paris sont des Parisiens, si on rencontre des Marseillais à Marseille et des Strasbourgeois à Strasbourg, tout peut devenir beaucoup plus compliqué en matière de gentilé (terme désignant les habitants d'un lieu) au fur et à mesure qu’on s’éloigne des grands centres urbains. La règle veut que, dans la majorité des cas, on ajoute simplement un suffixe du type « ois », « ais » ou « ien » au radical, cependant, et c’est là tout le charme de la langue française, quelques exceptions viennent confirmer cette règle. « Généralement, on se fonde sur l'étymologie ou sur le nom », explique Jean-Pierre Colignon, auteur de différents ouvrages sur la langue française. Mais il reconnait que, parfois, des  « noms font appel à des termes un peu oubliés, c'est-à-dire à l’étymologie ».

Quand l’histoire s’en mêle…

C’est au premier millénaire que les Marnais de Tinqueux doivent probablement leur gentilé. C’est en tout cas ce qu’on peut lire sur le site internet de la mairie. On explique que les Romains, qui y avaient installé des teintureries au début de notre ère, appelèrent l’endroit Tinta Aqua. Des siècles ont passé, chacun ou presque apportant sa touche à l’orthographe de la commune pour, au final, aboutir à Tinqueux, une cité toujours peuplée d’Aquatintiens.

Bien plus tard, au début de la Renaissance, c’est à François 1er en personne que les Hauts-Marnais de Saint-Dizier doivent d’être appelés encore aujourd’hui les Bragards. « Bragards » est la contraction de « braves gars ». Le roi de France se serait exclamé ainsi en 1544 « car les habitants s'étaient conduits très bravement face aux attaques de Charles Quint », nous dit Jean-Pierre Colignon. 

Dans les Ardennes, il n’est pas question de bataille historique pour comprendre pourquoi les 2300 âmes de Monthermé sont appelées les Baraquins. Membre du CREHLOM, le Cercle de Recherches et d’Etudes sur l’Histoire Locale de Monthermé, Hubert Bureau nous renvoie au milieu du XXe siècle, « parce que les anciens nous ont dit qu'avant la seconde guerre mondiale il n'y avait pas de nom pour désigner les habitants. » Il poursuit : « D’après ce qu'on sait, ça viendrait d'un groupe de personnes qui habitaient un vieux moulin appartenant aux usines et qui avait été transformé en logements. Comme c'était assez vétuste, on appelait ça les baraques et les gens qui vivaient là les baraquins ». Et le nom s’est étendu à toute la population, au grand dam d’Hubert Bureau qui aimerait que la municipalité opte pour un autre gentilé. « Certains préconisent Monthermésien, personnellement je préférerais Ermerimontain, ce sont des idées ».

Changer de gentilé, c’est le choix qui a été fait à Creney-près-Troyes, dans l’Aube. Ici, voici quelques années, les Coeurlequines et Coeurlequins ont remplacé les Cronetons, se souvient le maire, Jacky Raguin. Une dénomination un brin plus poétique qui se marie bien avec le romantisme qui émane de Saint-Pouange. Dans ce village voisin d’une vingtaine de kilomètres, les 900 habitants sont devenus des Glayolas en raison de la présence nombreuse, autrefois, de glaïeuls sauvages le long des cours d’eau de la commune. 

A Gilley, en Haute-Marne, ce sont les murgers qu’on trouvait en nombre autrefois. Il fallait nettoyer ces murs épais constitués de pierres, qui délimitent les propriétés ou les cultures, en les grattant, nous dit la mairie. Par extension, les 66 habitants qui demeurent encore dans la commune en 2023 s’appellent les Gratte-Murgers.

Quand les saints s’en mêlent (à leur dépens…)

Il arrive que les croyances ou la religion aient participé à la création d’un gentilé. En remontant au moyen-âge, on découvre qu’une météo capricieuse aurait provoqué l’avènement des Padadas à Verrières. « En argot de l'époque, Padada signifie pendeur de saint », nous confie Jacky Favre, le maire du village marnais. Mais pour quelle raison un saint aurait-il été pendu ? Autrefois, les communes avaient fréquemment des vignes pour faire du vin, nous rappelle l’édile. A l'époque, un coup de gel aurait ravagé celles de Verrières. « Mécontents, les habitants, privés de leur piquette, ont décidé de pendre le saint référent, c'est-à-dire Saint-Didier. Ils ont sorti la statue de l'église et l'ont trimbalé dans le village ».

C’est aussi une histoire de saint qui permet d’associer le mot « Patroclien » aux 3100 habitants de Saint-Parres-aux-Tertres. Patroclien, un nom hérité de Patrocle, pas le Patrocle de la guerre de Troie, amant d’Achille, mais bien le Patrocle de Troyes, un des premiers saints de l’Eglise mort martyrisé en 259. D’abord jeté dans la Seine dont il s’échappa, Saint-Parres dit Patrocle fût finalement décapité sur une colline située sur le territoire qui constitue aujourd’hui cette commune auboise.

Quand le mystère demeure…

Du côté de Saint-André-les-Vergers, dans l'Aube, la première des Dryates ne sait pas pourquoi les habitants de sa commune se nomment ainsi. Suite à notre appel à la mairie, Catherine Ledouble et son équipe ont mené une enquête, allant même jusqu'à interroger un des adjoints élu depuis plusieurs décennies. Qualifié de "toujours très bien informé", l'homme omniscient n'en sait pourtant pas plus que d'autres sur cette question. Le mystère reste entier.

« On s’est renseigné, on a demandé aux personnes les plus anciennes et personne ne sait. » Voilà ce que répond la mairie de Laifour (Ardennes) quand on lui demande pourquoi les habitants s’appellent les Vautours. A Morancourt, en Haute-Marne, le maire, Francis Baudot nous assure que « officiellement, c’est les Morancourtois et les Morancourtoises. Les gens disent qu'on est les Touilles mais cette légende, on n'a jamais su d'où elle venait. » Venue de nulle part, la légende est bien arrivée sur internet où les 131 Morancourtois apparaissent d'abord comme des Touilles quand on lance une recherche.

S’il y a ignorance parfois, débat de temps en temps, le gentilé ne relève d’aucun caractère officiel.  Il appartient avant tout au folklore, il est le témoin d’un attachement à l’histoire locale, de l’appartenance à un groupe. C’est peut-être ce dernier point qui a primé à Ville-sur-Retourne, dans le département des Ardennes, où les habitants s’appellent tout simplement… les Villageois.

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