Les sénateurs ont adopté un texte en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" à recourir à l'IVG. Le vote a eu lieu le 1er février. La plupart des sénateurs de Champagne-Ardenne ont décidé de voter contre.
Le Sénat a adopté mercredi 1er février un texte en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. La chambre haute, à majorité de droite, a préféré cette notion de "liberté" à celle de "droit" chère à la gauche. Au terme d'un débat passionné, le vote a été acquis par 166 voix pour et 152 contre.
En Champagne-Ardenne, seul un sénateur a voté pour. Il s'agit d'Yves Détraigne, membre du groupe Union Centriste et élu dans la Marne. Deux sénateurs se sont abstenus : Marc Laménie, élu Les Républicains des Ardennes et Évelyne Perrot, membre du groupe Union Centriste et élue dans l'Aube.
Les autres sénateurs de Champagne-Ardenne ont voté contre le texte. Il s'agit de :
- Else Joseph (Les Républicains), élue dans les Ardennes
- Françoise Férat (Union Centriste), élue dans la Marne
- René-Paul Savary (Les Républicains), élu de la Marne
- Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants), élue dans l'Aube
- Charles Guené (Les Républicains), élu en Haute-Marne
- Bruno Sido (Les Républicains), élu en Haute-Marne
Mais un vote contre ne signifie en rien une remise en cause du droit à l'IVG. C'est en tout cas ce que nous a expliqué le sénateur Les Républicains de la Marne René-Paul Savary, joint ce 3 février. "Personne ne remet en cause le droit à l'IVG. Je suis très attaché à ce droit-là. Mais comme beaucoup de mes collègues, je pense qu'il était superfétatoire de vouloir l'inscrire dans la Constitution", indique-t-il.
"C'est une proposition de loi réactionnelle par rapport à ce qui s'est passé aux États-Unis. On n'est pas un pays fédéral. On n'a pas les mêmes droits et la même Constitution."
Si on commence de faire de la Constitution un catalogue des libertés et lois, on en laissera forcément de côté.
René-Paul Savary, sénateur de la Marne
"Ce qu'on peut graver dans le marbre de la Constitution, on peut le dégraver. Si on commence de faire de la Constitution un catalogue des libertés et lois, on en laissera forcément de côté. Ce n'est pas le but de la Constitution."
"Ce qui est important, c'est que notre pays assure ce droit, cette liberté, dans de bonnes conditions. C'est surtout sur les conditions de pouvoir effectivement choisir cette voie-là qu'il faut travailler. Ce n'est pas le fait de l'inscrire dans la Constitution."
Le vote au Sénat est un signal fort envoyé pour rappeler que le droit à l’avortement est un acquis majeur.
Yves Détraigne, sénateur de la Marne
Yves Détraigne, seul sénateur champardennais à avoir voté pour, a une lecture tout à fait différente. "J’ai, pour ma part, considéré que l’immuabilité d’une loi n’était jamais acquise et qu’inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution permettrait de consolider un droit fondamental", nous précise-t-il dans une réponse écrite transmise ce 3 février.
"Le vote au Sénat est un signal fort envoyé pour rappeler que le droit à l’avortement est un acquis majeur des femmes et un élément structurant de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est un premier pas vers l’inscription de ce droit dans la Constitution."
Il ajoute que le texte voté permet un consensus "car il reconnaît la liberté de la femme à avorter tout en lui apposant des limites : après un certain délai, c’est la protection de l’enfant à naître qui prévaut." Il rappelle s'être opposé à l'allongement des délais lorsque la question avait été évoquée. "Il me paraissait plus opportun d’améliorer l’accès à l’IVG dans le laps de temps déjà prévu plutôt que d’allonger celui-ci."
Un référendum si les deux assemblées se mettent d'accord
Les sénateurs examinaient, dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe socialiste, une proposition de loi constitutionnelle de la France insoumise votée en novembre en première lecture par l'Assemblée nationale avec le soutien de la majorité présidentielle.
Le texte de cette proposition de loi a été complètement réécrit, via un amendement du sénateur LR Philippe Bas. Il propose de compléter l'article 34 de la Constitution avec cette formule : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".
Une rédaction qui ne fait plus référence au "droit" à l'IVG, ce que déplore unanimement la gauche, tout en assumant d'avoir agi "en responsabilité" pour permettre à la navette parlementaire de se poursuivre. Car un rejet pur et simple du texte par le Sénat se serait soldé par son enterrement.
Une proposition de loi constitutionnelle doit en effet être votée dans les mêmes termes par les deux chambres, puis soumise à référendum pour être adoptée définitivement. À la différence de ce qui se passe pour les lois ordinaires, l'Assemblée nationale ne peut pas avoir "le dernier mot" en cas de désaccord avec le Sénat.
En octobre dernier, le Sénat avait repoussé par 139 voix pour et 172 voix contre une première proposition de loi constitutionnelle portée par l'écologiste Mélanie Vogel et co-signée par des sénateurs de sept des huit groupes du Sénat, à l'exception des Républicains. En toile de fond, la décision historique de la Cour suprême des États-Unis, l'été dernier, de révoquer le droit à l'IVG.
(avec AFP)