Le Sénat a voté, mercredi 1er février 2023, l’amendement du sénateur LR de la Manche, Philippe Bas, en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Ce texte remplace la notion de "droit" par celle de "liberté".
Par 166 voix contre 152, le Sénat, à majorité de droite, s'est prononcé pour inscrire dans la Constitution la "liberté de la femme" de recourir à l'IVG. Cette formulation abandonne la notion de "droit", défendue à la gauche.
En effet, le texte porté par la cheffe de file des Insoumis, Mathilde Panot, et qui avait été voté en première lecture fin novembre par l'Assemblée nationale, avec le soutien de la majorité présidentielle, disait que : "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse".
Mais pour Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, ce texte est "mal rédigé". Alors, ce dernier, qui a été un proche collaborateur de Simone Veil, a proposé de compléter l'article 34 de la Constitution avec la formule suivante : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse". Pour tenter d'y voir plus clair, il répond à nos questions.
Pourquoi teniez-vous à inscrire le terme "liberté de la femme" de recourir à l'IVG dans la Constitution ?
Philippe Bas : "Il s’agit d’apporter une garantie, je me suis appuyé sur une décision du Conseil constitutionnel qui a reconnu la liberté de la femme enceinte de mettre fin à sa grossesse comme une liberté de rang constitutionnel. En outre-Atlantique il n’y a pas de consensus général sur l’IVG. L'été dernier, nous avons assisté au renversement d'une décision de la Cour suprême aux Etats-Unis qui remontait à 1973 et qui garantissait le droit à l'avortement pour les Américaines. Désormais, chaque État peut décider d'interdire l'avortement sur son sol. Pour nous, inscrire la liberté de recourir à l'IVG est une assurance. En cas de revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel, la garantie subsisterait puisqu’elle serait écrite dans la Constitution. Avec le texte que j’ai soumis au Sénat, on ne peut pas supprimer l’IVG par la loi et on ne peut même pas la vider de sa substance. On rentre dans le régime commun de toutes les libertés constitutionnelles".
Quelle est la différence entre "liberté" et "droit" ?
Philippe Bas: "Le droit à l’interruption volontaire de grossesse était seulement mentionné sans être défini, en réalité, on ne sait pas ce que ça veut dire et dans quelle limite il s’exercerait. Nous, on parle d’une liberté dont les contours sont bien dessinées, c’est la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse dans les conditions déterminées par la loi. Je vous rappelle que "la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres" selon la Déclaration des Droits des Hommes. Et nous veillons à cela et à l'équilibre de la loi Veil, c'est-à-dire que c'est la liberté de la femme jusqu’à la 14ème semaine de grossesse, puis c'est la protection de l’enfant à naître jusqu’à la fin de la grossesse qui prime. Le texte présenté mercredi est respectueux de cet équilibre".
Concrètement ça change quoi pour les femmes ?
Phillipe Bas : "Dans les faits, pas grand-chose. C'est surtout une garantie pour les femmes de mettre un terme à leur grossesse si elles le désirent dans les conditions de la loi.
Certains estiment que c'est un "vote historique" qui a eu lieu au Sénat ce mercredi 1er février 2023. J'estime qu'il ne faut rien exagérer. En France, nous ne sommes pas dans un clivage extrême. Le consensus existe. Le vote historique, c'est celui de la loi Veil. Chacun sait le courage qu’il a fallu à Simone Veil pour affronter les débats. Là, il s’agit d’un pas en avant, d’une garantie constitutionnelle certaine mais face à une menace hautement improbable en France".
Le texte adopté en première lecture par les sénateurs, doit maintenant retourner à l'Assemblée nationale.