Harcèlement scolaire : le témoignage édifiant d'un lycéen homosexuel à Charleville-Mézières

A l'occasion de la journée de lutte contre le harcèlement scolaire ce jeudi 7 novembre, nous republions le témoignage de Maxime. A 17 ans, il est victime d'homophobie dans son lycée à Charleville-Mézière.

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Il s'est installé parmi les derniers rangs. En toute discrétion. Devant lui, une centaine de personnes, militants associatifs, universitaires et personnels de l'éducation nationale venus débattre de la situation des élèves homosexuels dans les lycées de l'académie de Reims. Tout juste arrivé de Charleville-Mézières, Maxime*, 17 ans, a tenu à faire le déplacement. Sur le siège, juste à côté de lui, l'un de ses principaux soutiens depuis la découverte de son homosexualité trois ans auparavant, sa mère Nathalie.  

La problématique de l'homosexualité en milieu scolaire laisse sur leurs visages un sourire désabusé. Tout avait pourtant bien commencé pour le jeune homme, jusqu'à la fin de sa classe de seconde, au moment où il révèle son homosexualité à ses camarades et à ses professeurs. Une confession courageuse, décomplexée, mais lourde de conséquences.

"Le regard de mes amis et des autres élèves a immédiatement changé. Très vite, je me suis retrouvé mis à l'écart. Des personnes que je fréquentais tous les jours se sont mises à m'ignorer, explique Maxime. D'autres, intriguées, ne cessaient de me questionner sur ma sexualité. Et puis les insultes ont commencé, régulières, quasi quotidiennes "Pédé" et plein d'autres choses de ce type…De la part d'élèves d'autres classes mais aussi de personnes que je connaissais depuis des années…Mais pas de violences en revanche, jamais…"


Des insultes en pleine classe 

Sa mère Nathalie, voix douce et mèches brunes tombantes sur ses yeux fatigués, peine à masquer son énervement. "Moi ce qui me révolte le plus, c'est que les profs n'interviennent pas alors que les insultes ont toujours lieu au sein des classes. En cours de français, à la question est-ce que vous connaissez Rimbaud ? Tous les élèves se tournaient vers Maxime 'Mais oui c'est le poète pédé, tu connais bien toi les pédés Maxime…' Ça a empiré parce que les profs ne disaient rien en classe, regrette-t-elle. Lorsque j'entends certains professeurs expliquer qu'ils n'interviennent pas parce qu'ils ne savent pas comment faire, comment s'y prendre, je peux comprendre… En revanche, dire qu'on n'est pas assez formés, je ne peux pas l'accepter : on n'a pas besoin d'être formé pour parler de respect et dire 'stop, pas de ça dans ma classe.'"

Face aux insultes, Maxime monte au creneau et obtient rapidement des rendez-vous avec le proviseur et son adjoint pour les alerter sur la situation. D'autant que d'autres lycéens homosexuels viennent se confier à lui, alors même que leurs parents ignorent leur sexualité.  

Au cours de l'entretien, un personnel éducatif lui demande s'il ne se vante pas de son homosexualité sur les réseaux sociaux. Une question insidieuse selon sa mère, visant à demi-mot à expliquer sinon justifier ces insultes. "C'est inadmissible d'entendre ça", peste Nathalie.
 

Seule ma professeure d'anglais m'a écouté. Pour le reste, l'homosexualité n'est jamais évoquée en classe. Il faudrait que ce ne soit plus tabou au sein des lycées, et des familles aussi. Je comprends bien en entendant parler des élèves, souvent les plus petits, que ce sont les parents qui leur ont mis certaines choses dans la tête. Il faut que ça s'arrête.
- Maxime, 17 ans.


Une plainte contre trois camarades 

Accompagné de sa mère, Maxime dépose même plainte contre trois camarades pour injures homophobes. Une plainte classée sans suite, les professeurs disent ne rien avoir entendu.

Dès la classe de première, Maxime l'avoue, le lycée devient l'unique lieu à lui renvoyer sans cesse son homosexualité au visage. " Je ne pouvais plus voir le lycée et j'ai commencé à arriver en retard. Très vite, j'ai dévissé au niveau de mes notes… De 15 de moyenne au collège, je suis passé à 9. Impossible de participer à des projets en groupe, à chaque fois je me retrouvais isolé. De peur d'être eux aussi taxés de 'pédés', certains amis m'ont tourné le dos…"

Nathalie voit son fils maigrir de plus en plus. Et pour cause. "Je me suis un jour rendu compte qu'il n'allait plus déjeuner à la cantine. Pour éviter de se retrouver seul à une table. Sa hantise. Si je suis là aujourd'hui, c'est pour briser ce cercle vicieux où il commence à croire que tout le monde, même à l'extérieur du lycée, est contre lui. Je veux le sortir de cet isolement."
 

Un avenir loin de Charleville-Mézières 

Son avenir, Maxime le voit loin, très loin de Charleville-Mézières, où il retrouve dans les rues les mêmes visages connus et moqueurs. De préférence dans une grande ville du sud de la France où il pourrait se fondre dans la masse et concrétiser son rêve professionnel : devenir pompier.

Un départ qui aurait un goût amer pour Nathalie et le reste de la famille qui a tout de suite compris et accepté sa sexualité. Y compris ses deux frères jumeaux, plus jeunes, qui le défendent lorsque dans la cour de leurs collèges, on évoque leur "pédé de grand frère". "Je savais qu'il était homosexuel, je le sentais, explique Nathalie. Ça ne s'est jamais vu dans son comportement, c'est juste que je ne le sentais pas attiré par les filles…J'attendais juste qu'il me le confirme… Jamais je n'aurais pu renier mon fils."

Tout en tentant de la rassurer, Maxime montre un jour à sa mère des reportages sur des adolescents homosexuels tombés dans la dépression. Nathalie est bouleversée et commence à penser au pire des scénarios. Une option que Maxime écarte aujourd'hui. "Je suis épanoui… en dehors de mon lycée."

Reste qu'en 2019, selon Gabrielle Richard, une universitaire présente au séminaire, les jeunes homosexuels sont trois à cinq fois plus susceptibles de réaliser des tentatives de suicide.

*Le prénom a été modifié.
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