Confinement : les archivistes d'Alsace collectent la mémoire des confinés de la crise sanitaire

Les deux mois de confinement resteront comme une période marquante de notre histoire contemporaine. Les archivistes de la région en sont bien conscients. Les archives de Sélestat, Strasbourg et du Haut-Rhin lancent un appel auprès des ex-confinés pour recueillir leurs souvenirs. 
 

Laisser une trace pour les historiens de demain : c’est l’ambition des archivistes de la région. Qu’ils soient basés à Sélestat, Strasbourg, Mulhouse ou Colmar, tous proposent aux Alsaciens de venir leur déposer leurs souvenirs de confinement. Banderoles, photos, textes, oeuvres artistiques : tout est bienvenu.
 

La vie quotidienne au temps du confinement

A l'instar de Mulhouse, les archives municipales de Sélestat ont fait partie des premiers à se lancer dans une collecte inédite. L’opération s'intitulait  "Confinés : une collecte d’archives qui racontent votre histoire". C’était le 17 avril 2020, tout le monde était encore chez soi, pour se protéger du coronavirus. A l’origine de ce projet, Guilaine Kientz, la responsable des archives de Sélestat : "Je voulais garder une trace de cette période si particulière et surtout éviter que tout cela ne passe par la poubelle".

 

 

Les premiers dépôts sont arrivés très vite. "Les gens étaient contents et fiers de le faire, de partager leurs émotions en laissant une trace". Des banderoles, des réalisations artistiques, des photos : "une personne m’a confié les instructions sanitaires que son mari avait reçues sur son lieu de travail ; j’ai moi-même collecté les nouvelles mesures mises en place dans notre service, les vidéos que la Ville a publiées pendant le confinement ".

 

 

Collecter le passé, c’est penser à l’avenir 

Au-delà de cette collecte, il s’agit bien sûr de rassembler des documents qui seront ensuite analysés et décortiqués par les futurs historiens de cette période. La responsable des archives de Sélestat reconnaît que la connaissance de la vie quotidienne se perd très vite. Avec le déconfinement, les Alsaciens ont repris presque leur vie d’avant : c’est une course contre la montre qui est engagée pour collecter ces souvenirs de confinés.

La connaissance de la vie quotidienne se perd très vite
- Guilaine Kientz, responsable des archives municipales de Sélestat -

 

En ce début juin, "avec une dizaine de documents collectés, c’est encore un peu faible", reconnaît Guilaine Kientz. Mais elle ne désespère pas. Techniquement, le document déposé aux archives fait l’objet d’un contrat. Si c’est un don d’archive privée, il est définitif et irréversible. En revanche, si la personne souhaite récupérer son archive, elle signe un contrat de dépôt, qui, lui, est réversible. Dans cette période de réglementation sanitaire particulière, chaque document reste posé à l'abri 72 heures avant d’être manipulé.  

 

Le service des archives municipales de Sélestat est fermé au public jusqu’en septembre. Pour faire un don, il suffit de prendre contact par téléphone (03 88 58 85 24) ou par mail (confines@ville-selestat.fr) afin d’obtenir un rendez-vous. "On conserve d’abord pour l’Histoire", précise Guilaine Kientz, "mais aussi dans l’idée de valoriser tout cela par la suite sur nos réseaux sociaux et à travers de futures expositions".
 

A Strasbourg, la collecte démarre

Aux archives de la Ville de Strasbourg, plusieurs pistes de collecte sont en cours. Certains enseignants ont organisé pour leurs élèves du primaire et des collèges des séquences d’écritures de lettres à l’intention des résidents d’Ehpad, plus isolés que jamais pendant le confinement. Ces lettres ont été envoyées par mail, imprimées et lues aux personnes âgées. Les originaux seront remis prochainement aux archives de la Ville, en guise de témoignage.

Benoît Jordan, le conservateur en chef du patrimoine aux archives de Strasbourg, relaye une autre démarche menée par une enseignante du collège Galilée de Lingolsheim. Avec ses élèves de 6e, elle devrait aller à la rencontre des habitants pour recueillir leurs paroles d’ex-confinés. Si ces derniers sont d’accord, leurs témoignages seront confiés au service des archives.

C’est toujours passionnant de collecter les productions, les écrits et témoignages de ces moments si particuliers vécus par la Nation 
- Benoît Jordan, le conservateur en chef du patrimoine aux archives de Strasbourg -

Certains ont tenu un journal pendant le confinement : un témoignage au fil de l’eau qui peut être un bien précieux dans le cadre de cette collecte. Même si cela n’est pas toujours Bossuet derrière la plume ou l’écran, le conservateur prend tout ce qui vient : "quelque chose qui est écrit dans le feu de l’action ou du moment, je prends!". Il se souvient de ces dessins et messages collectés au lendemain de l'attentat de Strasbourg : "c’est toujours passionnant de collecter les productions, les écrits et témoignages de ces moments si particuliers vécus par la Nation".

 

Il espère pouvoir aussi recueillir la parole des soignants. "Pour l’instant, même si la tourmente semble s’apaiser, ça n’est pas encore fini. Ils sont encore épuisés et très fatigués. Mais, quand ils seront prêts, j’aimerais vraiment avoir un retour sur leur vécu des choses. Pour les historiens, leur parole sera importante".
 

Contribuer à la construction d’une mémoire « ordinaire » : l’appel de Colmar

Ce mardi 9 juin, journée internationale des archives et date de réouverture des archives départementales du Haut-Rhin, un appel à témoignages sera lancé auprès des citoyens pour comprendre comment ils ont vécu cette crise du coronavirus.

Les archives du Haut-Rhin, département particulièrement touché par la pandémie, proposent aux Haut-Rhinois de s’accorder un temps d’introspection afin de décrire leur expérience de confinement et de déconfinement : "vécu de la maladie, travail en première ligne, télétravail, continuité pédagogique, actes de reconnaissance envers les soignants, apéro-visio, mise en place de dispositifs solidaires, sport à la maison, changement des modes de consommation… Votre quotidien devient mémoire vivante ! ". Et de préciser : "l’enjeu, ici, est de contribuer à la construction d’une mémoire ordinaire et inclusive de la pandémie".

Carnets de récits de vie, vidéos, photos, enregistrements sonores ou musicaux, lettres, affiches ou blog : toutes les contributions peuvent être envoyées par mail. Cet appel ne concerne pas uniquement les adultes : les enfants, par leur regard différent posé sur les choses de la vie, peuvent également enrichir de leurs mots ou leurs dessins cette collecte de la mémoire "ordinaire". Ordinaire, certes, mais unique.

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