Confinement : A Metz et Nancy, l'Opéra victime collatérale du coronavirus

Opéra, théâtre, danse, art lyrique,le Covid19 est une catastrophe pour l'Opéra-Théâtre de Metz-Métropole et l'Opéra National de Lorraine à Nancy. Les deux structures tentent cependant de maintenir une activité à distance en attendant que les conditions soient réunies pour une réouverture de rideau.

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Maintenir une activité, coûte que coûte, alors que la saison est annulée, que les spectacles sont reportés, voire supprimés et que l’incertitude pèse sur les conditions d’une reprise d’activité qui n'aura pas lieu avant l'automne… C'est un enjeu de taille et vital pour l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole  comme pour l’Opéra National de Lorraine à Nancy.

Toutes les équipes en télétravail

Les deux institutions lorraines, qui fonctionnent pour l'essentiel avec les subventions des collectivités locales sont fermées au public, et leurs personnels confinés et en télétravail. Qu'il s'agisse des équipes administratives, techniques, des artistes, musiciens d'orchestre et chanteurs des choeurs, tout le monde est à la maison depuis le 16 mars.
''A la maison mais au travail'', souligne Nathalie, cheffe de choeur l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole. ''En temps normal nous avons déjà une part importante de travail personnel pour apprendre les textes des livrets et pendant le confinement nous continuons à recevoir les partitions des spectacles sur lesquels nous devions travailler au printemps et pour la fin de la saison, comme l'opéra Giovanna d’Arco, qui devait être joué fin juin et qui est reporté au mois d'octobre.''

Plusieurs oeuvres sont en effet reportées au début de la prochaine saison voire au-delà et le travail entamé se poursuit à la maison pour les chanteurs et les musiciens. "Le plus difficile, c'est de ne plus pouvoir nous retrouver ensemble sur scène ou en studio comme nous le faisions habituellement. Car notre travail est aussi et surtout un travail d'équipe."

 

Chanter seul chez soi est une chose, chanter en choeur sur scène en est une autre.
- Nathalie Marmeuse, cheffe de choeur à l'Opéra-Théâtre Metz-Métropole

Pour permettre aux danseurs confinés chez eux de pouvoir continuer à s'entraîner les équipes techniques des ateliers ont réalisé et livré à domicile des barres de travail.

A Nancy, l'Opéra National de Lorraine est dans la même situation. L'institution compte en outre un orchestre. Les musiciens travaillent aussi chez eux et continuent leurs missions éducatives auprès des élèves des organismes partenaires. Les équipes techniques ne sont pas en reste dans les deux structures. Dans leurs ateliers couture par exemple, la confection de costumes a laissé place à la fabrication de masques en tissu!

Je n'ai pas hésité une seconde lorsque la direction nous a demandé si nous étions prêtes à fabriquer des masques de protection.
-Marie Masson, couturière à l'Opéra National de Lorraine

"Ce n'est pas la confection haute-couture dont nous avions l'habitude avec nos costumes de scène, mais c'est tellement important aussi de nous sentir utiles en ce moment", précise la couturière.

Garder le lien entre le public et les artistes

C'est un enjeu majeur. Pour cela l'Opéra national de Lorraine à Nancy a mis en place plusieurs dispositifs interactifs qui mettent en lien les musiciens et le public.
Premier exemple avec On joue chez vous:  depuis le 7 avril, il est possible de s'inscrire sur le site de l'opéra pour pour vivre en direct un appel musical sur son téléphone ou sur Skype (meilleur au niveau du son) avec un musicien de l'Orchestre.
Nous avons testé, en voici un extrait.

 Les mélomanes sont ravis.

"Les gens s'inscrivent, qui ne sont pas forcément des habitués de l'Opéra. Après un temps d'échange je leur joue une oeuvre en fonction de leurs goûts, de ce que nous nous sommes racontés", explique Jean-Marie Baudour, violoniste à l'Opéra National de Lorraine.

 

C'est souvent un beau moment de partage et ils sont ravis d'entendre un musicien jouer pour eux
Jean-Marie Baudour, violoniste

Autre exemple avec Continuer.
L'Opéra Nancéien a décidé de stimuler la création en passant commande à des artistes confinés, comme par exemple Tiphaine Raffier. La première réalisation est en ligne.

 

A un moment aussi difficile, il est essentiel pour nous de maintenir ce lien avec le public.
- Matthieu Dussouillez, directeur général de l'Opéra National de Lorraine.
"Et au delà avec des gens qui, même s'ils ne viennent pas habituellement dans nos salles, ont besoin de savoir que finalement nous sommes là, tous ensemble, et que nous agissons chacun à notre manière, avec nos armes, pour nous la musique, le chant, la création artistique'."
Alors les initiatives se multiplient, comme les ateliers créatifs qui  permettent justement de garder ce lien. En voici un exemple.

Enfin les musiciens, encore eux, présentent  leurs instruments sur les réseaux sociaux dans des vidéos ludiques.

Préparer la suite

L'effet de sidération passée,  les équipes de direction ont donc dès l'annonce du confinement préparé la suite. Administrativement, l'activité ne s'est en fait jamais arrêtée car il a fallu gérer les annulations de spectacles, organiser les reports, prévenir les partenaires, payer les fournisseurs, les salaires, mettre enfin les établissements désormais fermés en sécurité...

A Metz, la décision de reporter les trois prochains spectacles du printemps (Le comte Ory, le Chat botté, Roméo et Juliette) est prise très vite, dès le 17 mars. Puis, devant l'ampleur de l'épidémie et des mesures sanitaires envisagées, l'annulation de la saison qui devait se clôturer par une création, Giovanna d'Arco s'impose d'elle-même.
Les reports sont des opérations complexes dans l'art lyrique notamment, car les spectacles sont pensés, imaginés, commandés parfois deux ou trois ans en amont. Or les calendriers ne sont pas extensibles et condamnent du coup de nombreux projets.

Le comte Ory, pour lequel le travail de répétition était déjà en cours, sera joué en ouverture de la saison 2021-2022. Plus proche, si la situation sanitaire le permet, Giovanna d'Arco sera proposé début octobre en ouverture de la prochaine saison. Si tout va bien... Car les inconnues sont nombreuses et l'équation s'avère compliquée pour le spectacle vivant en général et l'Opéra en particulier.
Aujourd'hui nul ne sait prédire quelles seront les conditions de sécurité requises pour ouvrir, quelle seront les jauges autorisées, ni combien d'acteurs et de chanteurs et de musiciens pourront être sur scène ensemble...

 

Nul ne peut prédire aujourd'hui ce que seront les prochaines saisons de l'Opéra-Théâtre.
- Paul-Emile Fourny, directeur de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole

"Ni dans quel état se retrouvera la profession en général à l'issue de cette crise", poursuit le directeur de la Maison messine. "Bien sûr, à Metz nous travaillons sur un plan B et déjà, aussi, sur un plan C. La situation est tellement inédite qu'il nous faudra peut-être aussi repenser les choses en profondeur en terme de création.''

Même conclusion du côté de l'Opéra National de Lorraine où  Matthieu Dussouillez, le directeur général, annonce le report de la présentation officielle de la prochaine saison. Habituellement proposé à la mi-mai, l'exercice est reporté à la mi-juin. ''Le temps d'y voir plus clair'' précise le patron de la Maison nancéienne.

 

 

Un avenir incertain

Beaucoup de questions demeurent quant à l'avenir même de toute une profession.
Car si dans l'immédiat les structures lorraines -qui dépendent totalement ou très majoritairement des collectivités locales- ne sont pas menacées, la situation économique qui naîtra de la crise imposera des choix budgétaires, partout. Quels seront-ils en matière de soutien à la culture et à la création artistique? Déjà dans l'hexagone, d'autres opéras et structures similaires savent qu'elles fonctionneront dès l'année prochaine avec un budget réduit. Très réduit.

Pour Matthieu Dussouillez, "ce sera un moment de vérité et un choix de civilisation. Rappelons d'ailleurs que l'Opéra et l'art lyrique sont historiquement à la base de notre civilisation. Ils en constituent un pilier essentiel, qu'il faut absolument préserver."
Le Messin Paul-Emile Fourny ajoute que "la culture et les moyens dont elle bénéficie c'est avant tout un choix politique. Mais au-delà des considérations budgétaires, nous devrons probablement repenser dans les années qui viennent le type de spectacles que nous pourrons produire, nous y travaillons déjà d'ailleurs."

Sanctuariser les budgets des structures qui sont déjà pour nombre d'entre elles ''à l'os'', soutenir la profession du spectacle en général, voilà bien ce qui semble la priorité des priorités pour l'ensemble des acteurs de l'Art lyrique notamment. Le ministre de la Culture qui s'est entretenu avec le Premier ministre est aussi sur la même longueur d'onde. Reste à savoir si les collectivités locales -qui portent souvent les budgets de leurs institutions culturelles- seront toujours en capacité de le faire.
En attendant, les équipes travaillent, s'organisent et espèrent... Pour la prochaine saison.
 

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