Rentrés de leur ville d’études, d’un échange universitaire à l’autre bout du monde ou lycéenne, trois jeunes se confient sur le quotidien de leur confinement dans leur village du Sundgau, au sud de l'Alsace, de Leymen à Rantzwiller.
Mylèna Mangold est élève en terminale ES au lycée Jean Mermoz, à Saint-Louis (Haut-Rhin). Chaque jour, à son domicile leymenois, elle se lève à 7h pour se connecter sur monbureaunumérique.fr, l’interface sur laquelle elle récupère les cours de ses professeurs. "Pendant la journée, comme tout le monde se connecte, c’est très difficile d’y accéder. Depuis le début du confinement, j’ai peut-être réussi deux ou trois fois".
La lycéenne rythme ses journées en fonction des devoirs à rendre et des cours à apprendre. Un bouleversement du quotidien, et une nouvelle manière de travailler. "Les cours de sciences économiques et sociales, on les a en visioconférence, ce qui nous permet d’avoir des explications", raconte la jeune femme de 18 ans. Pour les autres matières, elle reçoit des polycopiés. "J’imprime mes cours et je surligne ce qui me semble important. J’essaye de faire au mieux vu les circonstances", confie-t-elle.J'essaye de faire au mieux vu les circonstances
-Mylèna Mangold, lycéenne
Une situation pas évidente, à trois mois du baccalauréat. "En classe, on sait exactement combien de temps on a chaque matière, chaque semaine. Là, je dois m’organiser toute seule. Et si je passe trop de temps sur une matière, je prends du retard sur une autre", estime Mylèna. "Gérer tout cela est assez compliqué et c’est ce qui me fait peur pour le bac. Je ne sais pas si je vais réussir à me préparer correctement", poursuit-elle.
Le quotidien en dehors du lycée implique aussi de ne plus voir ses amis. "Ça me manque tellement, de ne pas les voir tous les jours ! On s’écrit, mais ce n’est pas pareil, on ne peut pas discuter directement. Mais je sais que le confinement est une bonne chose pour tout le monde… depuis le début, je n’ai plus quitté la maison sauf pour aller dans le jardin !".
"C'est comme des vacances, mais sans liberté"
Le manque de contact, voilà exactement ce que regrette Margot Dietschin. La jeune femme de 22 ans habite quelques maisons plus loin, à Leymen. Actuellement, tout son groupe d’amies se trouve dans le Sundgau. Et pourtant, impossible de profiter de cette proximité. "C’est frustrant de savoir que je n’ai pas le droit de les voir. Pour une fois que tout le monde est là et que chacune a du temps libre, on pourrait s’organiser des choses, mais on ne peut pas", déplore-t-elle.Etudiante en troisième année d’ostéopathie à Strasbourg, Margot suit les cours de son école par visioconférence, tous les jours. "Pour les travaux dirigés, le professeur fait l’appel. On se connecte tous sur une application et on laisse la caméra pour que l’intervenant nous voie, pour humaniser le cours, bien que chacun soit face à son écran", explique-t-elle. Les étudiants peuvent alors poser leurs questions dans un chat, ouvert dans l’application.
Je préfère avoir des cours en visioconférence que de finir l'année le 15 août
-Margot Dietschin, étudiante en ostéopathie
Lors des cours magistraux, ils sont près de 70 à être connectés pour suivre le cours en temps réel. Une bonne alternative aux cours classiques, selon Margot : "de moi-même, je n’aurais pas travaillé autant. Surtout, cela nous évite de finir l’année le 15 août : s’il y a moyen d’avancer, tant mieux."
Les différents enseignants n’hésitent pas à parler aux étudiants de la crise sanitaire que l’on traverse actuellement. "La semaine dernière, nous avons eu l’intervention d’une neurologue. En première ligne face au coronavirus, elle nous a expliqué que le personnel hospitalier se trouvait contraint de sélectionner les patients selon leur âge, faute de lits. Elle nous a dit qu’elle était prête à mourir, sachant qu’elle n’aurait pas de lit, si elle en avait besoin. J’ai trouvé ça incroyable qu’elle se soit faite à l’idée de ne pas être "sélectionnée", si la situation en arrivait là. Alors elle nous a demandé de faire attention, car ce sont les jeunes qui ont le plus tendance à sortir".
Message reçu : Margot ne quitte pas son domicile. Elle est d’autant plus reconnaissante de passer les semaines de confinement dans son village natal. "Cela aurait été clairement plus difficile dans mon appartement à Strasbourg. Ici, je peux prendre l’air facilement, je peux profiter du jardin, aller courir dans la forêt…. La campagne, ça a du bon !" dit-elle, tout sourire.
Rentrer du Canada pour le confinement
A quelques kilomètres de Leymen, Florian Guillaumat retrouve son village après plusieurs mois passés dans la métropole québécoise. L'étudiant en ingénierie de 22 ans, scolarisé à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, a fait un échange universitaire à Montréal. Il vient tout juste de rentrer chez lui, ce samedi 21 mars, à Rantzwiller, dans le Sundgau. Initialement, son vol était prévu le 13 mai, mais très vite, tous ses plans ont été bousculés."Au début, je voyais tout ça de très loin. On parlait du coronavirus en Chine, puis en Italie, en France… le Canada, voyant les conséquences dans ces pays, a pris des mesures rapidement." A commencer par son école, Polytechnique Montréal. "Le 13 mars, on nous a annoncé l’annulation de tous les cours jusqu’à nouvel ordre. Le lendemain, tous les lieux non indispensables comme les bars et les restaurants ont fermé".En une semaine, je suis passé de ma vie normale au Canada au confinement en France
-Florian Guillaumat, étudiant en génie civil
L’étudiant en ingénierie a alors mesuré la gravité de la situation. "Le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a demandé à toute la population de se confiner, de sortir le moins possible. C’est à ce moment-là que j’ai compris que la situation allait durer." Florian s’est alors pris du temps pour prendre une décision. Sa compagnie aérienne a annulé son billet d’avion, invitant tous les passagers à avancer leur départ en précisant que quelques jours plus tard, plus aucune liaison ne serait assurée. "Je me suis posé dans ma chambre et j’ai listé toutes les possibilités qui s’offraient à moi. J’étais au Canada pour profiter du pays, pour sortir, or avec le confinement, plus rien n’était possible. La raison qui aurait pu me faire rester, c’étaient les examens, mais mon école les a annulés en présentiel, en disant que nous les ferions à distance".
L’étudiant a alors fait un choix qu’il estime rationnel. "Ce n’était pas celui du cœur, car j’avais plein d’attentes de ces deux derniers mois au Canada. Je voulais profiter des beaux jours, j’avais des festivals de prévu… puis tout a été annulé. En l’espace de quelques jours, tous mes projets sont partis en fumée, c’était décevant." Vendredi 20 mars, l’étudiant a quitté définitivement le Québec. "Moralement, c'était dur, j'avais une vie de rêve au Canada, des colocataires avec qui je m'entendais super bien, des amis..." Un retour au goût amer, dû à des circonstances exceptionnelles, mais Florian relativise. "Je ne regrette pas d’être rentré. Je ne me voyais pas en confinement dans une ville comme Montréal. Ici, dans ma campagne sundgauvienne, je peux au moins aller courir en forêt par exemple".
Ce retour parmi les siens implique un nouveau rythme au quotidien. "C’est un changement de vie radical que je n’ai pas vu venir. Il faut s’adapter vite et bien. J’étais autonome au Canada, et là je rentre chez mes parents, je perds forcément en indépendance." Pour le moment, Florian est en vacances, le temps que son école s’organise pour assurer les cours durant le confinement. A partir de lundi 30 mars, il suivra les cours de Polytechnique Montréal en ligne, depuis Rantzwiller.