Coronavirus : "le Covid19 peut avoir un impact indirect sur le cerveau", explique un neurologue

Si le covid19 n’a pas encore livré tous ses secrets, il pourrait être encore plus dangereux qu’on ne le croit. Le médecin Nancéien Hervé Vespignani, spécialiste en neurologie, a découvert que la maladie pouvait provoquer des lésions cérébrales. Entretien. 

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Professeur honoraire de neurologie à l'Université de Lorraine et directeur médical de la start-up Bio-Serenity, Hervé Vespignani et son équipe ont réalisé une nouvelle étude concernant l'impact du coronavirus sur le cerveau. Leur rapport, publié lundi 19 avril dans la revue médicale "Annals of neurology", démontre que des lésions cérébrales sont possibles chez les patients malades et qu'elles sont détectées par un électroencéphalogramme (EEG).

Vous avez découvert des anomalies cérébrales chez certains patients atteints par le covid-19 grâce à l'électroencéphalographie. Qu'est-ce que cela signifie ? 
Il y a deux choses que les scientifiques savaient déjà: que le coronavirus a une action directe sur le cerveau. C'est à dire qu'il peut provoquer une encéphalite de type méningo-herpétique et une souffrance cérébrale, dues à un manque d'oxygène. 

Grâce à l'électroencéphalographie, notre équipe montre que le coronavirus peut avoir un impact indirect sur le cerveau. L'inflammation puis l'infection des poumons provoquent une hyper coagulation (le sang s'épaissit). Cela mène à un déficit immunitaire responsable d'une inflammation du cerveau, une encéphalite.

Le virus est donc capable d’avoir un effet délétère de trois façons possibles sur le cerveau. 
 
Comment s'est déroulée votre étude observationnelle ? 
Dès le 18 mars 2020, dans les hôpitaux d'Ile-de-France et de Pointre-à-Pitre, nous avons utilisé l'électroencéphalographie sur tous les patients atteints par la covi19 qui souffraient de confusion mentale et de retard de réveil après une levée de la sédation artificielle. Jusqu'au 31 mars, nous avons constaté sur cinq malades des anomalies électroencéphalographiques identiques et caractéristiques d'une encéphalite! À la suite de ces résultats, nous avons immédiatement averti les services covi19 en leur expliquant que si des patients se réveillaient mal, c'était probablement à cause d'une encéphalite. Certains ne nous ont pas crus...

Le 17 avril, sur les 157 patients testés, nous en avons 26 qui présentent des signes d'encéphalite. 

Courant mars, en Chine, une patiente a développé une méningite aiguë. Début avril, aux Etats-Unis, des résultats d'IRM ont démontré un premier cas d'encéphalopathie avec des lésions cérébrales corticales. Au Japon, en Italie, en Allemagne et en Angleterre, des médecins font le même constat que le nôtre!
- Hervé Vespignani

Quel est le profil type des personnes les plus touchées par ces lésions cérébrales?
Pour le moment, il est trop tôt pour faire des statistiques car il y a un trop grand nombre de malades. D'autant plus que les personnes âgées de plus de 80 ans ne sont pas toujours prises en charge quand elles sont atteintes par le coronavirus. Mais ce que je peux vous dire, c'est que chez les patients étudiés, les plus impactés sont quatre hommes et une femme, qui ont entre 58 et 70 ans.

À quel stade de la maladie ces lésions cérébrales peuvent-elles apparaître ? Quels sont les symptômes ? 
L'inflammation peut survenir tôt dans l'évolution de la maladie : il existe des cas où le cerveau est atteint avant le stade du coma. Nous avons constaté cinq cas de confusion mentale (trouble de l'attention, de la concentration et de la mémoire ou du sommeil) chez des patients non intubés et qui ne souffraient pas d'insuffisance respiratoire. Mais cela reste encore flou. 

Quels sont les traitements et remèdes possibles ?
Si les symptômes arrivent tôt, avant la réanimation, on peut éventuellement traiter le patient avec des anti-inflammatoires puissants. Mais lorsque les problèmes pulmonaires sont résolus, faut-il leur administrer des corticoïdes ou des modulateurs de l'immunité (immunoglobulines)? Faut-il faire des transferts d'anticorps? Lesquels, je ne sais pas. Ce n'est pas mon domaine de spécialité. Ce que nous savons, c'est que les encéphalites inflammatoires justifient un traitement spécifique au niveau du cerveau. 

Des séquelles sont-elles possibles ?
Les poumons des patients guérissent, mais nous craignons que certains aient des dommages irréversibles au cerveau. Mais à quelle fréquence? Aujourd'hui, nous ne le savons pas encore... 

Avec l'encéphalite inflammatoire, on peut suspecter la survenue ultérieure de séquelles cognitives, neuropsychologiques, un syndrome frontal comme des troubles de l'attention, de la concentration, de la mémoire ou des troubles psychologiques comme une démotivation sur un court, moyen ou long terme.

Il ne faut pas terroriser la population, les malades atteints n'auront pas tous des séquelles. Nous, ce que nous essayons de montrer, c'est qu’il existe des lésions cérébrales, prouvées par l'électroencéphalogramme.
- Hervé Vespignani

Que faut-il faire pour faire avancer la recherche?
Actuellement, les questions que nous nous posons sont les suivantes: quelles sont les séquelles exactes provoquées par ces lésions? Si ces lésions sont découvertes le plus tôt possibles, peut-on empêcher les séquelles? Si nous découvrons des séquelles, que devons-nous faire? Quel traitement utiliser? C'est en observant et en suivant la situation de près que nous aurons des éléments de réponse. ​​​​​​Il faut dès maintenant faire un travail de recherche prospectif sur les malades partout en France.

Nous devons tous nous mettre d'accord sur un protocole à suivre avec, par exemple, la mise en place de tests neuropsychologiques ou d'un traitement spécifique pour analyser les séquelles sur trois mois, six mois, un an...  

L'électroencéphalographie est une technique qui existe depuis des années... Pourquoi est-ce que cela n'a pas été utilisé plus tôt pour détecter les potentielles lésions cérébrales provoquées par la covid-19?
En France, l’électroencéphalographie est une technique très peu employée chez les neurologues de ville et son utilisation est quasi exclusivement réservée pour le suivi des épilepsies. D'autant plus que lorsque l'électroencéphalographie est utilisée, les résultats sont traduits en termes de fréquence et d'amplitude. Ils sont quantifiés. Or, l'encéphalite se manifeste par des aspects morphologiques qui ne sont visibles que si on les observe. Ce qui est possible grâce à une lecture standard et non avec une lecture quantifiée.
 
En Chine, ils ne font pas d'électroencéphalographie. Ils se sont contentés de faire des scanners et des IRM, ce qui n'est pas suffisant. Ils décrivent tous ces troubles de l'attention que j'ai déjà mentionnés mais sans approfondir la recherche pour comprendre d'où cela vient... Attention, je ne souhaite pas les accabler. Tout a commencé en novembre 2019 et nous ne sommes qu'en avril. C'est quelque chose de récent. Ils ont fait ce qu'ils pouvaient avec leurs propres moyens. Désormais, chacun doit apporter sa contribution avec les forces dont il dispose. 
 
Qu'est-ce que l'électroencéphalographie ?
L'électroencéphalographie (EEG) est une technique d'exploration fonctionnelle du cerveau pour mesurer son activité électrique. La méthode existe depuis plus de cinquante ans. Il suffit de placer des électrodes sur le crâne puis d'enregistrer le signal émis et représenté sous forme de tracé appelé électroencéphalogramme. Le procédé est semblable à l'électrocardiogramme pour le cœur. 

La start-up "Bio-Serenity" dont Hervé Vespignani est le directeur médical, a mis au point des lectures en direct qui sont directement numérisés et informatisés sur ordinateur.  
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